Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2300122 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2023, Mme A... C..., représentée par Me Rouille-Mirza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu en raison notamment de ses attaches familiales en France ;
- l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu dès lors que son état de santé nécessite son maintien en France et qu'il y a lieu de craindre qu'elle subisse des représailles en cas de retour au République démocratique du Congo ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est aussi entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale par voie d'exception, dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ;
- cette décision méconnaît aussi l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève.
La requête a été communiquée à la préfète d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2023/003605 du 9 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 9 novembre 1957, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 30 mars 2014. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont cependant rejeté sa demande par décisions du 24 février 2015 et du 19 octobre 2015. Elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, notifiée le 25 février 2016. Elle s'est toutefois vu délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 26 mai 2016 au 25 mai 2017, en qualité d'étrangère malade. Après avoir sollicité le renouvellement de ce titre, Mme A... a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français le 11 juin 2018, auquel elle n'a pas déféré. Elle a par la suite sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 21 février 2022. Par un arrêté du 24 novembre 2022, la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... C... fait appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 octobre 2023, rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 novembre 2022.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
3. Mme A... C... n'apporte en appel, pas plus qu'en première instance, d'éléments de nature à justifier la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment au regard de l'existence de liens familiaux en France, de la durée de sa présence et de son insertion dans la société française, de telle sorte qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif d'Orléans d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations.
4. Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
5. Mme A... C... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France où elle soutient avoir établi une vie privée et familiale depuis 8 ans, et précise qu'elle ne représente aucune menace à l'ordre public. Elle précise aussi l'existence de menaces pour sa vie en cas de retour en République démocratique du Congo qui toutefois ne peut constituer de motif opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de retour. Enfin, si elle précise que le suivi de son état de santé ne peut s'effectuer qu'en France, elle se borne à produire un certificat médical du 13 décembre 2022 précisant être reçue régulièrement en consultation et un compte rendu de consultation du 14 janvier 2020 indiquant qu'elle présente une hypertension artérielle sans signe d'insuffisance cardiaque et que la biologie réalisée en 2019 était normale. Aucun des éléments produits en première instance ou en appel ne permettent d'établir qu'elle justifierait de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Pour les mêmes motifs que ceux figurant au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de retour :
7. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision fixant le pays de retour au motif de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 33 de la convention de Genève : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. ".
9. Mme A... C... soutient comme en première instance craindre des représailles en cas de retour dans son pays au motif qu'un membre de la famille serait un opposant politique et qu'elle aurait appartenu à l'Eglise du seigneur Jésus-Christ. Toutefois, elle n'apporte en appel comme en première instance aucun élément de nature à établir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnus. Elle se prévaut notamment de violences intervenues en 2013 à son domicile et de sévices qu'elle ainsi que sa fille auraient subis. Toutefois, sa demande d'admission au titre de l'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 février 2015 et par la cour nationale du droit d'asile le 19 octobre 2015. Enfin la circonstance par ailleurs non établie que Mme A... C... se retrouverait isolée et sans ressources économiques en cas de retour en République démocratique du Congo, ne peut être regardée en soi comme un traitement inhumain au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre Mme A... C... ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève relatives à l'expulsion d'un réfugié dès lors qu'elle n'a pas obtenu ce statut.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... C... au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressé au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M.Albertini, président,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
Le rapporteur,
J.-E. PILVENLe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne à la ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 23VE02467002