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12/09/2023 | FRANCE | N°21VE00446

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 12 septembre 2023, 21VE00446


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 10 juillet 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement et la décision du ministre du travail du 21 février 2018 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1803851 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 16 février 2021 et 20 juin 2

023, Mme B... A..., représentée par Me Bichet, avocat, demande à la cour, dans le dernier état...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 10 juillet 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement et la décision du ministre du travail du 21 février 2018 rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1803851 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 16 février 2021 et 20 juin 2023, Mme B... A..., représentée par Me Bichet, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2017 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale n° 2 des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France a autorisé son licenciement ;

3°) d'annuler la décision du 21 février 2018 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du 10 juillet 2017 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 10 juillet 2017 a été prise au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de consultation valable du comité d'entreprise, dès lors que les membres suppléants, qui n'ont pas été convoqués, n'ont pas été mis en mesure de participer au vote en remplacement des membres titulaires absents ;

- le principe du contradictoire a été méconnu en l'absence de communication d'éléments qui devaient lui être soumis préalablement à son entretien avec l'inspecteur du travail ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, notamment au regard de son ancienneté ; en particulier, ses absences aux rendez-vous des 16 et 30 janvier et 13 février 2017 étant justifiées par des raisons de santé, elles ne sont pas fautives ; en tout état de cause, d'une part, son contrat de travail étant suspendu, il ne pouvait lui être reproché de ne pas se rendre aux visites médicales initiées par son employeur, et, d'autre part, la visite de reprise a été diligentée tardivement au regard de la date de l'avis la plaçant en invalidité de catégorie 2 dès le mois d'août 2015 et alors que son inaptitude était acquise ;

- la procédure de licenciement est en lien avec l'exercice des mandats syndicaux qu'elle détient et l'administration se trouvait, par suite, en situation de compétence liée pour refuser à son employeur l'autorisation de la licencier.

Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2021, la société Levallois distribution, représentée par Me Giraud, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme A... soit condamnée à lui verser les sommes de 1 500 et 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à lui rembourser les dépens.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire lors de l'instruction du recours hiérarchique est inopérant ;

- Mme A... a fait obstacle à la procédure de reclassement mise en œuvre, ce qui constitue une faute justifiant le licenciement ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il renvoie aux observations qu'il a produites en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Levallois distribution a sollicité l'autorisation de licencier pour faute grave Mme A..., déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise depuis 2012, qui exerçait les fonctions d'hôtesse de caisse depuis 1981 avant d'être reconnue inapte à l'exercice de ces fonctions le 14 septembre 2015. Mme A... relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juillet 2017 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 6 de l'unité de contrôle 2 des Hauts-de-Seine a autorisé son licenciement ainsi que l'annulation de la décision du 21 février 2018 par laquelle la ministre du travail a confirmé cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 juillet 2017 :

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise, déjà soulevé en première instance et à l'appui duquel Mme A... ne fait état d'aucun élément susceptible de remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 5 et 6 du jugement.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient Mme A... en se contentant d'alléguer qu'aucun des éléments produits par la société ne lui a été remis lors du rendez-vous contradictoire, il ressort des pièces du dossier que, le 8 juin 2017, l'inspecteur du travail a remis à l'intéressée les pièces jointes à la demande de licenciement reçues de l'employeur, en l'invitant à présenter toute observation dans un délai de quinze jours. Par suite, le moyen tiré du défaut de respect du principe du contradictoire doit être écarté.

4. En troisième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

5. Pour autoriser le licenciement de Mme A..., l'inspectrice du travail s'est fondée sur l'absence fautive de cette dernière à la visite médicale à laquelle elle avait été convoquée le 13 février 2017, après n'avoir pas honoré une première visite prévue le 16 janvier précédent et avoir refusé le report d'une deuxième visite prévue initialement le 30 janvier 2017, sans justifier d'une impossibilité absolue de se rendre à ces rendez-vous, en méconnaissance de l'article 22 du règlement intérieur de la société Levallois distribution, lequel prévoit : " le personnel est tenu de se soumettre aux visites prévues par les articles R. 4624-10 et suivants du code du travail : à savoir notamment les visites d'embauche, périodiques de reprise, examens complémentaires demandés par la médecine du travail etc... (...) Ces examens sont obligatoires, le refus de s'y soumettre constitue donc une faute qui, renouvelée après mise en demeure, prend un caractère de gravité pouvant justifier un licenciement disciplinaire. ". L'inspectrice du travail a considéré que cette carence, qui avait fait obstacle à toute possibilité de rechercher une solution pour reclasser la salariée, constituait, au regard de l'investissement de l'employeur et du médecin du travail pour tenter de reclasser Mme A... dans les effectifs de l'entreprise, une faute suffisamment grave pour justifier un licenciement.

6. D'une part, Mme A... conteste la nécessité des convocations qui lui ont été adressées par le médecin du travail dès lors que son contrat de travail était suspendu en raison de son arrêt de travail pour raison de santé et qu'elle avait été déclarée invalide catégorie deux le 14 août 2015 et inapte à occuper tout poste au sein de l'entreprise dès le 14 septembre 2015. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'inaptitude déclarée à tout poste n'était que temporaire avec un avis du médecin " à revoir le lundi 28 août 2017 " et que les convocations ont été adressées par le médecin du travail dans le cadre de l'étude d'un reclassement de la salariée. D'autre part, si Mme A... soutient que son état de santé ne lui permettait pas de se rendre à ces différentes convocations, il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui peut certes être regardée comme médicalement excusée pour son absence au rendez-vous prévu le 16 janvier 2017, a toutefois été en mesure de participer à une pré-réunion organisée entre les représentants du personnel dans l'entreprise le 19 janvier 2017. L'absence à la visite du 30 janvier 2017 est certes justifiée sur le plan médical, sans toutefois que Mme A... ait accepté les autres dates de remplacement proposées par le médecin du travail. En outre, l'hospitalisation de Mme A... le 9 février 2017 n'avait pas le caractère inattendu dont la requérante se prévaut, dès lors qu'elle avait été programmée dès le 30 janvier et que l'intéressée était ainsi en mesure de prévenir le médecin du travail ou son employeur de son absence à la convocation du 13 février 2017. Dans ces conditions, nonobstant la réalité de l'état de santé défaillant de Mme A..., cette dernière ne justifie pas de son impossibilité d'honorer l'un des rendez-vous proposés par le médecin du travail dont la consultation était requise dans le cadre de la procédure de reclassement exigée par les services de l'inspection du travail. Ainsi, et dans les circonstances de l'espèce, en décidant que Mme A... a fait obstruction à l'étude d'une mesure de reclassement et qu'une telle attitude était constitutive d'une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement de cette salariée, l'inspectrice du travail n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à partir de la fin de l'année 2012, Mme A... a procédé à des signalements auprès de l'inspection du travail quant aux pratiques de son employeur en matière de repos compensateur. Toutefois, la première demande d'autorisation de licencier l'intéressée n'a été présentée qu'en mars 2016, dans le cadre d'une procédure de reclassement à la suite des problèmes de santé qu'a connus la requérante. Le refus opposé à cette demande ne fait pas ressortir de lien avec les mandats exercés par Mme A.... Par ailleurs, il n'est pas établi par les pièces du dossier, au vu notamment du témoignage établi le 17 mai 216 par les membres du comité d'entreprise, que Mme A... aurait été empêchée d'exercer ses mandats syndicaux et que le licenciement dont l'autorisation est contestée serait en lien avec l'exercice de ceux-ci. Par suite, ce moyen doit également être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande à ce titre. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement à la société Levallois distribution d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, en l'absence de dépens exposés dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par la société Levallois distribution ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la société Levallois distribution la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Levallois distribution est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la société Levallois distribution et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2023.

La rapporteure,

M-G. BONFILSLe président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE00446 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00446
Date de la décision : 12/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-09-12;21ve00446 ?
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