Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2213992 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2023, Mme D..., représentée par Me Riffault Soulier, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer sous trente jours à compter de l'arrêt à intervenir un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État les entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet du Val-de-Marne aurait dû mener une enquête approfondie, ce qui lui aurait permis de connaître son état de santé et ses liens affectifs et familiaux en France ;
- la motivation lapidaire de cet arrêté démontre que le préfet du Val-de-Marne n'a aucunement examiné sa situation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 12 bis-7 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit d'observations.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 31 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham,
- et les observations de Me Riffault Soulier pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante congolaise née en 1993, déclare être entrée en France le 7 mars 2020 sans en justifier. Elle a déposé une demande d'asile politique qui a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 septembre 2020 et confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 novembre 2021. Par arrêté du 11 mai 2022, la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Mme D... relève appel du jugement n° 2213992 du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, par arrêté n° 2022/00306 publié au Recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du 31 janvier 2022, Mme A... E..., cheffe du bureau de l'asile, a reçu délégation de signature pour signer les obligations de quitter le territoire français pris en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas d'absence de Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit en conséquence être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les textes applicables et indique que l'intéressée a déposé une demande d'asile, que sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, que ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, que cet arrêté ne méconnaît pas les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il est ainsi suffisamment motivé en droit et en fait.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de cet arrêté qu'il serait entaché d'un défaut d'examen de la situation de Mme D..., dès lors que le préfet du Val-de-Marne a examiné si l'éloignement de l'intéressée contrevenait aux articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'était pas dans l'obligation de détailler les éléments relatifs à la vie familiale de Mme D... ou à son état de santé, ni de mener une enquête sur ces éléments, d'autant moins que celle-ci n'avait pas porté à sa connaissance son concubinage ou les problèmes de santé dont elle se prévaut.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Si la requérante invoque également la méconnaissance de l'article 12 bis-7 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ces dispositions ne sont plus applicables. Mme D..., qui affirme être entrée en France en mars 2020 sans le démontrer, se prévaut de son concubinage depuis le 8 août 2021 avec un compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle et père de deux enfants mineurs scolarisés en France, et de son mariage avec lui le 16 juillet 2022. Toutefois, elle n'établit pas son concubinage avant le mois de février 2022 et son mariage est postérieur à l'arrêté attaqué. Elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de 27 ans et où, selon ses affirmations, réside encore sa mère. Si elle soutient que son état de santé nécessite que lui soient prodigués des soins en France, elle n'a pas déposé de titre de séjour en qualité d'étranger malade et ne démontre pas qu'elle ne pourrait être soignée correctement dans son pays d'origine. Au vu de ces éléments, et notamment du caractère récent de son concubinage, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour les mêmes raisons, la décision contestée ne peut être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les conclusions de Mme D... tendant au paiement des dépens :
7. Mme D... ne justifiant pas avoir, au cours de l'instance, exposé de dépens, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions qu'elle présente à ce titre doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Val de Marne.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Le Gars, présidente,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.
La rapporteure,
C. PHAM La présidente,
A-C. LE GARS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00303 2