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18/06/2024 | FRANCE | N°22VE01582

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 18 juin 2024, 22VE01582


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société La bonne fournée a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 5 octobre 2020 par laquelle l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé de lui appliquer, d'une part, la contribution spéciale prévue par l'article

L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 240 euros et d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine pré

vue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La bonne fournée a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 5 octobre 2020 par laquelle l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé de lui appliquer, d'une part, la contribution spéciale prévue par l'article

L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 240 euros et d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 124 euros.

Par un jugement n° 2100244 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2022, la société La bonne fournée, représentée par Me Halimi, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a jamais fait l'objet d'un contrôle par les services de la gendarmerie au sein de son établissement et l'OFII ne peut se fonder sur les seules affirmations de M. A... ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté, dès lors qu'elle n'a pas été entendue par les services de police ;

- elle est de bonne foi, dès lors que M. A... avait produit, lors de son embauche, un récépissé de demande de titre de séjour en cours de validité l'autorisant à travailler.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2023, l'OFII, représenté par Me Schegin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société La bonne fournée la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société La bonne fournée ne sont pas fondés.

Par ordonnance du président de la 4ème chambre du 6 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2024 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 juin 2020, les services de gendarmerie nationale ont procédé au contrôle de M. B... A..., ressortissant marocain, qui a déclaré, lors de son audition, qu'il était employé par la société La bonne fournée selon contrat à durée indéterminée conclu le 14 novembre 2019. Par une décision du 5 octobre 2020, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé d'appliquer à cette société, d'une part, la contribution spéciale prévue par l'article

L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 240 euros et d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 124 euros. Par le jugement n° 2100244 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la société La bonne fournée tendant à l'annulation de cette décision. Cette société relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. ". Aux termes de l'article R. 8253-1 de ce code : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article

L. 5221-8 du même code : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France (...). ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256 8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. (...). / L'Etat est ordonnateur de la contribution forfaitaire. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. / (...). ". Aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I. - La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. / II. - Le montant de cette contribution forfaitaire est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget (...). . Aux termes de l'article R. 626 2 de ce code : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / (...). ". Les contributions prévues par le code du travail et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français et / ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces articles, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu des dispositions précitées de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.

4. D'autre part, les articles R. 8253-3 et R. 8253-4 de ce même code disposent respectivement : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. " ; " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1. (...) ".

5. En premier lieu, l'infraction litigieuse a été constatée au moyen d'un procès-verbal d'audition de M. A..., qui a déclaré travailler sans titre l'y autorisant pour la société La bonne fournée. Cette dernière ne peut utilement se prévaloir de l'absence de contrôle dans ses locaux, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose un tel contrôle. En outre, la société La bonne fournée ne conteste pas avoir employé M. A..., dont elle a produit le contrat de travail et les fiches de paie.

6. En deuxième lieu, par courrier du 29 juillet 2020, la société La bonne fournée a été informée de ce que, suite à un contrôle, un procès-verbal d'infraction a été établi à son encontre pour l'emploi d'un salarié démuni d'un titre de séjour dénommé A... B.... Ce même courrier invitait la société requérante à présenter ses observations, ce qu'elle a fait par courrier du 3 août 2020. Le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit donc être écarté, peu important l'absence d'audition de la société requérante ou de confrontation organisée par les services de l'OFII avec M. A..., qui ne sont exigées par aucun texte.

7. En troisième lieu, il n'est pas contesté que la société La bonne fournée employait M. A... en qualité de pâtissier tourier par contrat de travail en date du 29 novembre 2019, alors que celui-ci était démuni de tout titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Si cette société fait valoir que, lors de son embauche, M. A... a présenté un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dont elle a appris lors du contrôle qu'il était falsifié, elle n'établit pas avoir vérifié la régularité de la situation de l'intéressé au regard de la réglementation en vigueur avant de l'embaucher, ainsi qu'elle devait le faire en application de l'article L. 5221 8 du code du travail. Par suite, elle ne peut se prévaloir de sa bonne foi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société La bonne fournée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La bonne fournée le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'OFII et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société La bonne fournée est rejetée.

Article 2 : La société La bonne fournée versera à l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La bonne fournée et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

C. PHAM La présidente,

A-C. LE GARS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE01582 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01582
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. - Emploi des étrangers. - Mesures individuelles. - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : HALIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22ve01582 ?
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