Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 5 juin 2023 en tant que le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai.
Par un jugement n° 2304527 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 7 et 25 août 2023 et 9 avril 2024, M. B..., représenté par Me Legrand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer à titre principal un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, au bénéfice de son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son avocat renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur les moyens et conclusions relatifs au refus d'accorder un délai de départ volontaire, à la décision fixant le pays de destination et à l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an ; il doit donc être annulé pour irrégularité ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ; le préfet aurait dû saisir l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre sa décision ; son état de santé interdisait qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à son encontre ;
S'agissant du refus d'accorder un délai de départ volontaire :
- cette décision est illégale par voie d'exception ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale par voie d'exception ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale par voie d'exception ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
La requête a été communiquée au préfet des Yvelines qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été informées que la cour est susceptible, en application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, de soulever un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation des décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination ou portant interdiction de retour doivent être rejetées comme irrecevables car nouvelles en appel, M. B... s'étant borné à présenter en première instance des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 26 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen né le 28 décembre 1990, est entré en France le 1er mai 2018, selon ses déclarations. Par un arrêté du 5 juin 2023, le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé en cas d'exécution d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. M. B... fait appel du jugement du 17 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... soutient que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a omis de statuer sur les moyens et conclusions portant sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. Toutefois, par sa requête enregistrée le 6 juin 2023 devant le greffe du tribunal administratif, M. B... s'est borné à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, pour absence de motivation et pour erreur manifeste d'appréciation, en raison de son état de santé, de sa situation professionnelle et personnelle. Le moyen tiré de l'omission à statuer doit dès lors être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Comme l'a relevé à bon droit la magistrate désignée par le président du tribunal administratif, la décision contestée vise les textes dont il est fait application et expose les circonstances de fait propres à la situation de M. B... ainsi que les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour lui faire obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, la seule circonstance que l'arrêté contesté ne mentionne pas le fait qu'il travaille ne permet pas de retenir que le préfet des Yvelines n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa demande.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. B... soutient qu'il est entré sur le territoire français en 2018, qu'il y réside depuis lors de manière continue et qu'il travaille depuis novembre 2021 pour le même employeur, qui souhaite le conserver en raison de la qualité de ses services. Toutefois, lors de son audition par les forces de gendarmerie le 5 juin 2023, il mentionne qu'il est marié dans son pays d'origine mais vit en célibataire en France et qu'il a deux enfants résidant au Mali confiés à leur mère. Par ailleurs, son ancien employeur a précisé qu'il s'engageait à le recruter seulement si sa situation était régularisée. Enfin, M. B... soutient que son état de santé requiert un suivi et des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans toutefois l'assortir d'éléments de nature à l'établir. Dans ces conditions, le préfet des Yvelines, en prenant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
6. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la date de la décision attaquée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou placé ou maintenu en rétention administrative en application du titre IV du livre VII, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent. "
7. Si M. B... soutient que le préfet des Yvelines ne pouvait prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français sans avoir préalablement consulté le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a fait état que d'hypertension et de maux de ventre lors de son audition par les services de police. Ces éléments sont insuffisants, à les supposer établis, pour que le préfet ait pu retenir que l'état de santé du requérant était susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, au sens de l'article L 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré d'un vice de procédure à s'être abstenu de saisir le collège de médecins de l'OFII précité doit être écarté.
8. Par ailleurs, si M. B... soutient qu'il ne peut faire l'objet d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français en raison de son état de santé, notamment dû à de l'hypertension et à une insuffisance rénale, que l'absence de soins pourrait avoir des conséquences d'une extrême gravité et qu'aucun traitement effectif n'est disponible dans son pays d'origine, il se borne à produire un certificat médical du 14 mars 2023 d'un médecin cardiologue précisant que son état de santé nécessite un suivi régulier cardiovasculaire, une attestation d'un médecin urologue du 20 mars 2023 mentionnant que l'examen clinique est normal et que l'échographie est rassurante et des analyses médicales indiquant en conclusions l'absence d'infection urinaire. Il ne produit ainsi aucun élément probant de nature à établir que le préfet des Yvelines ne pouvait, en raison de son état de santé, prendre une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, sans méconnaitre le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour :
9. M. B... s'est borné à présenter en première instance des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Dès lors, ses conclusions présentées pour la première fois en appel, tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination ou portant interdiction de retour doivent être rejetées comme irrecevables car nouvelles en appel.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 juin 2023 du préfet des Yvelines. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M.Albertini, président,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2024.
Le rapporteur,
J.-E. PILVENLe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01875002