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17/10/2023 | FRANCE | N°21VE03150

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 octobre 2023, 21VE03150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine, la République Démocratique du Congo, ou tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible, comme pays de renvoi, et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour temporaire sous astrein

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine, la République Démocratique du Congo, ou tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible, comme pays de renvoi, et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification du jugement.

Par un jugement n° 2102730 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 1er juillet 2021 en tant qu'il fixe la République démocratique du Congo comme pays de renvoi et a rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, Mme D... E... B..., représentée par Me Rouille-Mirza, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 octobre 2021 en tant que le tribunal administratif d'Orléans n'a pas annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français et le choix de la République démocratique du Congo comme pays de renvoi ;

2°) d'annuler la décision du 1er juillet 2021 par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français ;

3°) d'annuler la décision du 1er juillet 2021 par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a fixé la République démocratique du Congo et l'Afrique du Sud comme pays de renvoi ;

4°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité, pour défaut d'intérêt à agir, des conclusions de la requête dirigées contre le jugement n° 2102730 rendu le 27 octobre 2021 par le tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il n'a pas annulé la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi, et contre la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination, cette décision ayant été annulée par le jugement

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonfils a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... E... B..., ressortissante congolaise née le 25 décembre 1984 à Lubumbashi (République démocratique du Congo), déclare être entrée sur le territoire français le 5 janvier 2020 sous couvert d'un visa court séjour valable du 5 décembre 2019 au 31 mai 2020. Le 17 mars 2020, Mme B... a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par une décision du 19 novembre 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande de Mme B.... La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé cette décision le 30 avril 2021. Par un arrêté du 1er juillet 2021, la préfète d'Indre-et-Loire a pris à l'encontre de Mme B... une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République démocratique du Congo, pays dont elle a la nationalité, ou tout autre pays dans lequel elle est légalement admissible, notamment l'Afrique du Sud, comme pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 27 octobre 2021 en tant que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et a fixé les pays à destination desquels elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête :

2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, a fait droit à des conclusions de l'appelant en première instance.

3. A la demande de Mme B..., le tribunal administratif d'Orléans a, par l'article 1er de son jugement, annulé l'arrêté du 1er juillet 2021 en tant que ce dernier a fixé la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel l'intéressée était susceptible d'être reconduite d'office. Par suite, la requérante est dépourvue d'intérêt pour, en présentant des conclusions tendant à l'annulation du jugement du 27 octobre 2021 en tant que le tribunal administratif d'Orléans n'a pas annulé la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi, demander l'annulation de cet article 1er, lequel lui donne satisfaction. Dès lors, les conclusions de la requête ne sont pas recevables en tant qu'elles sont dirigées contre l'article 1er du jugement du 27 octobre 2021 du tribunal administratif d'Orléans et contre l'arrêté du 1er juillet 2021 en tant qu'il fixe la République démocratique du Congo comme pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". De plus, l'article L. 211-5 du même code précise : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que celle-ci mentionne les textes dont elle fait application et indique que Mme B... est entrée sur le territoire français le 5 janvier 2020 sous couvert d'un visa court séjour valable du 5 décembre 2019 au 31 mai 2020, que sa demande d'asile en France a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA, qu'elle a bénéficié du statut de réfugié en Afrique du Sud jusqu'au 13 août 2022 où elle a résidé de 2011 à 2020 et où ses trois filles sont nées, que celles-ci ont été déboutées de leur demande d'asile en France, que son mari est de nationalité congolaise et que ses parents, son frère et sa sœur, résident toujours dans son pays d'origine. Ainsi, et nonobstant l'annulation partielle de l'arrêté du 1er juillet 2021 par les premiers juges au motif que la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et permet ainsi à Mme B... d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la préfète d'Indre-et-Loire n'a pas analysé elle-même sa situation au regard des risques qu'elle encourt. Toutefois, outre qu'elle s'est référée aux décisions prises par les instances françaises compétentes en matière d'asile, l'autorité préfectorale, après avoir indiqué qu'il lui était possible dans un tel cas d'obliger Mme B... à quitter le territoire sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a précisément analysé l'ensemble des éléments relatifs à la situation de Mme B... ainsi que cela a été exposé au point précédent, notamment le fait que l'intéressée a apporté la preuve de la reconnaissance du statut de réfugié en Afrique du Sud jusqu'au 13 août 2022. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète d'Indre-et-Loire aurait entaché son arrêté d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée.

7. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

8. Si Mme B... produit, pour la première fois en appel, des certificats de scolarité au titre de l'année scolaire 2020-2021 pour ses deux filles, A... et C..., respectivement en classe de première année de cours moyen (CM1) et en classe de cours préparatoire (CP), elle ne conteste pas le fait que leur demande d'asile a également été rejetée. En outre, elle n'établit pas que ses filles seraient dans l'incapacité de poursuivre leur scolarité en Afrique du Sud, qui est leur pays de naissance. Par ailleurs, si elle soutient que son mari a été enlevé en Afrique du Sud en décembre 2019 et qu'elle encourt des risques identiques en cas de retour dans son pays de résidence, elle n'assortit pas ses allégations des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, il n'existe pas d'obstacles à ce que la cellule familiale se reconstitue en Afrique du Sud, où Mme B... a vécu près de dix ans et où elle a bénéficié du statut de réfugié pour la période allant du 13 août 2018 au 13 août 2022. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant l'Afrique du Sud comme pays de destination :

9. D'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile en France de Mme B... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 19 novembre 2020, confirmée par la CNDA le 30 avril 2021. Si au soutien de ses écritures, la requérante produit des documents, par ailleurs déjà soumis à l'appréciation des premiers juges, tels qu'un article de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés du 5 mai 2017, un article de l'association Human Rights Watch du 17 septembre 2020, des plaintes pénales déposées avec son mari pour des faits de cambriolage et de vol à main armée ou encore un certificat médical du 8 février 2021 indiquant la présence de deux cicatrices sur son corps, ces éléments ne permettent pas d'établir la réalité de risques personnels que Mme B... encourrait en cas de retour dans son pays de résidence. Par suite, les moyens tirés, d'une part, de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, d'autre part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation, d'une part, de la décision du 1er juillet 2021 par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français, et, d'autre part, de la décision du même jour par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a fixé l'Afrique du Sud comme pays de renvoi. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme D... E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

Mme Pham, première conseillère,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

M-G. BONFILS

La présidente,

A-C. LE GARS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03150
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SELARL EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-10-17;21ve03150 ?
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