Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2306226 du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 novembre 2023, 4 mars et 3 avril 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 30 juin 2024 qu'il n'a pas été jugé utile de communiquer, Mme B... A..., représentée par Me Delacharlerie, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont statué sans faire usage de leur pouvoir d'instruction afin d'obtenir la production de l'avis du collège de l'OFII ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit et d'appréciation ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé en droit comme en fait ;
- à défaut de production de l'avis de l'OFII, la cour ne peut vérifier ni sa régularité ni sa teneur de sorte que la procédure doit être considérée comme viciée ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit faute d'avoir recherché les caractéristiques du système de santé et l'offre de soins dans le pays dont la requérante est originaire ;
- l'arrêté n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations des articles 8 et 3 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 5 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 21 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante congolaise née le 6 juin 1983, est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour le 18 juin 2019. Le 21 novembre 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour soins sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juillet 2023, le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement du 20 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, il ressort des pièces du dossier que suite à une mesure d'instruction diligentée par le tribunal, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) émis le 25 mai 2023 sur la situation de Mme A... a été produit devant le tribunal par le préfet de l'Essonne le 28 septembre 2023 et a été communiqué à la requérante dès le lendemain. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier au motif que les premiers juges n'auraient pas fait usage de leur pouvoir d'instruction pour obtenir la production de cet avis nécessaire à l'examen du litige.
3. D'autre part, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme A... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit et l'erreur manifeste d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent, permettant à Mme A... d'en critiquer utilement les motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté. Il ne ressort pas par ailleurs de la motivation de cet arrêté que le préfet de l'Essonne à un examen complet de la situation de la requérante.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) " Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. / (...) / Les informations ou les résultats d'examens complémentaires sollicités sont communiqués dans un délai de quinze jours à compter de la demande formulée par le médecin de l'office. A défaut de disposer de ces éléments dans ce délai, le demandeur atteste avoir entrepris les démarches nécessaires dans ce même délai. / Lorsque le demandeur n'a pas accompli les formalités lui incombant conformément aux deux alinéas précédents ou lorsqu'il n'a pas justifié de son identité à l'occasion de sa convocation à l'office, le service médical de l'office en informe le préfet dès l'établissement du rapport médical. "
6. Ainsi qu'il a été mentionné au point 2, l'avis rendu le 25 mai 2023 a été produit en première instance, mettant ainsi à même le juge d'en vérifier la régularité. Or il ne ressort pas de cet avis, pris après convocation de l'intéressée, qu'il n'aurait été tenu compte ni de l'offre de soins ni des caractéristiques du pays dont elle est originaire pour déterminer si Mme A... pouvait effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Par ailleurs, s'il ressort de cet avis que le médecin de l'office chargé de l'établissement du rapport médial a sollicité des " examens complémentaires ", la requérante, qui se borne à faire valoir qu'il n'est pas possible en l'absence de production de l'avis du 25 mai 2023, de déterminer si les médecins de l'office ont sollicité puis obtenu l'accord de la requérante afin de demander aux professionnels de santé concernés les informations médicales nécessaires à l'exercice de leur mission, n'établit ni même n'allègue véritablement, alors qu'elle est en mesure de procéder à cette vérification, que son médecin aurait été consulté pour des compléments d'information sans qu'elle ait été saisie pour accord. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ou de ce que la procédure menée par l'OFII est irrégulière doit être écarté.
7. Par ailleurs, s'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
8. En l'espèce, Mme A... souffre d'un diabète de type 2 insulino-dépendant dont l'absence de prise en charge médicale peut entraîner des risques d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressée. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel Mme A... pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la requérante produit un article de presse non daté relatif à la difficulté d'accès aux médicaments pour les diabétiques dans ce pays, une extraction de la base de données de l'OMS selon laquelle il n'existe pas en République du Congo d'établissements de santé disposant d'un ensemble de médicaments essentiels pertinents disponibles et abordables sur une base durable ainsi qu'un certificat médical du Dr C..., médecin généraliste en République du Congo, indiquant " Par rapport au coût financier du traitement dans nos services et le manque de prise en charge par l'Etat. Nous souhaitons que ce traitement soit fait dans un pays où la prise en charge de cette pathologie est gratuite. ". Ces documents généraux ou insuffisamment circonstanciés ne sont toutefois pas suffisants pour remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII, sans qu'il soit besoin de demander la communication de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ledit collège de médecins. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
9. En troisième lieu, s'il ressort des pièces produites que les parents de Mme A..., dont la mère est de nationalité française, résident en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est d'ailleurs allégué qu'elle entretiendrait avec eux des liens d'une particulière intensité ni que sa présence serait indispensable à leurs côtés alors que l'intéressée n'est entrée en France qu'en 2019 à l'âge de 36 ans. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Pour les mêmes motifs qu'indiqués précédemment, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Enfin, la décision de refus de titre n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être également écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE02596