Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 8 juillet 2019 par laquelle la commune de Longjumeau l'a affectée à la crèche " Les petits explorateurs " et de condamner la commune de Longjumeau à lui verser la somme de 56 487 euros au titre des préjudices subis au cours de son engagement en son sein et à raison de son licenciement.
Par un jugement n° 1908335, 2005797 du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 8 juillet 2019 et rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 décembre 2021 et 22 février 2023, Mme A... épouse C..., représentée par Me Petit, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement, rejetant le surplus de ses conclusions ;
2°) d'enjoindre à la commune de Longjumeau de retirer de son dossier administratif toutes les mentions relatives aux faits ayant fondé la décision du 8 juillet 2019, dès notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
3°) de condamner la commune de Longjumeau à lui verser la somme de 56 487 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Longjumeau le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- le tribunal a annulé la décision du 8 juillet 2019 en raison du caractère non établi des faits qui lui étaient reprochés ;
- son licenciement était insuffisamment motivé ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure méconnaissant les dispositions de l'article 42 du décret du 15 février 1988 et les droits de la défense ;
- il constitue une sanction déguisée ;
- son licenciement pour suppression de poste est entaché d'une erreur de droit ;
- son licenciement n'est pas fondé eu égard à l'absence d'impossibilité de lui confier des enfants, de l'absence de nécessité de suppression de son poste et de l'absence de refus de sa part d'un poste d'ATSEM ;
- ce licenciement lui a causé un préjudice moral, un préjudice économique et un préjudice lié à l'absence de prise en charge d'un bilan de compétence ;
- elle a été victime de harcèlement moral, ce qui lui a causé un préjudice moral.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mars 2022 et 2 mars 2023, la commune de Longjumeau, représentée par la SELARL Fayol et associés, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement du 11 octobre 2021 et au rejet de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Versailles, enfin à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel présentée par Mme C... n'est pas motivée et ne comporte pas de critique du jugement ;
- sa demande indemnitaire était tardive ;
- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés ;
- la décision du 8 juillet 2019 constitue une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de faire grief.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme C... à titre principal.
Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 30 janvier 2021 la clôture d'instruction a été fixée au 2 mars 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'action sociale et des familles ; la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Villette,
- et les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... exerçait les fonctions d'assistante maternelle depuis le 16 janvier 2006. Recrutée initialement par le centre communal d'action sociale de Longjumeau, elle a exercé ses fonctions pour le compte de la commune de Longjumeau à compter du transfert à cette commune du service " Petite enfance " par délibération du 12 octobre 2009, dans le cadre de contrats à durée déterminée, régulièrement renouvelés. Le dernier contrat de Mme C... a été conclu pour une durée de trois ans à compter du 16 janvier 2018. Placée sous l'autorité de la directrice de la crèche " Les petits explorateurs ", Mme C... accueillait à son domicile, en principe, trois enfants, et éventuellement, un enfant supplémentaire en " dépannage ". A la suite d'incidents relayés par des parents d'enfants accueillis, la commune a affecté Mme C... au sein de la crèche collective au début de l'année 2019. Par courrier du 8 juillet 2019, l'intéressée a été informée que cette affectation se poursuivrait jusqu'à la fin de son contrat. Mme C... a formé contre cette décision un recours gracieux, accompagné d'une demande préalable d'indemnisation du préjudice moral qu'elle aurait subi en raison du harcèlement moral dont elle s'estime victime.
2. Par délibération du conseil municipal du 1er octobre 2019, le poste d'assistante maternelle occupé par Mme C... a été supprimé. Mme C... a alors été informée, par lettre du 21 octobre 2019, de l'engagement d'une procédure de licenciement pour suppression de poste à son encontre. Après avis favorable de la commission consultative paritaire réunie le 28 novembre 2019, Mme C... a été licenciée par décision du 17 décembre 2019, prenant effet au 17 février 2020. Le 10 février 2020, elle a formé une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de la mesure de licenciement prise à son encontre, dont elle n'a, par ailleurs, pas sollicité l'annulation. Sa demande indemnitaire a été implicitement rejetée.
3. Par un jugement du 10 octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 8 juillet 2019 affectant Mme C... en crèche à titre définitif mais a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la commune de Longjumeau. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. La commune de Longjumeau, par la voie de l'appel incident, demande à la cour d'annuler l'article 1er de ce jugement, annulant la décision du 8 juillet 2019.
Sur la recevabilité de la requête :
4. Contrairement à ce que soutient la commune de Longjumeau, la requête d'appel de Mme C... ne se borne pas à reprendre l'argumentation qu'elle avait présentée devant les premiers juges mais comporte, outre une critique des décisions prises à son encontre par la commune de Longjumeau, une critique du jugement, notamment en ce qui concerne le rejet de ses conclusions aux fins d'injonction. Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Longjumeau doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande indemnitaire de Mme C... :
5. Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 : " Le présent titre s'applique aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu'aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ". Aux termes de l'article 7 de la même ordonnance : " Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er ".
6. Mme C... a présenté sa demande indemnitaire, relative aux préjudices nés pour elle de la décision de licenciement intervenue le 17 décembre 2019, le 10 février 2020. Si une décision aurait dû intervenir au plus tard sur cette demande le 10 avril 2020, ce délai a été suspendu en application des dispositions précitées de l'ordonnance du 25 mars 2020. Le silence gardé par l'administration sur cette demande a donc fait naître une décision implicite de rejet le 21 juillet 2020. Le délai de recours contre cette décision expirait le 22 septembre 2020. Dès lors, la commune de Longjumeau n'est pas fondée à soutenir que la demande indemnitaire de Mme C..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 8 septembre 2020, était tardive.
En ce qui concerne le licenciement de Mme C... :
7. En vertu de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, le licenciement d'un assistant maternel doit reposer sur un motif réel et sérieux.
8. En l'espèce, le licenciement de Mme C... a été prononcé à raison de la suppression de son poste d'assistante maternelle par le conseil municipal de Longjumeau le 1er octobre 2019, suppression fondée sur l'impossibilité de confier des enfants à Mme C... à son domicile et sur l'existence d'une offre de service privée sur la commune.
9. D'une part, si la commune avait justifié cette impossibilité par des plaintes reçues de parents à l'encontre de la requérante, celles-ci n'étaient pas de nature à justifier le retrait de tout enfant à titre définitif. A cet égard, si un couple a fait valoir un défaut d'alimentation suffisante de leur enfant, Mme C... a sérieusement contesté ces faits, en faisant valoir en particulier que les parents de cet enfant lui proposaient régulièrement un gâteau à la sortie de l'accueil, provoquant ainsi une habitude alimentaire chez l'enfant, de sorte que son souhait de manger au retour au domicile parental ne signifiait pas nécessairement qu'il n'aurait pas suffisamment mangé au domicile de Mme C.... Également, la plainte d'un autre couple relative au défaut de surveillance d'un enfant ayant entrainé une perte de cheveux sur l'une de ses tempes comportait plusieurs incohérences sur le déroulé des faits, de telle sorte qu'il ne peut clairement être établi que cette perte serait due à une lacune de Mme C.... En tout état de cause, après son affectation provisoire en crèche durant l'enquête menée sur ces plaintes, la directrice de la crèche a émis un avis favorable au retour à domicile de Mme C.... Les évaluations annuelles de cette dernière faisaient en outre état d'une amélioration de la prise en compte par Mme C... des besoins des enfants, comme des conseils de ses encadrants ainsi que d'un meilleur dialogue avec les parents à la date de la décision attaquée. Enfin, si la commune fait valoir qu'aucun parent ne souhaitait plus confier ses enfants à Mme C..., elle ne produit aucun élément au soutien de cette allégation. Il résulte de ce qui précède que l'impossibilité de confier des enfants à Mme C..., premier motif de la suppression de son poste, ne peut être regardée comme établie.
10. D'autre part, si la commune soutient que l'offre privée d'assistantes maternelles permettait de répondre aux besoins des parents de la commune et que cette dernière ne souhaitait pas y faire concurrence, ces déclarations sont contredites par celles de la maire de la commune lors de la réunion du comité technique du 27 septembre 2019, aux termes desquelles des recrutements étaient envisagés pour pallier les inscriptions des nouveaux arrivants eu égard aux capacités d'accueil maximum des assistantes maternelles de la commune. En outre, il en ressort que la suppression de certains postes d'assistantes maternelles était justifiée par l'absence de candidatures sur ces postes.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les motifs ayant présidé à la suppression du poste de Mme C..., fondant son licenciement, étaient entachés d'erreurs de fait. Dès lors, cette dernière est fondée à soutenir que la commune a commis une faute en procédant à cette suppression de poste et à son licenciement.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme C... à raison de son licenciement en condamnant la commune de Longjumeau à lui verser la somme de 3 000 euros.
13. Mme C... demande également à la commune de l'indemniser des pertes de revenus induites par son licenciement. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier, et notamment des bulletins de salaires de Mme C... pour la période de février 2020 à janvier 2021 que celle-ci, qui a retrouvé un emploi dès mars 2020, a perçu des revenus et une indemnité de licenciement d'un montant supérieur aux salaires et aux primes auxquels elle aurait pu prétendre en qualité d'assistante maternelle au sein de la commune de Longjumeau. Dès lors, ses conclusions présentées sur ce fondement doivent être rejetées.
14. Enfin, il ne résulte d'aucune pièce du dossier ni d'aucune disposition législative ou réglementaire que la commune aurait été tenue de prendre en charge financièrement un bilan de compétence au profit de Mme C... tant à raison de son licenciement qu'à raison de son maintien dans les effectifs. Dès lors, les conclusions de Mme C... tendant à l'indemnisation du coût de ce bilan doivent être rejetées.
En ce qui concerne le harcèlement moral :
15. Mme C... soutient qu'elle aurait été victime de harcèlement moral dès lors que la commune de Longjumeau n'aurait pas respecté les termes de son contrat en l'affectant en crèche, l'aurait fait travailler sous la surveillance de collègues moins expérimentées, aurait refusé son retour à domicile et l'aurait licenciée sans fondement et que des agents auraient tenu des propos diffamatoires à son égard.
16. Néanmoins, les propos diffamatoires allégués et l'existence d'une surveillance par des agents moins expérimentés ne sont pas établis. Par ailleurs, la commune était fondée, à la suite des plaintes reçues de parents d'enfants placés sous la garde de Mme C..., à l'affecter provisoirement en crèche le temps d'éclaircir les conditions de prise en charge de ces enfants. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'illégalité du licenciement de Mme C..., fondé sur une appréciation erronée de ses capacités de travail en autonomie, ne saurait à elle seule caractériser un harcèlement moral.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction de Mme C... :
17. Les conclusions de Mme C... tendant au retrait de son dossier des mentions relatives aux faits ayant justifié son affectation définitive en crèche, présentées à titre principal, sont irrecevables. En tout état de cause, comme l'ont justement fait valoir les premiers juges, l'annulation de cette décision n'impliquait pas nécessairement le retrait de ces mentions.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande indemnitaire et à demander la réformation du jugement.
Sur l'appel incident de la commune :
19. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
20. La commune de Longjumeau soutient que la décision du 8 juillet 2019 affectant définitivement Mme C... en crèche présentait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur. Néanmoins, s'il est constant que cette décision n'a privé la requérante d'aucun revenu, elle a entraîné pour Mme C..., recrutée comme assistante maternelle aux fins de recevoir des enfants à son domicile, une perte de responsabilité caractérisée par une perte d'autonomie dans l'exercice de ses fonctions. Dès lors, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions de Mme C... dirigées contre la décision du 8 juillet 2019.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Longjumeau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 8 juillet 2019.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Longjumeau demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La commune de Longjumeau est condamnée à verser à Mme A... épouse C... la somme de 3 000 (trois mille) euros.
Article 2 : Le jugement n° 1908335, 2005797 du 11 octobre 2021 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Longjumeau versera à Mme A... épouse C... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et à la commune de Longjumeau.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 août 2023.
La rapporteure,
A. VILLETTELe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE03354