Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, sous le n° 2202371, d'annuler l'arrêté de la préfète d'Eure-et-Loir en date du 21 avril 2022 notifié par voie postale le 10 juin 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine dans un délai de 30 jours et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, sous le n° 2203077 d'annuler l'arrêté de la préfète d'Eure-et-Loir en date du 16 août 2022 notifié le 5 septembre 2022 l'assignant à résidence et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2202371-2203077 du 22 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a renvoyé les conclusions de la requête n° 2202371 tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et les conclusions relatives aux frais de cette instance devant la formation collégiale du tribunal et a rejeté le surplus des conclusions de la requête n° 2202371 et la requête n° 2203077.
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Boureghda, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire ;
- cet arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation car il ne comporte aucun élément propre à sa situation ni considération de droit ou de fait expliquant l'impossibilité d'une exécution immédiate ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait car le récépissé fait état d'une date d'entrée en 2010 et fait état d'une demande en tant que visiteur ; le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de droit faute d'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation ;
- l'arrêté méconnait l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et les différents protocoles signés car la condition relative à la situation de l'emploi n'est pas opposable aux ressortissants tunisiens et le service de la main d'œuvre étrangère (SMOE) a émis un avis favorable ;
- l'assignation à résidence méconnait les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur d'appréciation car il vit depuis de nombreuses années en France où résident la majorité de sa fratrie et où il travaille et car son célibat ne saurait justifier la mesure d'assignation de résidence sous peine de discrimination ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la réserve d'ordre public ;
- le refus d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale et de l'absence de risque de fuite ;
Par mémoire en défense enregistré le 5 juin 2023, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et le protocole du 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mauny a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A..., ressortissant tunisien né le 16 mai 1987, est entré sur le territoire pour la dernière fois sous couvert d'un visa de type C le 20 janvier 2016 et s'est maintenu sur le territoire à son expiration. Il a sollicité le 25 octobre 2021 la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 21 avril 2022, la préfète d'Eure-et-Loir lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine dans un délai de 30 jours. Par arrêté du 16 août 2022, la préfète d'Eure-et-Loir l'a assigné à résidence. Par un jugement du 23 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a renvoyé les conclusions de la requête n° 2202371 tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et les conclusions relatives aux frais de cette instance devant la formation collégiale du tribunal et a rejeté le surplus des conclusions de la requête n° 2202371. M. B... A... doit être regardé comme demandant l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et assignation à résidence.
Sur les moyens communs aux décisions contestées :
2. Si M. B... A... soutient qu'il n'est pas justifié qu'une délégation aurait été accordée au signataire de l'arrêté du 21 avril 2022, ledit arrêté a été signé par Mme D..., préfète d'Eure-et-Loir, nommée par décret du 6 janvier 2021, et le moyen tiré de l'incompétence de son auteur doit donc être écarté.
3. L'arrêté du 21 avril 2022 vise et mentionne les stipulations et dispositions applicables à la situation de M. B... A... et comporte des éléments circonstanciés sur sa situation familiale et personnelle. Il mentionne donc les considérations de fait et de droit qui fondent les décisions qu'il comporte. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'arrêté doit donc être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
4. M. B... A... doit être regardé comme contestant la décision portant refus de titre de séjour par voie d'exception.
5. En premier lieu, les circonstances que le récépissé de demande de titre de séjour fasse état, à tort, d'une demande de titre de séjour " visiteur " et que l'arrêté mentionne la date de la dernière entrée de M. B... A... sur le territoire ne sont pas suffisantes, au regard des considérations de fait circonstanciées mentionnées dans l'arrêté, pour considérer que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation de l'intéressé. La circonstance que ledit récépissé serait entaché d'une erreur de fait ne peut en outre qu'être sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant refus de titre de séjour.
6. En deuxième lieu, si M. B... A... soutient que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit en refusant de mettre en œuvre son pouvoir de régularisation, il ressort des pièces du dossier d'une part qu'il n'a demandé son admission au séjour qu'en qualité de salarié, et qu'un tel titre, dont la délivrance est entièrement régie par les stipulations de l'article 3 franco-tunisien, n'est pas ouverte aux ressortissants tunisiens pour des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, si le préfet a examiné la situation de M. B... A... au regard de ces dispositions, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant que M. B... A... ne justifiait ni de motifs humanitaires, ni de circonstances exceptionnelles, au regard tant de l'ancienneté du séjour de M. B... A..., de sa situation personnelle et familiale et notamment des attaches dont il dispose en Tunisie, que de l'activité professionnelle dont il justifie.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ".
8. Il résulte des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 précité, qui prévoient que le titre de séjour " salarié " n'est délivré que sur la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, que les dispositions du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail demeurent applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens, la réserve prévue au point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 n'ayant pour effet que d'écarter, pour les seuls métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I de ce protocole, l'application de la condition relative à la prise en compte de la situation de l'emploi prévue par le 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A... n'a pas formulé la demande d'autorisation de travail requise par les textes précités et n'était pas titulaire d'un visa de long séjour requis dans sa situation, en application de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, et alors même que le SMOE a émis un avis favorable à sa demande, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet, qui se prévaut en appel de ces circonstances qui justifiaient le rejet de sa demande de titre de séjour, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien.
10. En quatrième lieu, si M. B... A... est fondé est soutenir que ses condamnations le 2 février 2012 par le tribunal correctionnel de Chartres à 200 euros d'amende pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et le 15 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Chartres à 35 heures de travaux d'intérêt généraux pour conduite d'un véhicule sans permis, conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et pour usage illicite de stupéfiants, ne permettent pas de le regarder comme représentant une menace pour l'ordre public, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que le préfet, qui s'est fondé essentiellement sur les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et la situation familiale de l'intéressé, n'aurait pas pris la même décision s'il n'avait pas retenu l'existence d'une telle menace.
Sur la décision fixant un délai de départ volontaire de 30 jours :
11. M. B... A... est célibataire, sans charge de famille, est entré sur le territoire pour la dernière fois en 2016 et a ses parents en Tunisie. Il ne justifie donc pas de circonstances justifiant qu'un délai supérieur à 30 jours lui soit exceptionnellement accordé.
Sur l'assignation à résidence :
12. Si le préfet a relevé dans son arrêté du 16 août 2022 que M. B... A... est célibataire et sans enfant et " que ces impératifs privés et familiaux ne font pas obstacle à ce qu'il lui soit interdit de quitter le département d'Eure-et-Loir ", cette appréciation de la situation de l'intéressé afin de déterminer l'adéquation de la mesure de surveillance ne peut être regardée comme révélant une discrimination contraire aux articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. Enfin, si M. B... A... demande l'annulation de la décision l'interdisant de retour sur le territoire français, il ne soulève aucun moyen contre cette décision autre que ceux écartés aux points 2 et 3 du présent arrêt.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de sa demande. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président-assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 août 2023.
Le rapporteur,
O. MAUNYLe président,
P.-L. ALBERTINI
La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE02393002