Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300089 du 20 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a renvoyé devant la formation collégiale les conclusions dirigées à l'encontre du titre de séjour et les conclusions à fin d'injonction qui s'y rattachent ainsi que les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a annulé les décisions du 6 décembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et a enjoint au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du jugement à intervenir de la formation collégiale du tribunal.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 18 juillet 2023, le préfet de Loir-et-Cher demande à la cour d'annuler ce jugement.
Le préfet de Loir-et-Cher soutient que :
- la situation de M. A..., marié à une ressortissante algérienne en situation régulière et père de quatre enfants n'est pas suffisante pour retenir que la décision contestée du 6 décembre 2022 méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale dès lors qu'il se maintient irrégulièrement sur le territoire français et n'exécute pas les précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre, qu'il n'atteste pas d'une intégration au sein de la société française et ne présente aucun projet professionnel, en se bornant à vivre de l'assistance sociale ; sa demande ne peut être étudiée que sur le fondement de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Robillard, conclut au rejet de la requête et demande que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 4 décembre 1980, est entré en France le 15 mai 2015 sous couvert d'un visa long séjour " conjoint de Français " délivré à la suite de son mariage avec une ressortissante française. Il a été bénéficiaire d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de Français mais s'est vu refuser le renouvellement de ce titre de séjour à la suite de son départ du domicile conjugal. Il a fait l'objet de deux refus de titre de séjour et obligations de quitter le territoire français, le 9 mars 2017 et le 31 janvier 2020, et s'est maintenu sur le territoire français. Il a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai 30 jours et a fixé le pays de destination. Par jugement du 20 juin 2023, dont le préfet de Loir et Cher demande l'annulation, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et a renvoyé devant la formation collégiale du tribunal les conclusions dirigées contre le titre de séjour ainsi que les conclusions accessoires qui s'y rattachent et celles relatives aux frais de justice. Le préfet de Loir-et-Cher demande l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Le préfet de Loir-et-Cher soutient que M. A... se maintient irrégulièrement sur le territoire français, qu'il n'exécute pas les précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre, qu'il n'atteste pas d'une intégration au sein de la société française et reste dépourvu de tout projet professionnel de sorte que son arrêté ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... réside en France depuis le 15 mai 2015, étant dans un premier temps titulaire d'une carte de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, puis à compter de son divorce prononcé le 7 juillet 2016, vivant en situation de concubinage avec une ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 25 juin 2028, avec laquelle il s'est marié le 21 septembre 2020. Par ailleurs, il a eu quatre enfants avec cette dernière, nés en France les 22 septembre 2015, 28 juillet 2017, 25 août 2019 et 15 avril 2021, et le fils français de sa femme issu d'une première union réside avec eux. Certes, il ne fait état pour justifier de son insertion sociale ou professionnelle que d'une promesse d'embauche non datée de la société NG Patrimoine portant sur un salaire annuel d'un montant de 1 678,99 euros, dont le caractère probant semble incertain. Toutefois, eu égard à la durée de sa présence en France et à sa qualité de conjoint d'une compatriote titulaire d'un titre de séjour et à celle de père de quatre enfants ainsi qu'à la présence au sein du couple du fils français de sa femme issu d'une première union, le préfet de Loir-et-Cher n'est pas fondé à soutenir qu'en l'état du dossier, c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, au motif qu'elle porte atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale, protégée par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, la circonstance que M. A... n'ait pas respecté les obligations fixées par l'article 4 de l'accord franco-algérien reste sans incidence sur le respect de son droit à une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il y a lieu, par suite de rejeter la requête du préfet de Loir-et-Cher.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Loir-et-Cher est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet du Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M.Albertini, président,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.
Le rapporteur,
J-E. PILVENLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01652002