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25/03/2024 | FRANCE | N°23VE02606

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 25 mars 2024, 23VE02606


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2313880 du 27 novembre 2

023 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2313880 du 27 novembre 2023 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Namigohar, avocat, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'infirmer ce jugement ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;

5°) de mettre en œuvre la procédure d'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire :

- s'agissant de la légalité externe, le signataire de la décision est incompétent car il n'est pas justifié des circonstances de la délégation de pouvoir du préfet ;

- il justifie aussi du défaut de motivation et de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision viole l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le principe général du droit de l'Union européenne et de bonne administration ;

- s'agissant de la légalité interne, il démontre la violation de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en considérant qu'il ne pouvait bénéficier des dispositions susmentionnées, le préfet de l'Essonne a commis une erreur manifeste d'appréciation de nature à comporter, pour sa situation personnelle et familiale, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et a ainsi violé l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle porte aussi atteinte au respect de sa vie privée, au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son intégration professionnelle, sociale, privée et familiale sur le sol français, les conséquences sur sa situation particulière sont d'une exceptionnelle gravité ;

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

- il justifie de l'exception d'illégalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire, fondée sur la décision illégale l'obligeant à quitter le territoire français ;

- du point de vue de la légalité externe, l'acte est entaché d'incompétence, il n'est pas justifié des circonstances de la délégation par le préfet ; la délégation de signature ne mentionne pas au titre des compétences expressément déléguées en matière d'éloignement, la signature des décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle n'est pas motivée ; le préfet doit assortir sa décision de refus de délai de départ volontaire d'une motivation qui ne saurait être confondue ou déduite de la motivation justifiant la décision d'obligation de quitter le territoire ;

- en ce qui concerne la légalité interne, il se prévaut du considérant 10 de la directive 2008/115/CE ; en l'espèce, le préfet n'a pas pris en considération son intégration professionnelle, sociale, privée et familiale sur le sol français ;

- cette décision de refus de délai de départ volontaire est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ayant sur sa situation particulière des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- il justifie de l'exception d'illégalité, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est illégale comme fondée sur la décision illégale d'obligation de quitter le territoire en date du 25 septembre 2023 ;

- pour ce qui concerne la légalité externe, l'auteur de l'acte, signataire de la décision, est incompétent car il n'est pas justifié des circonstances de la délégation par le préfet de l'Essonne ;

- s'agissant de la légalité interne, elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en fixant le pays de renvoi, le préfet de l'Essonne l'expose à des traitements inhumains et dégradants et a violé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision, fondée sur la décision illégale d'obligation de quitter le territoire, est elle-même illégale ;

- pour ce qui concerne la légalité externe, il justifie de l'incompétence de l'auteur de l'acte, signataire de la décision, car il n'est pas justifié des circonstances de la délégation du préfet ;

- il justifie du défaut de motivation suffisante au regard de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des quatre critères prévus par la loi ;

- un vice de procédure l'a privé d'une garantie au regard de l'article R. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile créé par le décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018 et de l'article R. 511-4 du même code ;

- en ce qui concerne la légalité interne, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est soumise au contrôle de proportionnalité du juge administratif ; en l'espèce, le préfet n'a pas pris en considération son intégration professionnelle, sociale, privée et familiale sur le sol français ; le seul fait qu'une enquête ait été effectuée ou que des vérifications aient été effectuées ne suffit pas à établir un risque de trouble à l'ordre public ; le préfet de l'Essonne a violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la décision d'interdiction de retour est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ayant sur sa situation particulière des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2024, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 10 novembre 2001, serait entré sur le territoire français le 1er septembre 2020. Le 25 septembre 2023 il a été interpellé pour fuite après un accident par un conducteur de véhicule terrestre. Par un arrêté du 25 septembre 2023, dont M. A... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. L'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, (...). L'admission provisoire est accordée par (...) le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué. ".

3. M. A..., déjà représenté par un avocat, a déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle de Versailles. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de M. A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, précité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

4. Par arrêté n° 2023-PREF- DCPPAT-BCA-163 du 7 septembre 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Essonne du même jour, le préfet a donné délégation à M. D... B..., directeur de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer toutes décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, la décision en cause vise les textes dont il est fait application et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision contestée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen manque ainsi en fait et doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...). ".

8. Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union européenne, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment des motifs de la décision attaquée qu'elle fait suite à l'interpellation du requérant le 25 septembre 2023, à l'occasion de laquelle M. A... a été interrogé sur sa situation au regard de son droit au séjour. Il était donc nécessairement informé qu'il pouvait faire l'objet d'un éloignement et a ainsi été en mesure de faire valoir l'ensemble des éléments qu'il souhaitait porter à la connaissance de l'administration. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait sollicité, sans réponse, un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision litigieuse. Dans ces conditions, M. A..., qui ne fait pas état d'éléments qu'il n'aurait pas été en mesure de faire valoir, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne a méconnu le principe du contradictoire ainsi que son droit d'être entendu avant l'édiction de l'arrêté attaqué.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. A... déclare être entré le 1er septembre 2020 sur le territoire français, où il se maintenait depuis 3 ans seulement à la date de la décision attaquée. Il est célibataire, sans enfant, et n'établit pas non plus avoir noué des liens privés et professionnels particulièrement intenses au cours des années de présence dont il se prévaut. En outre, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusque l'âge de 19 ans au moins alors même que deux de ses frères résident en France sous couvert de cartes de séjour pluriannuelles. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de M. A..., le préfet de l'Essonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision l'obligeant à quitter le territoire a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.

13. En deuxième lieu, la décision en cause vise les textes dont il est fait application et notamment l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article L. 612-3 du même code et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement en précisant qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet. Elle est, par suite, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes du dixième considérant de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée : " Lorsqu'il n'y a pas de raison de croire que l'effet utile d'une procédure de retour s'en trouve compromis, il convient de privilégier le retour volontaire par rapport au retour forcé et d'accorder un délai de départ volontaire (...) ".

15. M. A... ne peut utilement se prévaloir directement des dispositions précitées de la directive susvisée contre la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire dès lors que ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ne sont pas incompatibles avec ses objectifs.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Selon l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

17. Pour refuser à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet de l'Essonne s'est fondé sur le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet, dans la mesure où il s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Compte tenu de ces éléments, le préfet de l'Essonne a pu légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

18. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.

19. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination, qui indique notamment que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée.

20. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 721-4 du même code : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

21. Si M. A... fait état de risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine, il n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision interdisant le retour sur le territoire français :

22. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de cette illégalité et soulevé, par voie d'exception, à l'encontre de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article R. 711-1 du même code : " L'obligation de quitter le territoire français est réputée exécutée à la date à laquelle a été apposé sur les documents de voyage de l'étranger qui en fait l'objet le cachet mentionné à l'article 11 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) lors de son passage aux frontières extérieures des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. (...) / L'étranger peut également justifier de sa sortie du territoire français en établissant par tous moyens sa présence effective dans le pays de destination, notamment en se présentant personnellement aux représentations consulaires françaises dans son pays de destination ou à la représentation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans son pays de destination. Sauf preuve contraire, l'étranger est réputé avoir exécuté l'obligation de quitter le territoire français à la date à laquelle il s'est ainsi présenté à l'une de ces autorités. ". Selon l'article R. 511-5 du même code, devenu l'article R. 613-6 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette mesure et de ce que sa durée courra à compter de la date à laquelle il aura satisfait à son obligation de quitter le territoire français en rejoignant le pays dont il possède la nationalité, ou tout autre pays non membre de l'Union européenne et avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen. Il est également informé des dispositions de l'article R. 711-2. ".

24. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elles définissent les informations devant être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, postérieurement au prononcé de cette interdiction. Dès lors, ces dispositions, qui sont propres aux conditions d'exécution de l'interdiction, sont sans incidence sur sa légalité et ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à son annulation.

25. En troisième lieu, la décision en litige vise les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne qu'en application des dispositions de l'article L. 612-6 de ce code, une interdiction de retour est prononcée pour une durée maximale de trois ans à l'encontre de l'étranger obligé de quitter sans délai le territoire français, à moins que des circonstances humanitaires ne le justifient. Elle indique que le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière, et que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, de son entrée récente en France et de l'ancienneté de ses liens en France, la durée de l'interdiction, d'une année seulement, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale. La décision en litige satisfait donc à l'exigence de motivation de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.

26. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : M. A... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2024.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE02606002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02606
Date de la décision : 25/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-25;23ve02606 ?
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