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27/05/2024 | FRANCE | N°23VE02843

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 27 mai 2024, 23VE02843


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté notifié le 24 février 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compt

er de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté notifié le 24 février 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et lui délivrer une autorisation provisoire.

Par un jugement n° 2303865 du 16 novembre 2023 le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Toihiri, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en méconnaissance des articles L. 611-3, R. 611-1 et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était nécessaire ;

- elle méconnait l'article L. 611-3 du code précité ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire elles-mêmes illégales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né le 21 mars 1972, est entré en France en 2003 selon ses déclarations. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade de l'année 2015 au 4 juin 2019. Le 18 février 2020, l'intéressé a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 février 2022, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M. A... soutient qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis plus de dix-huit ans et qu'il est père d'un enfant en bas âge, né le 21 avril 2019 pour lequel il contribue à l'entretien et à l'éducation proportionnellement à ses moyens. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, tout d'abord, que M. A... a été plusieurs fois condamné entre 2006 et 2015 à des peines de prison, dont une peine d'un an et demi pour association de malfaiteurs dans le but de commettre un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, et a présenté une fausse promesse d'embauche lors de la sollicitation de son titre de séjour, la commission du titre de séjour ayant émis un avis défavorable sur sa demande de titre. En outre, l'intéressé ne fait état d'aucun obstacle à poursuivre sa vie privée et familiale au Nigéria, pays dont sa concubine et son enfant en bas âge ont la nationalité. Ainsi, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ce refus de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

5. Contrairement à ce que soutient M. A... en appel, la décision portant refus de séjour n'a pas pour objet ni pour effet de le séparer de son fils né en France. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, la décision portant refus de délivrance à M. A... d'un titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

8. En deuxième lieu, lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

9. M. A... soutient en appel que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet du Val-d'Oise aurait dû solliciter l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration préalablement à sa décision en ce qu'il avait connaissance de son état de santé précaire. Toutefois, il se borne encore à produire un certificat médical du 28 mars 2023 établi par un docteur pneumo-phtisiologue, indiquant sans plus de précision que son " traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine ". Il n'établit pas ainsi, ni même n'allègue avoir, notamment par la production d'éléments médicaux nouveaux, informé avant le prononcé de la décision en cause le préfet de la gravité et de l'évolution de ses pathologies qui auraient dû conduire cette autorité à solliciter l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en l'absence d'un tel avis, la mesure d'éloignement en cause aurait été édictée au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

10. En troisième lieu, M. A... soutient que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il est constant que l'intéressé souffre d'asthme sévère et a bénéficié à ce titre de cartes de séjour. Toutefois, s'agissant du traitement suivi, les certificats médicaux établis par des médecins français produits par M. A... se bornent à affirmer en appel, sans autre précision ou commencement d'explication, que son traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine. En outre, M. A... produit un certificat médical du 23 février 2023 établi par un médecin hospitalier de Lagos au Nigéria, lequel indique que l'intéressé est suivi par ce médecin depuis de nombreuses années à l'occasion de ses visites au Nigéria, pays dans lequel il se rend donc régulièrement, qu'il y bénéficie d'un traitement et d'un suivi mais qu'il y serait moins bien soigné compte tenu de l'absence d'approvisionnement constant en électricité. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié au Nigéria. Il s'ensuit que le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en obligeant M. A... à quitter le territoire français.

11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, le requérant peut reconstituer sa cellule familiale dans le pays dont lui-même et sa concubine sont originaires, dès lors qu'aucune circonstance particulière ne l'empêche d'emmener son enfant avec lui. Par suite les décisions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de l'enfant de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

12. Les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions, soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt, que M. A... ne démontre pas l'impossibilité pour lui d'accéder à des traitements appropriés au Nigéria. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2024.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE02843002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02843
Date de la décision : 27/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SELARL VERPONT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-27;23ve02843 ?
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