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18/04/2024 | FRANCE | N°23VE01653

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 18 avril 2024, 23VE01653


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de Loir-et-Cher lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet de Loir-et-Cher l'a assignée à résidence dans le département de Loir-et-Cher pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2300236 du 21 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de Loir-et-Cher lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 11 mai 2023 par lequel le préfet de Loir-et-Cher l'a assignée à résidence dans le département de Loir-et-Cher pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2300236 du 21 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, renvoyé devant la formation collégiale de ce même tribunal, les conclusions de Mme C... dirigées contre le refus de titre de séjour en date du 20 décembre 2022, ainsi que les conclusions accessoires à fin d'injonction et les conclusions relatives aux frais de l'instance, et d'autre part, annulé la décision d'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire et la décision fixant la République du Congo comme pays de destination contenues dans l'arrêté du 20 décembre 2022, ainsi que la décision d'assignation à résidence prise par arrêté du 11 mai 2023.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2023, le préfet de Loir-et-Cher demande à la cour d'annuler ce jugement du 21 juin 2023 en tant qu'il annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévoyant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination et de rejeter la demande présentée par Mme C... à ce titre devant le tribunal administratif d'Orléans.

Il soutient que l'arrêté du 20 décembre 2022 ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, Mme D..., représentée par Me Froujy, avocate, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit, en ce que Mme C... n'a pas sollicité son admission exceptionnelle au séjour mais la délivrance d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de parent d'enfant français, lequel n'exige pas de produire un visa de long séjour préalable à la demande de titre de séjour ;

- le préfet a commis une erreur de fait en omettant de mentionner, lors de l'appréciation de sa situation personnelle, que Mme C... était enceinte ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- par voie de conséquence, elle est illégale en ce que qu'elle se fonde sur un refus de délivrance d'un titre de séjour qui est lui-même illégal ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- les obligations de pointage qui lui sont prescrites sont disproportionnées ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- les parties n'étant ni présentes ni représentées.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante congolaise, née le 7 mai 1990 à Loutété (République du Congo), déclare être entrée sur le territoire français le 1er octobre 2018. Le 21 juin 2022, elle a sollicité auprès de la préfecture de Loir-et-Cher la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 20 décembre 2022, le préfet de Loir-et-Cher a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du 11 mai 2023, le préfet de Loir-et-Cher a, par ailleurs, assigné l'intéressée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par la présente requête, le préfet de Loir-et-Cher relève appel du jugement du 21 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 20 décembre 2022 en tant que celui-ci faisait obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 11 mai 2023 l'assignant à résidence.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme C..., mère d'un enfant français né en 2019 dont le père ne s'est jamais occupé, avait conclu un pacte civil de solidarité (PACS) depuis le 19 mars 2022 avec M. E... B..., ressortissant congolais disposant d'un titre de séjour pluriannuel et père de son fils A..., né en janvier 2022, ainsi que de l'enfant à naître, dont la requérante était enceinte de sept mois à la date de la décision attaquée. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B..., qui est titulaire d'un contrat de travail, subvient aux besoins de la famille et participe à l'éducation des enfants, y compris celui dont il n'est pas le père biologique, comme le démontre la fiche d'inscription scolaire produite dans laquelle il est mentionné comme le père de cet enfant et la mention de ce dernier sur l'attestation d'assurance habitation. Ainsi, malgré son caractère récent, Mme C... justifie d'une vie privée et familiale stable en France, dont l'intensité s'est confirmée au demeurant postérieurement à l'adoption de l'arrêté attaqué, Mme C... étant de nouveau enceinte de M. B.... Dans ces circonstances, c'est à bon droit que le magistrat désigné a considéré que le refus de titre de séjour opposé à Mme C... avait été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et accueilli en conséquence l'exception d'illégalité du refus de titre à l'encontre des décisions subséquentes d'éloignement.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Loir-et-Cher n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 juin 2023, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'obligation de quitter le territoire français, la décision relative au délai de départ volontaire, ainsi que la décision fixant le pays de destination, contenues dans l'arrêté du 20 décembre 2022.

Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des frais exposés par Mme C... dans la présente instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de Loir-et-Cher est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

La rapporteure,

J. FLORENTLe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01653
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : FROUJY ASMAA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23ve01653 ?
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