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08/02/2024 | FRANCE | N°22VE02638

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 08 février 2024, 22VE02638


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 2 août 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2207663 du 18 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Anne Guinnepain, avocate, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de l'arrêté du 2 août 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2207663 du 18 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Anne Guinnepain, avocate, demande à la cour :

1°) d'infirmer ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre aux autorités préfectorales compétentes territorialement de lui délivrer un titre de séjour provisoire sur le fondement de la vie privée et familiale, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de 15 jours après notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) condamner l'Etat à verser à son conseil, Me Guinnepain, la somme de 2 000 euros, correspondant aux honoraires qui auraient été facturés au requérant s'il n'avait pas été bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre de l'application combinée de l'article L. 761-1 du code de la Justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- il a été privé de son droit à être entendu au regard de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; ce droit est garanti par les principes généraux du droit de l'Union Européenne ;

- en s'abstenant d'examiner sa situation, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; la Cour en prendra acte et infirmera le jugement qui a rejeté la demande d'annulation de la décision préfectorale du 2 août 2022 ;

- il justifie de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; en prononçant une obligation de quitter le territoire, et en fixant le pays de renvoi comme celui dont il a la nationalité, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; il sera exposé à des atteintes à sa vie et à son intégrité physique ; il expose de manière détaillée et circonstanciée le danger qu'il encourt en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité.

Par un courrier du 19 janvier 2024, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, a informé les parties que la cour est susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe invoqué pour la première fois en appel, s'agissant de la violation du droit d'être entendu avant qu'une mesure individuelle affectant défavorablement M. A... ne soit prise à son encontre.

Un mémoire enregistré le 20 janvier 2024 a été présenté par Me Guinnepain pour M. A....

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant pakistanais né le 23 mars 2003, est entré en France le 1er janvier 2019 et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 9 juin 2021. Par une décision du 29 octobre 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de protection internationale, puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 26 avril 2022. Par un arrêté du 2 août 2022, le préfet de Seine-et-Marne a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit. M. A... relève appel du jugement du 18 novembre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir du défaut d'examen sérieux de sa situation, ni d'erreurs de droit ou d'appréciation qu'auraient commises le magistrat désigné pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ".

4. En l'espèce, il est constant que M. A... a présenté une demande d'asile le 9 juin 2019. Il lui appartenait de fournir spontanément à l'administration, notamment à la suite de la décision de rejet prise par l'OFPRA le 29 octobre 2021, suivie par une décision du 26 avril 2021 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant son recours comme irrecevable, tout élément utile relatif à sa situation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui ne conteste pas qu'il a été informé du rejet de sa demande au titre de l'asile, aurait été empêché de présenter les éléments relatifs à sa situation de manière utile et effective avant le prononcé de l'arrêté en litige. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité du moyen de légalité externe soulevé pour la première fois en appel, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendu. Par suite, ce moyen doit être écarté.

5. D'une part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", d'autre part, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

6. M. A... fait de nouveau état de risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine du fait de son origine cachemirie et précise qu'il ferait l'objet de harcèlement et de persécution tant de la part de l'lnter-Services Intelligence (ISI), service de renseignements de l'Etat pakistanais très actif dans sa région d'origine, qui aurait entendu le recruter, que de la part de ses ennemis. Toutefois, il ne produit en appel aucun élément de justification probant, précis et circonstancié, susceptible d'établir la nature et l'actualité des risques personnels qu'il encourrait, les photographies produites, représentant notamment une roquette, une habitation partiellement détruite et deux personnes blessées, mais dépourvues de tout élément de contexte, ainsi que l'acte de décès de son père le 28 octobre 2021, qui mentionne une insuffisance cardiaque comme cause du décès, de même que des articles de presse exposant en terme généraux la rivalité entre la République islamique du Pakistan et la République de l'Inde au Cachemire, en 2019 et 2020, ne pouvant être regardés comme de tels éléments. Ainsi, il n'apporte aucun élément nouveau lui permettant de justifier ses craintes personnelles et actuelles, de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur sa situation par l'OFPRA, la CNDA ayant ensuite rejeté son recours comme tardif. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, qu'être écarté.

7. Compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

Le président-assesseur,

J.-E. PILVENLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE02638002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02638
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : GUINNEPAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;22ve02638 ?
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