La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°22VE01299

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 19 mars 2024, 22VE01299


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête n° 2006485, la société TDLS a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 6 août 2020 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... B... pour motif disciplinaire.



Par une requête n° 2101208, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société TDLS à le

licencier pour motif disciplinaire.



Par un jugement n° 2006485 et 2101208 du 31 mars 2022, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 2006485, la société TDLS a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 6 août 2020 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... B... pour motif disciplinaire.

Par une requête n° 2101208, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société TDLS à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 2006485 et 2101208 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête de la société TDLS et a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2022 et 12 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Metin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 11 décembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la société TDLS une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la matérialité des faits n'est pas établie et les faits établis ne présentent pas de caractère fautif ; les anciennes sanctions dont il a fait l'objet n'étaient pas justifiées, de même que les griefs invoqués lors de la première tentative de licenciement ;

- la demande de licenciement présente un lien avec son mandat.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2022, 8 février et 28 août 2023, la société TDLS, représentée par Me Dumanoir, avocat, conclut au rejet la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Longin, pour M. B..., et de Me Arrachequesne, substituant Me Dumanoir, pour la société TDLS.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été recruté comme chauffeur poids-lourds polyvalent au sein de la société TDLS par contrat à durée indéterminée conclu le 15 avril 2019. Il n'est pas contesté qu'il avait sollicité l'organisation des élections au comité social et économique, et qu'il s'était en outre porté candidat à l'élection des membres du comité social et économique, bénéficiant de ce fait de la protection due aux salariés candidats en application de l'article L. 2411-7 du code du travail. Après avoir adressé à M. B... trois avertissements les 20 février, 28 février et 13 mars 2020, son employeur a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 6 août 2020, l'inspectrice du travail a rejeté cette demande. La société TDLS a alors présenté une seconde demande d'autorisation de licencier M. B... pour motif disciplinaire le 13 octobre 2020, fondée sur de nouveaux faits, à laquelle l'inspectrice du travail a cette fois fait droit par décision du 11 décembre 2020. Par la présente requête, M. B... relève appel de l'article 2 du jugement du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa requête tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... soutient que le tribunal n'aurait pas répondu à son argumentation selon laquelle l'inspectrice du travail aurait dû examiner le bien-fondé des avertissements prononcés à son encontre pour considérer que les faits qui lui étaient reprochés étaient réitérés. Les premiers juges ont toutefois répondu à ce moyen au point 7 du jugement attaqué par une motivation suffisante. Par suite, les moyens tirés de l'existence d'une omission à statuer et d'un défaut de motivation sur ce point doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 4 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée.

4. En second lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la demande de licenciement de la société TDLS fait grief à M. B... d'avoir quitté prématurément et sans motif légitime les chantiers sur lesquels il travaillait à quatre reprises, les 31 août, 3, 16 et 22 septembre 2020.

6. Selon les termes du contrat de travail de l'intéressé, M. B... a été recruté pour un horaire hebdomadaire de 39 heures de travail effectif. Ce contrat précise par ailleurs : " La répartition des horaires de travail de M. B... sur la semaine se fera en fonction des besoins du service. Il est expressément convenu entre les parties qu'à la demande de la SARL TDLS, M. B... pourra être amené à effectuer des heures supplémentaires au-delà de 39 heures par semaine si les besoins de l'entreprise le nécessitent et ce, dans le respect des dispositions légales et conventionnelles en vigueur ". Par ailleurs, le refus d'un agent de réaliser sans motif légitime les heures supplémentaires demandées par son employeur est constitutif d'une faute.

7. S'agissant de la journée du 31 août 2020, la société TDLS justifie de la réalité de ce premier grief par la production d'un courriel circonstancié de son client dénonçant l'attitude du chauffeur parti sans l'autorisation du chef de chantier vers 13h30 ce jour-là et refusant de régler plus d'une demi-journée de travail. Si M. B... indique qu'il avait eu l'autorisation du chef de chantier et verse au dossier des relevés téléphoniques faisant état d'une conversation avec ce dernier à 13h43 ainsi qu'un courrier rédigé le soir-même par le requérant pour répondre aux accusations de l'entreprise, ces pièces permettent tout au plus de justifier que le requérant s'était vu autoriser à quitter le chantier pour vider son camion et non qu'il avait été acté que sa journée de travail pour l'entreprise était terminée. Le courriel du requérant indique à cet égard que lorsqu'il est parti vider le camion, " il ne lui a rien été demandé, ni de rester, ni de revenir ". M. B... verse par ailleurs au dossier un courriel et une capture d'écran du même jour démontrant que la société cliente avait cherché à le joindre dans le courant de l'après-midi. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'affirme le requérant, les faits reprochés sont établis, de même que leur caractère fautif.

8. S'agissant du 3 septembre 2020, la société TDLS verse au dossier le courrier d'un autre client, corroboré par des échanges de SMS avec le supérieur hiérarchique du requérant, reprochant à M. B... d'avoir également quitté sans autorisation un autre chantier à Asnières-sur-Seine alors que sa mission n'était pas terminée et de s'être emporté contre le chef d'équipe du client concerné, de sorte que ce dernier a décidé de ne plus avoir recours aux services de la société TDLS. Or la seule production d'un bon faisant état d'un chantier à Gennevilliers, ville limitrophe de la commune d'Asnières-sur-Seine, et d'un relevé téléphonique faisant état d'une longue conversation avec son supérieur hiérarchique après que l'entreprise cliente s'est plainte du comportement de M. B... par SMS, n'est pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits, constitutifs d'une faute.

9. S'agissant du 16 septembre 2020, la société employeur produit de nouveau, en appel, un courrier d'un client mécontent, indiquant que M. B... a décidé de quitter le chantier à partir de 14h et de ne pas finir sa journée ainsi qu'un bon prévoyant un " Aller et Retour au chantier (...) pour finir la journée de Mr A... qui a refusé de faire un tour ". Il ressort toutefois de l'échange de SMS entre M. B... et son employeur que le jour des faits, la société TDLS a autorisé l'agent, qui avait effectué 8h de travail, à partir " après le sablon " en prévoyant un remplaçant pour la décharge en benne du concassé, sans solliciter du requérant la réalisation d'heures supplémentaires. Dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés pour cette journée n'est pas établie.

10. S'agissant du 22 septembre 2020, la société TDLS produit un courriel d'un nouveau client mécontent au motif que M. B... a signé son bon et quitté le chantier à 13h45 alors que l'agent avait débuté à 7h30. Le requérant verse au dossier le bon de travail indiquant qu'il avait pris son poste à 6h30 ce jour-là ainsi qu'une capture d'écran d'un SMS dans lequel il explique qu'après avoir quitté le chantier à 13h55, il a déchargé au dépôt du client qu'il a quitté peu après 15h pour ramener le camion au dépôt de son employeur vers 15h30. Ces documents, s'ils témoignent, comme pour les journées précédentes, que la durée de travail de M. B... pouvait excéder 8h afin de permettre de mener à terme les chantiers des clients de la société TDLS, ne permettent toutefois pas d'établir que M. B... a sollicité l'accord de son employeur ou de l'entreprise cliente, dont il devait prendre les instructions, pour quitter le chantier. Par suite, la matérialité des faits reprochés est établie, de même que leur caractère fautif.

11. D'autre part, M. B... fait valoir que le conseil des prud'hommes a annulé deux des trois avertissements prononcés à son encontre les 20 février, 28 février et 13 mars 2020 par un jugement du 9 février 2023 et conteste également la matérialité et le caractère fautif des faits ayant conduit son employeur à solliciter sa première demande de licenciement. Il ne ressort toutefois pas de la décision contestée que l'inspectrice du travail se serait fondée sur ces griefs pour accorder l'autorisation de licenciement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que lors de la première demande de licenciement, la même inspectrice du travail avait retenu comme établi un grief pour la journée du 19 mai 2020 similaire à ceux ayant justifié la seconde demande d'autorisation de licenciement, dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée par le requérant qui ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause les déclarations du client de la société TDLS. Enfin, si l'une des fautes ayant justifié le licenciement n'apparaît pas établie ainsi qu'il a été dit au point 9, il ne résulte pas de l'instruction que l'inspectrice du travail n'aurait pas pris la même décision si elle s'était uniquement fondée sur les trois autres manquements de M. B..., lesquels traduisent un comportement répété et intentionnel de se soustraire aux directives de son employeur portant atteinte à la réputation de l'entreprise et sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement.

12. Enfin, il ne ressort pas des pièces produites que la demande de licenciement en cause présenterait un lien avec les revendications syndicales de M. B....

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 décembre 2020 doivent être rejetées.

Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société TDLS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que M. B... demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société TDLS et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la société TDLS la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société TDLS et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

La rapporteure,

J. FLORENTLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01299
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : DUMANOIR

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;22ve01299 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award