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12/03/2024 | FRANCE | N°22VE01958

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 mars 2024, 22VE01958


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel le préfet du Val d'Oise a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de sa fille aînée, Aïcha A....



Par un jugement n° 2009857 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la situation de M. A....



Procédure devant l

a cour :



Par une requête enregistrée le 3 août 2022, le préfet du Val d'Oise demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel le préfet du Val d'Oise a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de sa fille aînée, Aïcha A....

Par un jugement n° 2009857 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la situation de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2022, le préfet du Val d'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- il n'était pas tenu d'examiner la demande de M. A... sur un autre fondement que celui invoqué, et notamment au regard des dispositions de l'article 8 de la CEDH, dès lors que M. A... a demandé exclusivement le bénéfice du regroupement familial au profit de sa fille aînée ;

- en tout état de cause, il n'y a pas eu de violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisque sa décision n'a pas eu pour effet de modifier une situation existante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Bendjebbour, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Val-d'Oise ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pham, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 mai 2019, M. A..., ressortissant malien né en 1976, titulaire d'une carte de résident de dix ans, a présenté une demande de regroupement familial sur le territoire français au bénéfice de sa fille aînée, Aïcha A..., née le 5 mars 2004. Par décision du 29 juillet 2020, le préfet du Val-d'Oise a refusé de faire droit à cette demande. Par le jugement n° 2009857 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la situation de M. A.... Le préfet du Val-d'Oise relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu :

2. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il résulte des stipulations précitées que si le préfet, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions conventionnellement requises, comme en l'espèce en cas de ressources financières insuffisantes, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les stipulations précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale, tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. D'une part, il ressort des termes même de la décision litigieuse du 29 juillet 2022 que, pour refuser à M. A... le bénéfice du regroupement familial au profit de sa fille aînée, le préfet du Val-d'Oise s'est exclusivement fondé sur le seul motif tiré de l'insuffisance de ses ressources. S'il pouvait légalement fonder son refus sur ce motif, il lui appartenait de procéder à un examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la situation personnelle et familiale de l'intéressé au regard du droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans que l'en dispense la circonstance que la demande de regroupement familial concernait exclusivement la fille aînée de M. A.... Il ne ressort ni de la décision attaquée, qui ne comporte aucune précision sur la situation familiale de l'intéressé, ni des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait procédé à un tel examen d'ensemble des circonstances de l'espèce, celui-ci soutenant d'ailleurs expressément dans ses écritures appel qu'il n'avait pas à y procéder. Par suite, le préfet du Val-d'Oise doit être regardé comme s'étant, à tort, estimé lié par l'insuffisance des ressources de l'intéressé pour rejeter la demande de regroupement familial dont il était saisi. Le requérant est ainsi fondé à soutenir que le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur de droit.

5. D'autre part, le préfet du Val-d'Oise ne peut utilement soutenir que la décision attaquée ne serait pas susceptible de violer l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au seul motif qu'elle ne modifie pas sa situation existante.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 29 juillet 2022.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Val d'Oise est rejetée.

Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La rapporteure,

C. PHAM La présidente,

A-C. LE GARS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01958


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01958
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : BENDJEBBOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;22ve01958 ?
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