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18/07/2024 | FRANCE | N°23VE02369

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 18 juillet 2024, 23VE02369


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2304573 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Khallouki, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2304573 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Khallouki, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen approfondi et précis de sa situation personnelle et professionnelle ;

- le préfet a omis de transmettre sa demande d'autorisation de travail au service administratif compétent ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 26 juin 2024, le préfet Yvelines conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 27 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 4 juillet 2024 à 14h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- Le rapport de M. Pilven ;

- et les conclusions de Me Cohen substituant Me Khallouki pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 5 avril 1992, est entré en France le 1er février 2016, selon ses déclarations. Le 26 octobre 2022, il a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié. Par un arrêté du 2 mai 2023, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 29 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, l'arrêté du 2 mai 2023 vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet des Yvelines a analysé en outre la situation personnelle et professionnelle du requérant et a mentionné de manière suffisante les éléments de fait pris en compte pour justifier sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen manque ainsi en fait et doit être écarté.

4. En troisième lieu, M. A... soutient que le préfet des Yvelines aurait dû saisir les services de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) afin de lui transmettre sa demande d'autorisation de travail. Toutefois, à supposer que l'intéressé ait joint une demande d'autorisation de travail à sa demande d'admission au séjour, la demande de titre de séjour présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite selon les règles fixées par le code du travail pour la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2. En tout état de cause, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi d'une demande d'admission au séjour, de transmettre celle-ci à la DRIEETS pour instruction préalable d'une demande d'autorisation de travail, une telle démarche incombant à l'employeur en application des dispositions combinées des articles L. 5221-2, R. 5221-1, R. 5221-3, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail. Par suite le moyen tiré du vice de procédure en raison de l'absence de saisine des services de la DRIEETS doit être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". L'article 9 du même accord stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail.

6. L'accord franco-marocain susvisé renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour portant la mention " salarié " prévu à l'article 3 de l'accord cité ci-dessus. Il en résulte que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour portant la mention " salarié " est notamment subordonnée, en vertu de l'article 9 de cet accord, à la production par l'intéressé du visa de long séjour mentionné à l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Pour refuser de délivrer un titre de séjour, le préfet des Yvelines, qui contrairement à ce que soutient le requérant, a examiné sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, a opposé au requérant, l'absence de possession d'un visa long séjour ainsi que d'un contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi. M. A... qui se borne soutenir résider sur le territoire depuis plus de sept et exercer une activité professionnelle stable et continue depuis le 1er janvier 2021, ne justifie pas davantage qu'en première instance être en possession d'un visa long séjour et exercer une activité salariée dans le cadre d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Yvelines a méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain.

8. En cinquième lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit les conditions de délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour à raison d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant en tant qu'il porte sur une demande de titre en qualité de salarié.

9. Toutefois, les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 n'interdisent pas au préfet, dans le cadre de l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

10. Si M. A... se prévaut d'une activité professionnelle, par la production de bulletins de salaires sur la période de 2021 à 2023, relatifs à des missions d'intérim en qualité d'agent de service, toutefois eu égard aux caractéristiques de ces missions, qui lui apportent des revenus variables, M. A... ne saurait être regardé, alors même qu'il exerce ces missions de manière continue depuis deux ans, comme justifiant d'une insertion professionnelle stable et ancienne en France, ni d'une qualification professionnelle particulière ou spécifique. Par suite, le préfet des Yvelines n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. M. A... soutient que son droit au respect de sa vie privée et familiale a été méconnu en faisant valoir qu'il réside en France depuis l'année 2016 et qu'il exerce une activité professionnelle stable. Toutefois, l'intéressé est célibataire et sans enfant, et ainsi qu'il a été dit au point précédent, ne justifie pas d'une activité professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu de toute attache au Maroc où résident notamment ses parents et son frère. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de sa présence en France, l'arrêté en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, par suite, être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

14. Il ne ressort pas des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet se serait fondé sur la circonstance que l'intéressé constituait une menace à l'ordre publique pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... en application des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet a indiqué que l'intéressé aurait utilisé une fausse carte d'identité italienne, comme l'ont relevé les premières juges, cette mention se rapporte à l'examen effectué par le préfet dans le cadre de l'exercice du pouvoir général de régularisation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 mai 2023 du préfet des Yvelines. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M.Albertini, président,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

Le rapporteur,

J.-E. PILVENLe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE02369002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02369
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : KHALLOUKI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;23ve02369 ?
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