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11/07/2024 | FRANCE | N°24VE01012

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 11 juillet 2024, 24VE01012


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 1er mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a ordonné son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, d'enjoindre a

u préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, de proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 1er mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a ordonné son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil conformément aux articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle à charge pour lui de renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

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Par un jugement n° 2400883 du 12 mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans l'a admis à l'aide juridictionnelle provisoire de l'Etat et a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024 sous le n° 24VE01012, M. A... B... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil conformément aux articles L. 761-1 du Code de justice administrative et 37 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle à charge pour lui de renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridique.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- la procédure est irrégulière du fait de l'absence de procédure de contradictoire préalable à l'édiction de la décision contestée au regard de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la motivation est insuffisante du regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'admistrations,

- les motifs révèlent en outre que le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ; s'agissant de la prétendue absence de démarches en vue du renouvellement de titre de séjour ; il a sollicité l'administration pénitentiaire pour engager des démarches en vue de renouveler son titre de séjour, en vain ; en outre il disposait d'un titre de séjour italien valide qu'il a remis à la préfecture lors de sa première demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ; il justifie ainsi d'une entrée régulière sur le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; il est arrivé sur le territoire français dans le courant de l'année 2006 muni d'un titre de séjour italien et il est père de quatre enfants français avec lesquels il entretient des liens profonds et forts ; l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposé est de nature à porter une atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressé à une vie privée personnelle et familiale, et ce eu égard à l'ancienneté de son séjour sur le territoire français, et à la proximité des liens familiaux l'unissant à ses enfants mineurs ; le préfet a ainsi méconnu totalement les conséquences engendrées par sa décision ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ; la décision contestée méconnait totalement les droits des enfants mineurs du requérant en ce qu'elle soutient que l'éloignement du requérant ne porte pas atteinte " à l'intérêt supérieur des enfants " ; par ailleurs, il assume des prérogatives paternelles et fait en sorte que les liens dont il a toujours bénéficié avec ses enfants soient maintenus ;

- à titre subsidiaire, la décision lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il réside habituellement en France depuis 2006, soit depuis plus de dix ans ;

- en conséquence, l'arrêté attaqué est aussi entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, qui a eu pour effet de priver le requérant d'une garantie et constitue une irrégularité de nature à affecter la légalité de la décision ;

Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- il justifie de l'incompétence du signataire de l'acte, la préfecture n'a pas justifié de la régularité de la compétence du signataire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- sa situation personnelle n'a pas été prise en compte au regard de l'article L.612-2 et de l'article L.613-2 la préfecture soutient dans son arrêté qu'il s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour et qu'il ne présente pas des garanties de représentation parce qu'il ne justifie d'une résidence effective et permanente. En effet, sa situation personnelle n'a pas été prise en compte et cette décision est insuffisamment motivée.

- l'administration ne peut pas reprocher au requérant le maintien sur le territoire français un mois après l'expiration de son titre de séjour et sa situation irrégulière puisqu'il a été incarcéré à la Maison d'arrêt de Nantes et que le SPIP n'a pas engagé les démarches nécessaires afin qu'il dépose une demande de renouvellement de son titre de séjour ;

- le préfet de la Loire Atlantique ne parvient aucunement à démontrer l'existence d'une menace réelle, actuelle et particulièrement grave qu'il représentait ; Il appartient au préfet de vérifier si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public ; les liens en France du requérant sont donc intenses et stables, puisqu'il y réside depuis 2006, il a toujours travaillé et le centre de ses intérêts est sur le territoire français ;

- le préfet de la Loire-Atlantique lui a délivré un titre de séjour en estimant qu'il justifiait d'un cadre familial lui ouvrant un tel droit ; il a purgé sa peine et il est sorti de prison le 4 mars 2024 ; pendant son incarcération, il a travaillé et a fait preuve d'un comportement exemplaire, il a donc pu bénéficier d'une réduction de peine et est sorti avant la fin de sa détention prévue initialement ; il est donc en l'état difficile de comprendre l'objectivisation d'une menace à l'ordre public tel qu'il justifierait la décision portant obligation de quitter le territoire opposée à l'intéressé ; au regard des éléments susmentionnés, il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- le préfet qui refuse d'accorder un délai de départ volontaire au requérant sans caractériser une menace à l'ordre public commet une erreur de droit entraînant l'annulation de ce refus ; le préfet de Loire Atlantique ne devait pas refuser d'assortir l'obligation de quitter le territoire d'une décision accordant un délai de départ volontaire ; par conséquent, le jugement attaqué sera annulé.

Sur l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- le préfet ne motive aucunement en fait la désignation du pays de renvoi du requérant en ne précisant même pas son pays d'origine aux termes des articles de sa décision, sa décision fixant le pays de renvoi méconnait l'obligation légale de motivation en droit et en fait posée par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision fixant selon toute vraisemblance l'Algérie comme pays de renvoi étant l'accessoire d'une décision d'obligation de quitter le territoire entachée d'irrégularités, elle ne pourra, elle aussi, qu'être annulée et par conséquent, le jugement attaqué ;

- le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dont il fait l'objet reposant de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français doit ainsi entrainer, en vertu de l'article R.613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, l'effacement de ce signalement.

- l'interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les interdictions de retour sont régulièrement annulées par les juridictions administratives au regard de la situation de l'intéressé vis-à-vis des quatre critères qu'il prévoit ;

- en l'espèce, la préfecture a pris à son encontre une interdiction de retour de 1 an, au motif qu'il n'aurait pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour, qu'il est célibataire, sans enfant à charge, sans ressources légales et sans domicile fixe, qu'il ne justifie pas d'attaches personnelles et familiales suffisamment intenses et qu'il constituerait une menace à l'ordre public ; cependant, il est en France depuis 2006 et il est père de quatre enfants de nationalité française ; de plus, il a sollicité des services pénitentiaires d'engager les démarches pour renouveler son titre de séjour en détention néanmoins il n'a pas réussi puisque l'assistante sociale n'est jamais venue au rendez-vous fixé le 16 janvier 2024 ;

- le préfet de la Loire Atlantique s'est borné à considérer que la seule existence de condamnations pénales suffisait pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'un an ; l'absence de prise en considération de l'existence de ses enfants sur le territoire et d'une certaine insertion sociale par le travail est là parfaitement manifeste ; en tout état de cause, et au vu de ces éléments de l'espèce et notamment de sa situation de père de quatre enfants français il est assez manifeste que la décision contestée outre d'être emprunte d'une erreur de fait ce qu'elle considère que le requérant ne dispose pas d'attaches familiales, est également grevée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en conséquence, en fixant une interdiction de retour de 1 an, la préfecture a commis une erreur manifeste d'appréciation, et sa décision doit être annulée ;

- le préfet estime également que la présence du requérant constitue une menace pour l'ordre public ; ces seules constatations ne devraient aucunement pouvoir servir de seule base à l'édiction d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français assorti d'une interdiction de retour d'un an lequel se doit d'être effectué après un contrôle de proportionnalité ; en tout état de cause, et au vu de ces éléments de l'espèce et notamment de sa situation de père de deux enfants français il est assez manifeste que la décision contestée outre d'être emprunte d'une erreur de fait en ce qu'elle considère que le requérant ne dispose pas d'attaches familiales, est également grevée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

- dans la mesure où l'édiction d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français a nécessairement pour conséquence le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen de l'étranger à l'encontre duquel cette décision a été prise, le requérant est bien fondé à soulever l'exception d'illégalité de la décision contestée portant interdiction de retour sur le territoire français, prise à son encontre le même jour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Deux mémoires présentés par Me Hajji pour M. B... enregistrés les 10 et 12 juin 2024 n'ont pas été communiqués.

II- Par une requête enregistrée le 27 avril 2024 sous le n° 24VE01142, M. B..., représenté par Me Hajji, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2400883 du 12 mars 2024.

Il soutient qu'il invoque les mêmes moyens que sous la requête n° 24VE01012, qui constituent des moyens sérieux, et soutient que la mise à exécution du jugement attaqué aurait des conséquences difficilement réparables au regard de son insertion par le travail et sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejetde la requête.

Il fait valoir que :

- la demande de sursis à exécution est infondée en l'absence de conséquences difficilement réparables et en l'absence de sérieux des moyens énoncés dans la requête ;

- au demeurant, excepté pour la décision d'interdiction de retour, la mesure d'éloignement a été exécutée le 18 mai 2024 et par voie de conséquence, la procédure de sursis à exécution est devenue pour partie sans objet.

Un mémoire présenté par Me Hajji pour M. B..., enregistré le 11 juin 2024 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 5 mars 1974, est entré sur le territoire français en 2006. Alors titulaire d'un certificat de résidence expirant le 12 mai 2023, il a été incarcéré le 19 avril 2023, puis condamné le 20 avril 2023 par un jugement du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire à une peine de douze mois de prison pour des faits de menace réitérée de crime contre les personnes commise par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin, ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, faits commis en récidive. Le certificat de résidence de M. B..., arrivé au terme de sa validité, n'a ensuite pas fait l'objet d'une demande formelle de renouvellement. Par l'arrêté attaqué du 1er mars 2024, le préfet de la Loire-Atlantique a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de l'éloignement et lui interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par arrêté du 4 mars 2024, le préfet de la Loire-Atlantique a aussi ordonné le placement en rétention de M. B.... Par une ordonnance du 6 mars 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien en rétention de M. B... pour une durée de 28 jours. Cette ordonnance a été confirmée le 8 mars 2024 par la cour d'appel d'Orléans. Sous le n° 24VE01012, M. B... relève appel devant la cour du jugement du 12 mars 2024, par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a ordonné son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par sa requête sous le n° 24VE01142, M. B... demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête n° 23VE01012 :

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort, d'une part, des dispositions des chapitres III et IV du Titre I du Livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, imposant de façon générale le respect d'une procédure contradictoire en préalable aux décisions individuelles soumises à l'exigence de motivation, ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : (...) le droit de toute personne d'être entendu avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Ces stipulations s'adressent non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

4. Ainsi que l'a jugé à bon droit la magistrate désignée, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Il ressort des pièces du dossier et, notamment du procès-verbal d'audition de M. B... par un agent de la police aux frontières au lieu de sa détention en date du 16 janvier 2024, que contrairement à ce qu'il soutient en appel, l'intéressé a été mis à même de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur les conditions de son séjour et sur la perspective de son éloignement à destination de son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé de son droit à être entendu ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est, par suite, suffisamment motivée. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique ne se serait pas livré à un examen sérieux, particulier et approfondi de la situation personnelle de M. B..., tant en ce qui concerne la menace pour l'ordre public que les conditions et la durée de son séjour en France que la vie privée et familiale qu'il a pu y constituer, avant de prendre la décision attaquée.

7. En quatrième lieu, M. B... soutient de nouveau en appel que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreurs de fait, dès lors qu'il souhaitait effectuer son renouvellement de certificat de résidence arrivant à échéance en mai 2023 mais n'en a pas eu la possibilité du fait du mauvais vouloir de l'administration pénitentiaire, fait valoir qu'il présente des garanties de représentation et qu'il est entré régulièrement sur le territoire français. Toutefois d'une part, M. B... se borne à avancer qu'il a obtenu un rendez-vous avec une assistante sociale auquel il n'a pas été donné suite et il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il ait présenté, personnellement ou avec le concours de son conseil, une demande de renouvellement de son certificat de résidence, dont la validité expirait en mai 2023. En outre, les certificats d'hébergement présentés par le requérant pour démontrer qu'il dispose d'un logement sont postérieurs à la décision attaquée et ne démontrent pas, en tout état de cause, qu'il pourrait disposer d'un logement stable et pérenne. La circonstance selon laquelle M. B... serait entré régulièrement sur le territoire français ne peut pas davantage être regardée comme établie par les pièces du dossier. Le moyen doit être écarté dans toutes ses branches.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Si M. B... se prévaut de sa qualité de père de quatre enfants français mineurs et avance que la décision en cause porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'il assume l'autorité parentale, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intensité et la stabilité des liens entretenus par M. B... avec ses enfants soit établie, puisque l'aîné des enfants de M. B..., désormais majeur, a été placé en famille d'accueil, et les trois plus jeunes vivent avec leur mère avec laquelle le requérant a interdiction d'entrer en contact après avoir été condamné à une peine de douze mois d'emprisonnement pour des faits de menace réitérée de crime, faits commis en récidive. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, y compris en appel, que le requérant aurait participé avant son incarcération à l'éducation et à l'entretien de ses enfants. Il n'est également ni établi ni allégué que le requérant ne conserverait pas d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dès lors, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

10. En outre, et en tout état de cause, à supposer que M. B... se prévale d'une méconnaissance de l'alinéa 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, il ressort, des pièces du dossier qu'il ne remplit pas les conditions définies par ces stipulations dès lors que l'ordonnance d'orientation et sur mesure provisoire en divorce prévoit que son ex-épouse dispose de l'autorité parentale exclusive et qu'il n'est pas non plus établi par les pièces du dossier qu'il contribuerait effectivement aux besoins de ses enfants. Par ailleurs, alors même que M. B... est présent sur le territoire français depuis 2006, eu égard aux conditions de son séjour sur le territoire français et aux condamnations dont il a fait l'objet, la décision attaquée ne peut davantage être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Il ressort des pièces du dossier, y compris en cause d'appel, que M B..., qui a été condamné à une peine d'emprisonnement de douze mois pour des violences répétées sur la mère de ses quatre enfants, n'a pas exercé ses prérogatives paternelles en contribuant à leur entretien et à leur éducation, contrairement à ce qu'il soutient, ni fait en sorte que les liens intenses et stables avec ses enfants soient maintenus. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 à 10 du présent arrêt, la décision attaquée ne méconnaît pas les article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

13. En septième lieu, contrairement à ce que soutient encore en appel M. B..., la décision attaquée ne constitue pas un refus de titre de séjour, et n'a au demeurant pu méconnaitre les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie par le préfet avant de lui refuser un titre de séjour, compte tenu de la durée et de l'ancienneté de son séjour en France.

Sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, M. B... qui n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait privée de base légale.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : /1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; /2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; /3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ".

16. Il ressort des termes de la décision attaquée, d'une part, qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et qu'elle est suffisamment motivée. D'autre part, pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. B... le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur la circonstance que le requérant ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il avait explicitement déclaré ne pas vouloir se conformer à l'obligation de quitter le territoire français. Pour ces seuls motifs, qui ne sont entachés d'aucune erreur de fait ainsi que l'a jugé la magistrate désignée, le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'a pas opposé pour cette décision la circonstance que M. B... représente une menace pour l'ordre public, pouvait légalement prendre la mesure refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Une telle décision n'est dans ces conditions entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, M. B... qui n'établit pas en appel que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant un pays de renvoi serait privée de base légale.

18. En second lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que conformément à l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle vise, elle fixe bien un pays de renvoi, qui est d'abord celui dont M. B... a la nationalité. Elle précise ensuite également que M. B... peut aussi être éloigné à destination d'un pays non membre de l'Union européenne et non partie au système de Schengen dans lequel il est légalement admissible. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit, de nouveau, être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

19. En premier lieu, M. B... qui n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire seraient illégales, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français serait privée de base légale.

20. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

21. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

22. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

23. L'interdiction de retour attaquée vise les articles L. 612-6, et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est justifiée par le fait que l'intéressé a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il est en situation irrégulière sur le territoire français, qu'il est célibataire, sans enfant à charge, sans ressources légales et n'établit pas être dépourvu de liens avec son pays d'origine et qu'il constitue une menace à l'ordre public. Ainsi, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée en application des dispositions précitées de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

24. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point qui précède, la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

25. M. B... qui ne démontre pas que la décision portant interdiction de retour d'une durée d'un an serait illégale, n'est pas fondé à soutenir que la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen serait privé de base légale.

26. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de non-lieu partiel opposée en défense par le préfet de la Loire Atlantique du fait de l'exécution de l'éloignement du requérant, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur la requête N° 24VE01142 :

27. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête susvisée à fin de sursis à exécution dudit jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés aux instances d'appel :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, les sommes que M. B... demande à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24VE01142.

Article 2 : La requête n° 24VE01012 présentée par M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Albertini, président,

- M. Pilven, président assesseur,

- Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

Le président-assesseur,

J.E. PILVEN

Le président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 24VE01012-24VE01142 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE01012
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : HAJJI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;24ve01012 ?
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