Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance n° 2110998 du 26 octobre 2021, le vice-président de section du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la demande présentée par M. A... B....
Par cette requête, M. A... B... a demandé l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 octobre 2021 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et, d'autre part, de l'arrêté du 3 octobre 2021 par lequel le préfet de police de Paris lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n° 2113954 du 17 janvier 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces arrêtés et enjoint au préfet de police, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé, de procéder au réexamen de la situation administrative de M. A... B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une ordonnance n° 22PA00754 du 7 mars 2022, la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a transmis à la cour administrative d'appel de Versailles le dossier de la requête du préfet de police.
Par cette requête, enregistrée le 18 février 2022, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A... B... présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a considéré que le droit de M. A... B... d'être préalablement entendu a été méconnu ;
- c'est à tort que le premier juge a considéré que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- les autres moyens soulevés par l'intéressé en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A... B... qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Ablard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant brésilien né le 20 décembre 1988, est entré sur le territoire français le 17 mars 2017 selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'un contrôle routier le 1er octobre 2021 à la suite duquel les services de police ont constaté une conduite sans permis, l'exercice illégal de l'activité de VTC et l'irrégularité de sa situation au regard du droit au séjour. Le préfet de police a pris le 3 octobre 2021, d'une part, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de sa destination et, d'autre part, un arrêté lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet de police fait appel du jugement du 17 janvier 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces arrêtés, et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... B... et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Sur les moyens d'annulation retenus par le juge de première instance :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ".
3. Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union européenne, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance et, en particulier, du procès-verbal d'audition de M. A... B... du 2 octobre 2021, que ce dernier a été interrogé par les services de police sur son identité, son pays d'origine, les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français, sa situation familiale et sa situation professionnelle. Il lui a également été demandé s'il accepterait de quitter le territoire français si une aide financière lui était accordée. M. A... B... a ainsi été mis à même de présenter les observations qu'il estimait utiles et pertinentes sur l'irrégularité de son séjour et les motifs, notamment liés à sa situation familiale, qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité préfectorale s'abstienne de prendre à son égard une mesure d'éloignement à destination du pays dont il a la nationalité. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que le droit de M. A... B... d'être préalablement entendu avait été méconnu.
5. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. M. A... B..., qui soutient que l'exécution des arrêtés litigieux serait contraire aux stipulations précitées dès lors qu'elle aurait pour effet de le séparer de son fils, fait valoir qu'il réside en France depuis 2017 avec sa compagne brésilienne et leur fils né le 11 mars 2015 au Brésil et scolarisé en France de manière continue depuis septembre 2018. Toutefois, et alors que l'intéressé ne produit aucun élément concernant la situation administrative de sa compagne, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Brésil, pays dont le requérant, sa compagne et leur fils possèdent la nationalité. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que les stipulations précitées ont été méconnues.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés pour ces deux motifs.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... B... :
9. En premier lieu, les arrêtés attaqués comportent, en toutes leurs décisions, l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Ils sont par suite suffisamment motivés, alors même qu'ils ne présentent pas une description exhaustive de la situation personnelle et familiale du requérant. En outre, cette motivation ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... B....
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. M. A... B... soutient que les stipulations précitées ont été méconnues et que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale. Il fait à cet égard valoir qu'il réside en France depuis 2017 avec sa compagne brésilienne et leur fils né le 11 mars 2015 au Brésil et scolarisé en France de manière continue depuis septembre 2018, qu'il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chauffeur routier, qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils, que son comportement en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit, alors que l'intéressé ne produit aucun élément concernant la situation administrative de sa compagne, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Brésil, pays dont le requérant, sa compagne et leur fils possèdent la nationalité. En outre, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet d'un contrôle routier le 1er octobre 2021 à la suite duquel les services de police ont constaté une conduite sans permis et l'exercice illégal de l'activité de VTC, l'intéressé n'établit pas une insertion particulière au sein de la société française. Par suite, les moyens doivent être écartés.
12. En troisième lieu, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 5 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 6 et 11 du présent arrêt.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
14. Ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que le requérant a fait l'objet d'un contrôle routier le 1er octobre 2021 à la suite duquel les services de police ont constaté une conduite sans permis et l'exercice illégal de l'activité de VTC. Dans ces conditions, le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur, se fonder notamment sur ce motif pour prendre l'arrêté attaqué, alors même que l'intéressé n'a pas fait l'objet de poursuites pénales. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police s'est également fondé sur la circonstance, non contestée, que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, cas prévu par le 2° précité de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.
15. En cinquième lieu, les moyens tirés de ce que les décisions refusant au requérant un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français seraient illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés pour les motifs exposés ci-dessus.
16. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) ".
17. Le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur, refuser au requérant un délai de départ volontaire, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que son comportement constitue, ainsi qu'il a été dit, une menace pour l'ordre public et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, l'intéressé s'étant maintenu sur le territoire français sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour et ayant explicitement déclaré, lors de son audition par les services de police, son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des textes précités et d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de police doivent être écartés.
18. Enfin, le moyen tiré de ce que l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français serait injustifié et entaché pour cette raison d'une erreur d'appréciation doit être écarté pour les motifs exposés ci-dessus.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 3 octobre 2021 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... B....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2113954 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 janvier 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Le Gars, présidente,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.
Le rapporteur,
T. ABLARD
La présidente,
A-C. LE GARS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE00502 2