Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de son renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, en l'informant de ce qu'elle a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2217391 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, en son article 1er, annulé cet arrêté en tant qu'il lui interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, en son article 2, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2023, Mme C..., représentée par Me Debord, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 novembre 2022 en tant que le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou, à titre encore plus subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et, en tout état de cause, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de saisir les services ayant procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen en vue de la mise à jour de ce fichier en tenant compte de l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur d'appréciation et d'une contradiction dans ses motifs ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pouvait pas se fonder sur la circonstance que le métier qu'elle exerce se trouve dans un secteur non caractérisé par des difficultés de recrutement ;
- il a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que sa situation répondait à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour ;
- les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, le 14 novembre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête en ce qu'elles tendent à l'annulation de l'article 1er du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à sa demande, annulé l'arrêté du 22 novembre 2022 en tant que le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait interdiction de retour sur le territoire français durant un an, pour défaut d'intérêt à agir, le jugement ayant fait droit à sa demande d'annulation, ainsi que des conclusions à fin d'injonction de faire procéder à la suppression, par les services compétents, du signalement de Mme C... aux fins de non-admission dans le système Schengen, qui ne peuvent qu'être accessoires à une demande d'annulation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Debord pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante gabonaise née le 14 octobre 1987, entrée en France le 4 mars 2019 munie d'un visa de court séjour, a présenté le 2 août 2022 une demande d'admission exceptionnelle au séjour en tant que salariée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté contesté du 22 novembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de son renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français durant un an, en l'informant de ce qu'elle ferait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Mme C... relève appel du jugement du 25 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur la recevabilité des conclusions relatives à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance.
3. Mme C... fait appel de l'intégralité du jugement attaqué. Toutefois, l'article 1er du jugement a, à sa demande, annulé l'arrêté du 22 novembre 2022 en tant le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français durant un an. Ce jugement ayant fait entièrement droit, sur ce point, aux conclusions à fin d'annulation de la demande dont ce tribunal était saisi, les conclusions de la requête ne sont pas recevables en ce qu'elles tendent à l'annulation de l'article 1er du jugement entrepris. De même, les conclusions à fin d'injonction de faire procéder à la suppression, par les services compétents, du signalement de Mme C... aux fins de non-admission dans le système Schengen, qui sont accessoires à sa demande d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, sont également irrecevables.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
5. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par la requérante, se sont prononcés de façon suffisamment précise et circonstanciée, notamment sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
6. En second lieu, Mme C... soutient que les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur d'appréciation et d'une contradiction dans ses motifs. Ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité.
Sur la légalité des décisions contestées :
7. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union.
8. Si Mme C... soutient qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations avant que la décision portant refus de séjour soit prise, il n'est ni établi ni même allégué qu'elle aurait été empêchée de joindre à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour toutes les pièces qu'elle estimait utiles de fournir, ou de faire parvenir aux services de la préfecture, pendant l'instruction de cette demande, tous éléments d'information ou argument complémentaire de nature à influer sur le contenu de cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
9. En deuxième lieu, en vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. / (...) ".
10. L'arrêté contesté vise notamment l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que la demande présentée par Mme C... tend à l'exercice du métier de commercial, que ce métier se trouve dans un secteur non caractérisé par des difficultés de recrutement, qu'elle ne justifie pas avoir acquis une ancienneté dans cet emploi ni une expérience professionnelle suffisantes, que Mme C... déclare être célibataire et sans charge de famille en France et qu'elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident sa mère et trois de ses frères et sœurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Le préfet en conclut qu'elle ne peut être regardée comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ". Il précise également qu'il n'est pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. La décision de refus de séjour comporte, ainsi, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivée. La décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui est adossée, qui vise le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas, en vertu de l'article L. 613-1 de ce code, à faire l'objet d'une motivation distincte, est par suite elle-même suffisamment motivée.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
12. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement des dispositions précitées, par un étranger dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'est entrée en France, sous couvert d'un visa touristique, que le 4 mars 2019, et qu'elle y réside habituellement depuis quatre ans à la date d'édiction de la décision contestée, à laquelle s'apprécie sa légalité, sans que ses demandes de régularisation aient abouties favorablement. Sa relation avec un ressortissant français est très récente et le couple, qui n'est ni marié ni pacsé, n'a pas d'enfant à charge. Si une partie de sa fratrie et de ses neveux et nièces résident en France et sont de nationalité française, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident sa mère et trois de ses frères et sœurs et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. D'autre part, si elle établit avoir obtenu pendant son séjour en France un diplôme " MBA " (Master of Business Administration), dans le cadre duquel elle a effectué avec succès un stage du 1er octobre 2020 au 1er mars 2021, et exercer depuis le mois d'octobre 2021 dans la même entreprise le métier de commerciale en contrat à durée indéterminée dans lequel elle donne satisfaction, raison pour laquelle son employeur la soutient dans ses démarches de régularisation, son insertion professionnelle est récente à la date de la décision contestée. Enfin, si dans la décision en litige le préfet des Hauts-de-Seine mentionne que le métier de commercial se trouve dans un secteur non caractérisé par des difficultés de recrutement, ce qui n'est pas sérieusement contesté, il ne ressort pas de cette motivation que le préfet, qui pouvait, parmi d'autres éléments, prendre en considération cette circonstance, aurait fondé le refus litigieux sur ce seul motif. Il résulte de l'ensemble des circonstances susmentionnées que c'est sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet des Hauts-de-Seine a estimé que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme C... ne répondait pas à des considérations humanitaires ni ne se justifiait au regard de motifs exceptionnels.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
15. Dans les circonstances rappelées au point 13 du présent arrêt, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C... et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels ces décisions ont été prises. Pour les mêmes motifs de fait, les moyens tirés de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de Mme C... doivent également être écartés.
16. En dernier lieu, la décision de refus de séjour n'étant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, illégale, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ne peut qu'être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de sa demande. Il y a lieu, par la suite, de rejeter sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
Mme Bruno-Salel, présidente assesseure,
M. de Miguel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BRUNO-SALEL
La présidente,
O. DORIONLa greffière,
C. YARDE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE01145