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27/05/2024 | FRANCE | N°23VE02840

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 27 mai 2024, 23VE02840


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2202720 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Schéhérazade Kheniche, avocate...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202720 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Schéhérazade Kheniche, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, à la préfète de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour le temps d'un réexamen de sa situation administrative, et ce dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à M. B..., la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a été signé par la présidente de la formation de jugement, la rapporteure et la greffière d'audience ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- le préfet a commis un vice de procédure en ne sollicitant pas l'avis de la commission du titre de séjour au titre de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, malgré la présence sur le territoire français de M. B... depuis plus de dix ans ;

- la préfète et le tribunal administratif ont commis une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de M. B..., lequel pouvait se prévaloir de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivé ;

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant refus de titre de séjour, elle-même illégale ;

- la préfète et le tribunal administratif d'Orléans ont commis une erreur de droit en appréciant que M. B... n'était pas fondé à prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de M. B... ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant pakistanais, née le 18 janvier 1988 à Gujrat (Pakistan), déclare être entré sur le territoire français le 2 septembre 2011. Le 21 janvier 2013, il a sollicité une admission au séjour au titre de l'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2013. Par un arrêté du 20 octobre 2014, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire, à laquelle il n'a pas déféré. Le 8 mars 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par un jugement du 5 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2018 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir a refusé sa demande de titre et l'a obligé à quitter le territoire français. Enfin, par un arrêté du 17 juin 2022, la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté sa nouvelle demande d'admission exceptionnelle et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 16 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit ou de fait, ou des erreurs d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par la présidente de la formation de jugement, la rapporteure et la greffière. Le moyen tiré du défaut de signature du jugement manque donc en fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

5. L'arrêté attaqué a été signé par Mme D... C..., préfète d'Eure-et-Loir à la date de l'arrêté contesté, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être rejeté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". L'article L. 432-13 du même code prévoit que : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

7. Si M. B... soutient résider en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, et produit à cet égard plusieurs pièces, notamment des bulletins de salaire, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressé n'est pas en mesure d'établir une résidence habituelle en France depuis 2011, notamment pour les années 2011, 2012 et 2013, et, d'autre part, qu'il s'est vu délivrer un titre de séjour italien, valable du 3 avril 2017 au 1er juillet 2019, et que, depuis, il s'est absenté de son travail à plusieurs reprises pendant plusieurs mois à partir de 2017. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif d'Orléans a considéré que M. B... n'était pas fondé à soutenir que la préfète s'est abstenue à tort de de saisir la commission du titre de séjour. Le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

8. En second lieu, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

9. M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié et il soutient qu'en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. Pour justifier de motifs exceptionnels d'admission au séjour, il se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France depuis septembre 2011 et de son intégration professionnelle, ce dernier ayant conclu en octobre 2016 un contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel, avec l'établissement " Food Corner " en tant qu'aide commis de cuisine. Toutefois, d'une part, il ne soutient ni n'allègue que son employeur ou lui-même se seraient vu délivrer une autorisation de travail par les autorités administratives, et d'autre part, en se prévalant seulement d'une présence sur le sol français depuis 2011, qu'il ne parvient pas entièrement à démontrer comme indiqué au point 7, ainsi que d'une insertion professionnelle alléguée depuis octobre 2016, au demeurant en produisant des fiches de paies qui mentionnent une absence non autorisée pendant plusieurs mois, ces éléments ne sont pas de nature à justifier un motif exceptionnel, et ce quand bien même, la profession qu'il exerce, dans le domaine de la restauration, est qualifiée de métier en tension. Enfin, il n'a pas déféré à deux précédents arrêtés en date successivement du 20 novembre 2014 et du 9 août 2018 par lesquels les préfets de Seine-Saint-Denis et d'Eure-et-Loir l'ont obligé à quitter le territoire français. Il en résulte que le requérant ne justifie d'aucuns motifs exceptionnels, ni plus que de circonstances humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, M. B... reprend en appel sans autre précision, le moyen, qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif d'Orléans au point 3 de son jugement.

11. En deuxième lieu, en l'absence d'illégalité entachant la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire serait entaché d'illégalité par voie d'exception doit être écarté.

12. En troisième lieu, M. B... soutient que la préfète d'Eure-et-Loir aurait commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le requérant ne démontre par aucun élément l'existence de liens personnels et familiaux en France, d'autant plus que son épouse et ses enfants vivent au Pakistan, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Pour ces motifs, il ne peut soutenir qu'il pouvait prétendre à un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En dernier lieu, si M. B... entend se prévaloir de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et soutient que la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle, il n'allègue, comme indiqué au point précédent, l'existence d'aucuns liens ni d'attaches familiales en France, alors que vivent dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans, son épouse et ses enfants. Il n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à la vie privée et familiale, ni même qu'une erreur manifeste, dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle, aurait été commise.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". En outre, aux termes du dernier aliéna de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "

15. M. B..., dont la demande d'asile a été précédemment rejetée, n'établit pas qu'il serait exposé à des risques personnels pour sa vie, son intégrité physique ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré du non-respect des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2024.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE02840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02840
Date de la décision : 27/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : KHENICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-27;23ve02840 ?
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