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19/03/2024 | FRANCE | N°22VE01762

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 19 mars 2024, 22VE01762


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 19 novembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Coltainville a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, d'enjoindre à la commune de procéder au classement comme espace boisé classé des parcelles cadastrées section ZM n° 101 et 112 et au classement de la parcelle OA n° 482 en zone Ua, d'enjoindre à la commune de ne pas approuver son plan local d'urbanisme san

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 19 novembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Coltainville a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, d'enjoindre à la commune de procéder au classement comme espace boisé classé des parcelles cadastrées section ZM n° 101 et 112 et au classement de la parcelle OA n° 482 en zone Ua, d'enjoindre à la commune de ne pas approuver son plan local d'urbanisme sans préciser dans les documents du plan l'emplacement exact des bâtiments des exploitations agricoles et sans proposer une orientation d'aménagement et de programmation sur la relocalisation dans la plaine agricole des bâtiments d'élevage enclavés.

Par un jugement n° 2000091 du 30 mai 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 20 juillet 2022 et 13 juillet 2023, M. A..., représenté par la SCP J.-P. Caston, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 19 novembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Coltainville une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement s'agissant du moyen tiré de ce que l'absence de classement des parcelles 101 et 112 en espace boisé classé est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'ils n'ont pas répondu à son argumentation tenant au fait que des erreurs de zonage avaient été proposées pour correction au commissaire enquêteur notamment pour les parcelles ZM 101 et 112 ;

- ils ont commis des erreurs de droit et une dénaturation des faits ;

- l'absence de classement des parcelles 101 et 112 en espace boisé classé est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement en zone A de la parcelle OA 482 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les indications figurant dans l'annexe au rapport de présentation du plan local d'urbanisme sont insuffisantes et ont nui à l'information du public et à celle des personnes publiques associées à la procédure d'élaboration de ce plan ;

- la fiche établie pour l'exploitation d'élevage n° 11 faisant état d'un périmètre de protection de 100 mètres révèle l'erreur commise par les auteurs du plan local d'urbanisme dans l'application des règles d'éloignement prévues par le règlement sanitaire départemental.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2023, la commune de Coltainville, représentée par Me Cruchadet, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 19 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de M. A... et de Me Cruchaudet pour la commune.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., propriétaire d'une maison d'habitation à Coltainville (Eure-et-Loir), relève appel du jugement du 30 mai 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 19 novembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Coltainville a approuvé son plan local d'urbanisme (PLU).

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.

3. M. A... fait grief au jugement de ne pas avoir pris en compte le fait allégué que le commissaire enquêteur avait émis un avis favorable au projet de plan local d'urbanisme sous réserve de corrections à y apporter, notamment concernant le zonage de la parcelle ZM 101. Il ressort toutefois des termes du jugement attaqué, et notamment de ses points 11 et 12, que le tribunal administratif d'Orléans, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par M. A..., a suffisamment répondu au moyen tiré de l'incohérence du plan de zonage du plan local d'urbanisme de la commune de Coltainville, en particulier s'agissant des parcelles 101 et 112. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce jugement doit être écarté.

4. Par ailleurs, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit ou de la dénaturation des faits qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les insuffisances du rapport de présentation :

5. Aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. (...) ".

6. M. A... soutient que le rapport de présentation comporte des indications inexactes ou incomplètes sur les exploitations agricoles et d'élevage présentes dans le bourg, qui ont eu pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation, qui comporte un volet " 2.4 activité agricole " faisant état de la situation agricole de la commune ainsi que son évolution, comprend une carte sur laquelle sont renseignées de manière suffisamment précise les exploitations agricoles de la commune, ainsi qu'en annexe, des fiches synthétiques de certains des sites d'exploitation ayant participé à la concertation spécifique agricole. La circonstance alléguée que certaines exploitations d'élevage ne font pas l'objet d'une fiche synthétique ou que certaines fiches ne précisent pas l'emplacement des bâtiments abritant des animaux est sans incidence, de telles précisions n'étant pas requises au titre des dispositions du code de l'urbanisme. Par ailleurs, si la fiche établie pour l'exploitation d'élevage n° 11 indique un périmètre de protection à respecter de 100 mètres autour de l'exploitation, en contradiction avec les dispositions de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental d'Eure-et-Loir interdisant uniquement l'implantation des élevages à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, sans que la commune ne justifie que les auteurs du PLU ont fait le choix de prescrire une règle d'éloignement plus sévère que celle du règlement sanitaire départemental, sur le fondement du 2ème alinéa de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, cette information, établie visiblement sur la base des déclarations des exploitants agricoles et qui n'est pas reprise dans le règlement du plan local d'urbanisme, n'est pas opposable aux autorisations d'occupation des sols. Dans ces conditions, cette inexactitude n'est pas de nature à regarder le rapport de présentation comme insuffisant. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de classement en espaces boisés classés (EBC) des parcelles ZM 101 et 112 :

7. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ".

8. M. A... fait grief aux auteurs du PLU de ne pas avoir classé en espaces boisés les parcelles ZM 101 et 112, situées dans le secteur ouest de la commune. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle 101, classée en zone N par le PLU, est couverte d'arbres et fait partie intégrante du parc du château de Javercy, dont les autres parcelles sont entièrement classées en EBC. Cette parcelle est par ailleurs identifiée dans l'OAP " Secteur Ouest " comme boisement à protéger et le rapport de présentation du PLU mentionne également le souhait de la commune de préserver l'entrée de bourg marquée par le boisement du parc du château. Le règlement indique en outre que la commune a souhaité classer en EBC les massifs qui, comme en l'espèce, font moins de 4 hectares. Enfin, il ressort de la réponse aux avis des services en date du 29 juillet 2019 que la commune s'est initialement prononcée en faveur de la demande de classement en EBC de M. A... (" La parcelle est effectivement boisée, elle pourra faire l'objet d'un espace boisé classé ") mais que cet engagement n'a pas été suivi d'effet, sans que la commune ne fasse état de motifs précis de nature à justifier cette absence de classement. Dans ces conditions et alors au surplus que la commune ne comprend que très peu d'espaces boisés, M. A... est fondé à soutenir que l'absence de classement en EBC de la parcelle ZM 101 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. S'agissant en revanche de la parcelle 112 limitrophe, la seule circonstance que cette parcelle, classée en zone Ua, présente un aspect boisé, ne saurait suffire à considérer qu'un classement en EBC s'imposait alors que la parcelle en cause dispose d'un raccordement aux réseaux et d'un accès direct à la voie publique, comporte un ancien bâtiment surplombant deux étages de cave et se trouve dans une zone déjà urbanisée. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la commune en l'absence de classement de la parcelle ZM 112 en espace boisé classé doit être écarté.

9. Par ailleurs, la seule allégation selon laquelle les parcelles ZM 101 et 112 appartiennent au maire n'établit pas, à elle seule, que l'absence de classement de ces parcelles comme espace boisé résulterait de l'influence qu'aurait exercée le maire de la commune en vue de satisfaire son seul intérêt personnel. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

En ce qui concerne le classement d'une partie de la parcelle OA 482 en zone A :

10. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

11. M. A... conteste le classement en zone A d'une partie de la parcelle OA 482 en ce qu'elle aboutit à diviser de façon incohérente la parcelle en deux, une partie de 800 m² en zone agricole, tandis que l'autre, d'une superficie de 960 m², est classée en zone urbaine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la partie sud de la parcelle 482, classée en zone A, ne présente aucune construction, jouxte une parcelle à l'est également classée en zone agricole et s'ouvre au sud sur un vaste espace agricole. Ainsi, eu égard à sa localisation et ses caractéristiques, elle participe à la cohérence de la zone agricole définie par le projet d'aménagement et de développement durables. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste dont serait entaché le classement de la parcelle OA 482 doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 mai 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 19 novembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Coltainville en tant que celui-ci ne classe pas en EBC la parcelle ZM 101.

Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge à M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la commune de Coltainville demande sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... pour assurer sa défense et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La délibération du 19 novembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Coltainville est annulée en tant que celui-ci ne procède pas au classement de la parcelle ZM 101 en espace boisé classé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 mai 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Coltainville versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Coltainville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Coltainville.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

La rapporteure,

J. FLORENTLe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet d'Eure-et-Loir en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE01762 2


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