Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le maire de la commune de Sartrouville a prononcé sa révocation et d'enjoindre à la commune de la réintégrer dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux et de reconstituer sa carrière.
Par un jugement n° 2001005 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mars 2022, Mme C..., représentée par Me Rabbé, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sartrouville la somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis du conseil de discipline et l'arrêté attaqué sont insuffisamment motivés ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en raison de la présence de sa supérieure hiérarchique et du directeur général des services techniques pendant les débats devant le conseil de discipline, laquelle était de nature à influencer les membres du conseil de discipline ;
- l'arrêté est entaché d'un second vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que la directrice générale des services disposait d'un mandat pour représenter la commune ;
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- la sanction est disproportionnée au regard des fautes relevées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2023, la commune de Sartrouville, représentée par la SELARL Bazin et associés, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... sont infondés.
Par une ordonnance du 4 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2023 à 12 h 00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rabbé, pour Mme C... et de Me Poput, pour la commune de Sartrouville.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... a été recrutée en 2003 par la commune de Sartrouville pour exercer, sous contrat, des fonctions d'agent d'entretien. Titularisée le 1er août 2004 dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, l'intéressée a été placée en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er septembre 2009. Rapidement après sa reprise de fonctions le 1er septembre 2011, Mme C..., atteinte d'une grave maladie, a dû être placée en congé de longue maladie du 23 janvier 2012 au 22 janvier 2015 puis reclassée dans la filière administrative compte tenu des importantes restrictions médicales imposées par son état de santé. Mme C... a ainsi été affectée à compter du 1er mars 2016 sur un poste d'assistante administrative au sein de la direction des grands équipements et des bâtiments et intégrée à compter de cette date dans le cadre d'emplois des adjoints administratifs. Considérant qu'elle était peu investie dans ses fonctions, n'effectuant pas l'ensemble des tâches qui lui étaient confiées et qu'elle adoptait une attitude inappropriée et agressive, le maire de la commune de Sartrouville a prononcé à l'encontre de Mme C..., le 25 septembre 2018, une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une journée, non contestée par l'intéressée. Jugeant que son attitude s'était encore dégradée, à la suite notamment d'injures et menaces proférées à l'encontre de l'un de ses collègues et du directeur général des services techniques les 21 et 22 août 2019, le maire a prononcé une mesure de suspension administrative à effet au 5 septembre 2019 et engagé à son encontre une procédure disciplinaire au terme de laquelle, suivant l'avis du conseil de discipline, le maire de la commune de Sartrouville a prononcé sa révocation par arrêté du 6 décembre 2019. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2019 :
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
2. D'une part, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 à 4 du jugement, d'écarter les moyens soulevés en première instance et repris en appel, tirés de l'insuffisance de motivation de l'avis du conseil de discipline et de l'arrêté attaqué.
3. D'autre part, aux termes de l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " L'autorité territoriale est convoquée dans les formes prévues à l'article 6. Elle dispose des mêmes droits que le fonctionnaire poursuivi ".
4. Bien que seule Mme A..., directrice générale des services adjointe de la commune de Sartrouville, assistée de Me Poput, ait été mentionnée au procès-verbal du conseil de discipline comme représentant le maire de la commune de Sartrouville, il est constant que le directeur général des services techniques et la directrice des grands équipements et bâtiments, supérieurs hiérarchiques de Mme C..., étaient également présents et ont participé aux débats ayant précédé les délibérations du conseil de discipline. Il est toutefois également constant que ces derniers n'ont pas assisté aux délibérations du conseil de discipline ni participé au vote. Par ailleurs, Mme C... ne fait état d'aucune intervention de ses supérieurs hiérarchiques de nature à exercer une influence sur le sens de l'avis émis par le conseil de discipline, alors au demeurant que la ville aurait pu citer formellement ces derniers comme témoins, en vertu de l'article 7 du décret du 18 septembre 1989, au regard des fautes reprochées à l'intéressée. Dans ces circonstances, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la présence aux débats du directeur général des services techniques et la directrice des grands équipements et bâtiments entache d'irrégularité la procédure devant le conseil de discipline. Par ailleurs, la mention du procès-verbal suffit à considérer que Mme A... avait qualité pour représenter le maire de Sartrouville devant le conseil de discipline. Par suite, les vices de procédure allégués doivent être écartés.
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. En l'espèce, il ressort de l'arrêté attaqué que la sanction de révocation contestée est fondée sur le triple motif que, d'une part, Mme C... a " adopté à plusieurs reprises (en particulier le 5 décembre 2018, 11 janvier 2019, 21 et 22 août 2019) un comportement irrespectueux voire agressif à l'encontre de ses collègues et de sa hiérarchie et tenu des propos injurieux ", d'autre part, n'a pas respecté ses horaires de travail entre décembre 2018 et août 2019 et s'est absentée les 23 novembre 2018, 28 juin 2019 et 16 août 2019 sans justification, enfin, qu'elle a refusé " de réaliser les missions relevant pourtant de ses fonctions " et a fait preuve d'une " négligence constante dans l'accomplissement des tâches confiées ".
7. En premier lieu, il ressort des différentes pièces du dossier, notamment des rapports établis par différents supérieurs hiérarchiques de Mme C..., datés des 10 décembre 2018, 11 janvier 2019 et 5 septembre 2019 ainsi que des témoignages précis et concordants de ses collègues recueillis dans le cadre de l'enquête administrative interne, que Mme C... n'effectuait que partiellement les tâches d'accueil physique et téléphonique qui lui incombaient, l'intéressée s'absentant très régulièrement de son poste de travail et s'étant notamment volontairement abstenue à deux reprises de répondre au téléphone et d'ouvrir à un visiteur. Ces mêmes documents font par ailleurs état de la non-transmission par l'intéressée de certains courriers ou factures à ses collègues en dépit des demandes de sa hiérarchie, au seul motif de relations dégradées avec ces derniers. Il ressort également des pièces du dossier que Mme C... a cessé sans raison valable de tenir à jour le relevé des appels téléphoniques à compter d'avril 2018 et a fait preuve de façon plus générale d'un manque de rigueur et d'implication dans l'accomplissement des tâches qui lui étaient confiées, en particulier s'agissant du suivi des factures et des divers courriers, et ce malgré de nombreux rappels à l'ordre, notamment à l'occasion de ses entretiens annuels, et une sanction disciplinaire du 1er groupe prononcée à son encontre en juillet 2018. Ce manque de professionnalisme et les négligences répétées de l'agent, dont Mme C... ne conteste pas sérieusement la matérialité en se bornant principalement à remettre en cause le caractère probant des témoignages de ses collègues au motif qu'il n'ont pas été recueillis sur un formulaire répondant aux exigences fixées par le code de procédure civile, ont par ailleurs perturbé le bon fonctionnement du service et nui à l'image de la collectivité en occasionnant des retards dans le traitement des dossiers ainsi qu'un report de charge sur ses collègues et sa hiérarchie. Ils constituent ce faisant des fautes passibles d'une sanction disciplinaire.
8. En deuxième lieu, il est établi au regard des arrêtés de retenue sur salaires produits et du relevé des heures de travail effectuées par Mme C... que la requérante s'est absentée de manière injustifiée les 28 juin 2019 et 16 août 2019 et a cumulé entre janvier et juin 2019 au minimum plus de deux jours et demi de retard sur son volume horaire réglementaire, retard que la requérante ne saurait sérieusement imputer à un " problème informatique " ou à un " possible décalage entre la badgeuse et sa montre ". Le non-respect par la requérante de ses horaires de travail et ses absences injustifiées constituent également des fautes disciplinaires.
9. En troisième lieu, il ressort des rapports de sa hiérarchie ainsi que des témoignages émanant de trois de ses collègues, concordants sur ce point, que Mme C... interpelle régulièrement l'un de ses collègues par son seul nom, contrairement aux autres membres de l'équipe, marquant ainsi un manque de respect à l'encontre de ce collègue, et qu'elle l'a, surtout, menacé et insulté plusieurs fois entre 2017 et 2019. Mme C... a, en outre, à plusieurs reprises, proféré des insultes à l'encontre d'autres collègues, de même qu'envers le directeur des services techniques et fait preuve de désinvolture et d'insolence vis-à-vis de sa hiérarchie ainsi qu'en témoignent les comptes rendus de ses entretiens des 15 février et 5 mars 2019. Il ressort enfin des pièces du dossier que Mme C... provoque, par son attitude agressive, un climat de tension délétère dans le service. Ce comportement caractérise un manquement aux devoirs du fonctionnaire susceptible, tout comme les faits précédents, de sanction disciplinaire.
10. Si Mme C... fait valoir que les réactions inappropriées qu'elle a pu avoir à l'égard de ses collègues résultent du climat " hostile " et de la surveillance " oppressante " qui auraient cours depuis son affectation au sein de la direction des grands équipements et des bâtiments, elle n'établit aucunement ses allégations qui sont du reste contredites par les pièces du dossier. Contrairement par ailleurs à ce que soutient la requérante, des formations lui ont été dispensées à son arrivée dans le service, où elle avait au demeurant réalisé plusieurs mois de stage avant son affectation définitive. Mme C... ne saurait par ailleurs sérieusement soutenir que la commune aurait dû envisager son changement d'affectation alors qu'elle a été reçue régulièrement par sa hiérarchie afin d'évoquer ses difficultés et que la commune a essayé à deux reprises de faciliter son insertion dans un autre service. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a dû être mis prématurément fin à un stage d'immersion prévu tous les après-midis en octobre 2018 au centre municipal de santé dès lors que la négligence de Mme C... a été à l'origine de la chute d'une dame âgée et qu'en outre, elle n'a pas même pris les mesures adéquates immédiatement après l'accident, que ce soit pour prévenir sa hiérarchie ou pour assurer l'état de santé de la personne âgée ayant chuté. La requérante a par ailleurs refusé de façon catégorique, sans même l'étudier, le second poste que lui proposait la commune en janvier 2019. Enfin, si Mme C..., âgée de 57 ans au moment des faits, était très certainement dans un état de fragilité physique et psychologique important du fait des graves problèmes de santé dont elle avait été affectée, cette circonstance ne saurait justifier les négligences répétées de l'agent dans l'exercice de ses missions ainsi que l'attitude provocatrice et irrespectueuse de la requérante à l'égard de ses collègues et de sa hiérarchie. Dans ces conditions, bien que le comportement de l'agent n'ait jamais fait l'objet de sanction disciplinaire ou de remontrances avant son reclassement dans la filière administrative, au regard des fautes graves et répétées commises par Mme C..., de leur impact sur l'organisation du service et l'image de la collectivité et de l'absence de toute remise en cause par l'agent malgré les nombreux rappels à l'ordre dont elle a fait l'objet, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la sanction de révocation prononcée à son encontre est disproportionnée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2019 prononçant sa révocation.
Sur les frais relatifs à l'instance d'appel :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Sartrouville, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme C... la somme qu'elle demande à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu par ailleurs de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 000 euros que la commune demande au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Sartrouville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la commune de Sartrouville.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Pilven, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.
La rapporteure,
J. FLORENTLe président,
P-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE00489