Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté n° B-2021-512 du 11 février 2021 par lequel le maire de la commune de Versailles a prononcé sa révocation à compter du 5 juin 2021, d'autre part, d'enjoindre au maire de Versailles de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière, sous astreinte et, enfin, de condamner la commune de Versailles à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des conséquences dommageables de cette sanction.
Par un jugement n° 2103476 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Jabin, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au maire de Versailles de procéder à sa réintégration et à la reconstitution de sa carrière, sous astreinte dont il plaira à la juridiction de fixer le montant ainsi que la date d'effet ;
4°) de condamner la commune de Versailles à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des conséquences dommageables de cette décision, augmentée des intérêts moratoires à compter de l'enregistrement de la requête au greffe du tribunal administratif de Versailles ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Versailles la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que son supérieur hiérarchique lui a imposé de solder immédiatement ses jours de congés annuels acquis et non pris, ainsi que ses heures de récupération, constituant ainsi une révocation avant que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ait statué ;
- la décision attaquée est entachée d'inexactitude matérielle des faits ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le harcèlement moral qu'il a subi et, à tout le moins, l'exécution déloyale de son contrat de travail sont à l'origine des préjudices qu'il a subis ;
- il a subi un préjudice de carrière évalué à 10 000 euros ;
- il a également subi un préjudice financier d'un montant de 10 000 euros ;
- enfin, il a subi un préjudice moral d'un montant global de 30 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2023, la commune de Versailles, représentée par Me Phelip, avocat, conclut au rejet la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de demande préalable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Guicherd, pour la commune de Versailles.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., agent d'entretien titulaire affecté au service de la ville de Versailles, a fait l'objet, le 11 février 2021, d'une sanction de révocation. Par la présente requête, il relève appel du jugement du 21 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette sanction, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Versailles de le réintégrer et de reconstituer sa carrière et, enfin, de condamner la collectivité à lui verser la somme totale de 50 000 euros à titre d'indemnisation des préjudices de carrière, financier et moral qu'il estime avoir subis.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :
2. Aux termes du 2ème alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'en première instance, les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires de M. A... dès lors que, si celui-ci avait saisi la commune de Versailles d'une réclamation préalable en date du 21 septembre 2022, à la suite du moyen relevé d'office tiré du défaut de liaison du contentieux qui lui avait été communiqué par le tribunal, aucune décision expresse ou implicite n'était née sur cette demande à la date du jugement du 21 octobre 2022. Par ailleurs, si à la date du présent arrêt, une décision implicite de rejet est née sur cette demande, l'absence de liaison du contentieux ne peut toutefois être régularisée pour la première fois en appel. Par suite, ainsi que le soutient la commune en défense, les conclusions indemnitaires de M. A... doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, M. A... soutient que son supérieur hiérarchique, en exigeant de lui qu'il pose les congés annuels qui lui restaient à prendre avant l'adoption de l'arrêté décidant sa révocation, a en fait mis en œuvre la radiation avant même que l'autorité territoriale ait statué. Cette demande, formulée dans la suite immédiate de l'avis du conseil de discipline du 5 février 2021 proposant la sanction de révocation, a néanmoins été prise dans l'intérêt de l'agent, le statut ne prévoyant pas pour les agents titulaires d'indemnité compensatrice de congés payés en cas de révocation ni même le report de prise d'effet de cette sanction pour tenir compte des congés annuels non pris par l'intéressé. En outre, elle n'est pas de nature à remettre en cause la légalité de l'arrêté attaqué prévoyant précisément que la révocation de M. A... ne prendra effet qu'à compter du 5 juin 2021 " compte tenu du solde de congés annuels, de jours de RTT et de récupération dû " à ce dernier.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais codifié à l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. En l'espèce, la décision attaquée fait grief à M. A... " d'avoir un comportement incompatible avec les obligations et les devoirs d'un agent territorial (...), notamment de ne pas respecter son devoir d'obéissance hiérarchique en contestant des consignes délivrées par ses supérieurs hiérarchiques, en refusant de suivre les directives de travail données et d'avoir une attitude irrespectueuse envers sa hiérarchie, de ne pas respecter les vingt minutes de pause autorisées par le service et de tenir des propos désobligeants, voire menaçants, à l'encontre de certains de ses collègues et de tenir régulièrement des propos méconnaissant le principe de laïcité et de neutralité de l'agent public dans l'exercice de ses fonctions. ".
8. Il ressort des pièces du dossier qu'entre avril 2019 et octobre 2020, M. A... a fait l'objet de neuf rapports de ses différents supérieurs hiérarchiques témoignant de ce que l'intéressé refuse de manière récurrente, avec véhémence voire agressivité, de réaliser les tâches qui lui sont confiées ainsi que de respecter ses horaires de pause en invoquant fréquemment des motifs religieux. Ces faits sont corroborés par les pièces concordantes du dossier, et notamment les comptes rendus des divers entretiens d'évaluation de M. A... durant ses dernières années de service, lesquels font état de la nécessité pour ce dernier d'améliorer son sens du travail en équipe et le respect de sa hiérarchie, en changeant radicalement sa façon d'être. Si M. A... conteste la réalité de ces faits, il se borne à procéder par affirmation et ne verse au dossier aucun élément remettant en cause la matérialité des faits reprochés.
9. Le requérant affirme par ailleurs faire l'objet de conditions de travail dégradées et d'une attitude hostile de sa hiérarchie. Si ces affirmations semblent corroborées par les courriers des représentants syndicaux qu'il verse au dossier faisant état état d'une situation de souffrance au travail dans le service et d'un management oppressant, ces courriers ont été suivis d'un audit mené au service propreté dont les conclusions, présentées en novembre 2020 devant la commission d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), n'ont pas été produites à l'instance par le requérant. En tout état de cause, à supposer l'existence de difficultés dans le service liées au management pratiqué, celles-ci ne sauraient justifier l'attitude du requérant et ses refus réguliers d'effectuer les tâches qui lui sont confiées, incompatibles avec les principes d'obéissance hiérarchique et de neutralité des agents publics.
10. Enfin, il est constant que le requérant a déjà fait l'objet d'une exclusion de trois jours en 2014, puis une exclusion temporaire de trente jours en 2019, pour avoir refusé d'obéir aux ordres de son supérieur hiérarchique, tenu des propos inadéquats et pour agression sur un supérieur. En dépit de ces différentes sanctions, il est manifeste que M. A... n'a pas su amender sa conduite. Dans ces conditions et eu égard à la gravité des fautes commises par le requérant, la sanction de révocation adoptée n'est pas disproportionnée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions à fin d'annulation de la sanction en cause, de même que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Versailles, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu par ailleurs de mettre à la charge de M. A... la somme que la commune de Versailles sollicite au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Versailles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Versailles.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE02859