Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le maire de Bagneux lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions d'une durée d'un an, d'enjoindre à la commune de Bagneux de reconstituer sa carrière dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de la commune de Bagneux la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1916397 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la sanction du 6 décembre 2019 ayant exclu M. D... de ses fonctions pour une durée d'un an en tant qu'elle prend effet avant le 14 décembre 2019, a enjoint au maire de Bagneux de procéder à la reconstitution de la carrière de M. D... pour la période allant du 10 décembre 2019 au 13 décembre 2019 inclus dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2022, M. D..., représenté par Me Béguin, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le maire de la commune de Bagneux lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de ses fonctions d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre à la commune de Bagneux de reconstituer sa carrière dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Bagneux une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne mentionne pas les faits constitutifs de harcèlement moral ;
- la procédure a été irrégulière dès lors qu'il n'a pas obtenu communication de tous les témoignages recueillis par son administration et notamment celui de M. C... ;
- il est entaché d'une erreur de fait et d'erreur d'appréciation, dès lors que les faits de harcèlement moral qui lui sont reprochés ne sont pas établis, eu égard notamment au caractère douteux des témoignages recueillis, et que les faits qui lui sont reprochés ne caractérisent pas un harcèlement moral ;
- la sanction est disproportionnée ; il n'a jamais été sanctionné au cours de sa carrière et a toujours reçu de très bonnes appréciations lors de ses entretiens professionnels ; les faits reprochés ne pouvaient pas justifier une sanction du troisième groupe ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir et d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dès lors qu'elle a été prise aux fins de l'évincer alors qu'il avait dénoncé des faits constitutifs de harcèlement moral dont s'était rendue coupable sa supérieure hiérarchique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2023, la commune de Bagneux, représentée par Me Peru, avocat, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions à fin d'injonction et à ce que la période de reconstitution de carrière soit limitée du 14 décembre 2019 au 30 janvier 2020.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mauny,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Béguin pour M. D... et de Me Godemer pour la commune de Bagneux.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a été recruté par la commune de Bagneux comme agent d'entretien à compter du 1er avril 1994 et a atteint le grade d'agent de maîtrise. Il a exercé les fonctions de responsable de l'atelier et du garage municipal en 2002 avant d'être placé en surnombre à compter du 1er juillet 2016 à l'occasion d'une réorganisation des services de la commune. Il occupe depuis le 6 juin 2017 les fonctions de chef d'atelier du garage municipal, sous l'autorité d'un chef de garage. Le 10 juillet 2019, M. D... a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, l'autorité municipale ayant décidé de l'ouverture d'une enquête disciplinaire à son encontre pour des faits de harcèlement moral contre un employé du garage. Par un arrêté du 6 décembre 2019, le maire de la commune de Bagneux a exclu M. D... de ses fonctions pour une durée d'un an. Par un jugement n° 1916397 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la sanction du 6 décembre 2019 ayant exclu M. D... de ses fonctions pour une durée d'un an en tant qu'elle prend effet avant le 14 décembre 2019, a enjoint au maire de Bagneux de procéder à la reconstitution de la carrière de M. D... pour la période allant du 10 décembre 2019 au 13 décembre 2019 inclus, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. D.... M. D... doit être regardé comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " Aux termes du troisième alinéa de ce même article : " Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".
4. Pour prendre à l'encontre de M. D... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an, le maire de la commune de Bagneux s'est fondé sur la circonstance que l'enquête administrative menée par la directrice des ressources humaines (DRH) de la ville de Bagneux concluait à des faits de harcèlement moral auprès d'un des agents du garage, ce qui constituait un manquement grave à ses obligations de fonctionnaire. Le maire a retenu, dans un courrier adressé au centre interdépartemental de gestion de la petite couronne daté du 13 août 2019, reprenant les termes du rapport rendu après l'enquête interne qu'il a diligentée, que les faits reprochés à M. D... consistent, en général, en des propos désagréables sur la manière de servir, sans conseil professionnel allant de pair, des dissimulations d'informations poussant à l'erreur ou à la faute et un refus de communiquer avec ses collègues en cas de souci. Il précise que M. D... n'adressait plus la parole à M. A..., travaillant au sein de l'atelier du garage de la commune de Bagneux, hormis parfois pour le saluer le matin, qu'il lui laissait du matériel sur son bureau sans lui indiquer la tâche à accomplir, qu'il transmettait ses informations à M. A... par l'intermédiaire d'un mécanicien du garage et qu'il signalait les erreurs de M. A... directement à sa hiérarchie. Il relate également deux incidents à l'occasion desquels M. D... a dénigré le travail et l'attitude de M. A.... Il ne ressort toutefois pas précisément des pièces du dossier que M. D... aurait adopté un comportement visant à ostraciser M. A..., avec qui il a manifestement entretenu des relations amicales avant que leurs relations ne se dégradent, et en particulier qu'il se serait abstenu de lui parler en toute circonstance. Par ailleurs, la circonstance que M. D... aurait à deux reprises adressé des courriels à ses supérieurs hiérarchiques pour leur signaler les carences de M. A... dans l'accomplissement d'une réparation ou sa présence à l'extérieur de son domicile lors d'un arrêt de travail ne saurait suffire à regarder l'intéressé comme ayant, de façon répétée, cherché à dégrader les conditions de travail de M. A... et porté atteinte à ses droits et à sa dignité, altéré sa santé physique ou mentale ou compromis son avenir professionnel. Si la commune de Bagneux évoque un comportement identique avec quatre autres agents, les témoignages produits, qui ne sont pas circonstanciés, ne sont pas suffisants pour établir un tel comportement, alors que M. D... produit de son côté de nombreuses attestations ne remettant pas en cause sa manière de servir ni son comportement à l'égard de M. A..., ainsi que des évaluations ne faisant état d'aucune difficulté de management. Ainsi, en l'absence d'élément permettant d'établir que les agissements de M. D... envers M. A... pouvaient être qualifiés de harcèlement moral et étaient répétés, c'est à tort que la commune de Bagneux a pris à l'encontre de M. D... la sanction de l'exclusion temporaire d'un an.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. D..., qu'il est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2019. Il y a donc lieu de réformer le jugement du 24 mars 2022 à cet égard et d'annuler l'arrêté en litige en toutes ses dispositions.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la carrière de M. D... soit reconstituée pour la période courant du 14 décembre 2019 au 30 janvier 2020, la commune faisant valoir, sans être contredite, que M. D... a réintégré son poste le 31 janvier 2020. Il y a donc lieu d'enjoindre à la commune de Bagneux, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à cette reconstitution dans le délai de 4 mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bagneux une somme de 1 500 euros à verser à M. D... en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le maire de la commune de Bagneux a exclu temporairement M. D... pour une durée d'un an est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Bagneux de reconstituer la carrière de M. D... pour la période courant du 14 décembre au 2019 au 30 janvier 2020 dans le délai de 4 mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 24 mars 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La commune de Bagneux est condamnée à verser à M. D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la commune de Bagneux.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président-assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.
Le rapporteur,
O. MAUNYLe président,
P.-L. ALBERTINI
La greffière,
S. DIABOUGA
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE01296