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09/11/2023 | FRANCE | N°23VE00510

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 09 novembre 2023, 23VE00510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'inexécution.

Par un jugement n° 2200660 du 10 février 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémo

ire, enregistrés les 8 mars et 12 juillet 2023, M. B... A..., représenté par Me Legrand, avocat, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'inexécution.

Par un jugement n° 2200660 du 10 février 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars et 12 juillet 2023, M. B... A..., représenté par Me Legrand, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de retour en cas d'inexécution ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

M. A... soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il a droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, en raison de sa vie privée et familiale ; en effet, son insertion au sein de la société française est réussie et il participe à l'activité de nombreuses associations ; cette décision est ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- étant donné sa situation médicale, le préfet devait solliciter l'avis du collègue de médecins de l'OFII ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour en Guinée.

Par un mémoire, enregistré le 28 août 2023, le préfet de Loir-et-Cher conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- et les observations de Me Legrand, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 10 janvier 1987, est entré sur le territoire français le 15 août 2010, selon ses déclarations. Après le rejet de sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 28 février 2011, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 3 mai 2013, il a fait l'objet d'un arrêté du 25 juin 2013 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le recours formé par M. A... contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du 18 février 2014 du tribunal administratif d'Orléans. L'intéressé a alors présenté une demande de réexamen qui a été rejetée par l'OFPRA le 26 novembre 2013, selon la procédure prioritaire. Le préfet de Loir-et-Cher a pris à l'encontre de M. A..., le 21 janvier 2014, un nouvel arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du 24 septembre 2014. L'avocat de M. A... ayant, par un courrier du 22 février 2017, demandé la régularisation de la situation de son client, le préfet de Loir-et-Cher, par arrêté du 2 août 2017, a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et lui a fait à nouveau obligation de quitter le territoire français. Toutefois, par un jugement du 16 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de statuer à nouveau sur la demande de M. A... dans un délai d'un mois. Par un nouvel arrêté du 28 septembre 2018, le préfet de Loir-et-Cher lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de cette mesure et a, en outre, prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour pour une durée d'un an. Par un jugement du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté en tant qu'il prononçait une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. A.... A la suite de cette annulation partielle, M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et a présenté, le 21 février 2020, une demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade. Cette demande a été classée sans suite le 21 octobre 2020 en raison de la défaillance de M. A.... Le 4 mars 2021, il a de nouveau sollicité de la préfecture de Loir-et-Cher l'examen de son admission exceptionnelle au séjour. A raison de sa présence sur le territoire français depuis plus de dix ans, sa situation a été examinée par la commission du titre de séjour qui a émis, le 28 septembre 2021, un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par l'arrêté attaqué du 17 décembre 2021, le préfet de Loir-et-Cher lui a refusé le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

2. Par jugement du 10 février 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2021.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

4. Si M. A... soutient que la décision préfectorale contestée a méconnu la procédure fixée à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant, comme l'a d'ailleurs relevé le tribunal administratif, que la demande de titre de séjour formée par M. A... le 3 mars 2021 précisait qu'il ne souhaitait plus déposer une demande de titre en qualité d'étranger malade. Dès lors, en l'absence d'une telle demande, le préfet de Loir-et-Cher n'a pas entaché son arrêté d'illégalité en s'abstenant de saisir l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans les conditions fixées par l'article L. 425-9 précité.

5. Si M. A... précise qu'il est bien inséré dans la société française en se prévalant de sa participation à de nombreuses associations, comme le Secours catholique, et qu'il réside sur le territoire français sans interruption depuis 2010, il n'est pas contesté, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, que son fils mineur réside dans son pays d'origine, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, tandis qu'il n'a comme seule attache sur le territoire français que la présence d'un de ses frères. Au vu de ces circonstances, et bien qu'il ait fait l'objet d'un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour par la commission du titre de séjour notamment en raison d'une présence sur le territoire français de plus de dix ans, le préfet de Loir-et-Cher ne peut être regardé comme ayant pris un arrêté portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent ainsi être écartés.

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

7. M. A... soutient être soumis à des risques sur sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, autant la copie du mandat d'arrêt du 31 mai 2013 que celle du mandat d'arrêt du 1er mai 2019, dont l'authenticité ne semble pas établie, ne permettent pas d'établir la réalité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, l'attestation qu'il produit de son médecin traitant précise uniquement qu'il présente des troubles fonctionnels et un état dépressif mais non qu'il souffre d'atteintes psychologiques ayant pour origine ce qu'il aurait vécu dans son pays d'origine, qui feraient ainsi obstacle à un retour en Guinée. Dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Emmanuel Legrand et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressé au préfet de Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00510
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : LEGRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-09;23ve00510 ?
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