Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.
Par un jugement n° 2205810 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a, en son article 1er, annulé la décision portant refus de délai de départ volontaire contenue dans l'arrêté du préfet de l'Essonne du 1er juillet 2022 et, en son article 2, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et une pièce, enregistrées le 8 décembre 2022 et le 30 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Dandaleix, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement attaqué ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions restant en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont méconnu leur office et leur obligation de faire usage de leurs pouvoirs généraux d'instruction, en considérant ses allégations relatives à l'acquittement du droit de régularisation comme non établies, sans adresser préalablement une mesure d'instruction afin de les vérifier, alors qu'elles n'étaient pas contestées par le préfet en défense ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors, d'une part, qu'ayant acquitté un droit de visa de régularisation, le préfet ne pouvait lui opposer son entrée irrégulière en France, d'autre part, qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur leur fondement ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur leur fondement ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- il renvoie à ses écritures de première instance.
Par une pièce et un mémoire en défense, enregistrés les 11 et 19 juillet 2024, la préfète de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Dandaleix pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 14 mars 1987, déclare être entré en France le 6 octobre 2017 et s'y maintenir habituellement depuis. Le 1er septembre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, en se prévalant de sa qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 1er juillet 2022, le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 8 novembre 2022 en tant qu'il a, en son article 2, rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit, contenues dans cet arrêté.
Sur la légalité des décisions contestées :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an pourtant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".
3. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour dès lors que les ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Or, aux termes de l'article L. 436-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a pour objet d'inciter les étrangers qui sollicitent un titre de séjour à respecter l'ensemble des conditions posées par les lois et les conventions internationales en prévoyant une procédure de régularisation : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 412-1, préalablement à la délivrance d'un premier titre de séjour, l'étranger qui est entré en France sans être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) acquitte un droit de visa de régularisation d'un montant égal à 200 euros, dont 50 euros, non remboursables, sont perçus lors de la demande de titre. / (...) / Le visa mentionné au premier alinéa tient lieu du visa de long séjour prévu au dernier alinéa de l'article L. 312-2 si les conditions pour le demander sont réunies. ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un visa de régularisation fait obstacle à ce que, après que l'étranger a acquitté l'intégralité du droit y afférent, le préfet puisse lui opposer l'irrégularité de son entrée sur le territoire national pour rejeter sa demande de titre de séjour.
5. Il ressort des pièces versées en première instance et en appel et n'est pas contesté, d'une part, que M. B..., entré irrégulièrement sur le territoire français, a épousé le 11 janvier 2020 une ressortissante française et, d'autre part, que dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, il a sollicité un visa de régularisation en s'acquittant le 10 septembre 2020, par voie de timbre fiscal, de la somme de 50 euros débitée de son compte bancaire sous l'intitulé " CB timbre fiscal 10/09/20 ", puis, à la demande écrite des services préfectoraux remise en main propre à son épouse le 15 septembre 2020, d'une somme de 150 euros correspondant au paiement, le 12 décembre 2020, d'un timbre fiscal électronique transmis à la sous-préfecture de Palaiseau par courrier électronique du même jour, et dont ces services ont accusé réception par courriel le 22 décembre 2020. Il est constant que ce timbre a été dûment réceptionné par ces services qui en produisent en appel, à la suite d'une mesure d'instruction prise en ce sens, une copie. Toutefois, il n'est ni établi ni même allégué que M. B... aurait obtenu le visa de régularisation sollicité, condition posée par l'article 6-2 de l'accord franco-algérien pour la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, ni que le préfet aurait refusé de lui délivrer ce visa, quand bien même l'intéressé en a entièrement acquitté les droits. En revanche, en ne mentionnant pas l'article L. 436-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans l'arrêté contesté, alors que la procédure de régularisation sus-décrite était engagée, le préfet de l'Essonne n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa demande. Dans ces conditions, le requérant est seulement fondé à soutenir que la décision contestée rejetant sa demande de certificat de résidence présentée sur le fondement des stipulations du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit contenues dans l'arrêté du préfet de l'Essonne du 1er juillet 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique seulement que la demande de délivrance d'un certificat de résidence formée par M. B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète de l'Essonne ou à tout préfet territorialement compétent de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Versailles du 8 novembre 2022 et les décisions du 1er juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Essonne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Essonne ou à tout préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande délivrance d'un certificat de résidence présentée par M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,
M. de Miguel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BRUNO-SALEL
La présidente,
O. DORIONLa greffière,
C. YARDE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE02730