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17/07/2023 | FRANCE | N°22VE00091

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 17 juillet 2023, 22VE00091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Linas à lui verser la somme de 101 677,65 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300793 du 29 novembre 2016, le tr

ibunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17VE00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Linas à lui verser la somme de 101 677,65 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable et de la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300793 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17VE00325 du 12 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.

Par une décision n° 441863 du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 janvier 2017, le 12 mai 2017 et, après cassation, le 7 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Arvis, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Linas à lui verser la somme de 101 677,65 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable et des intérêts capitalisés à chaque échéance annuelle ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Linas le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de viser l'ensemble des écritures des parties en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;

- sa demande ne peut être rejetée en raison de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt n° 17VE00324 et n° 17VE00326 de la cour du 19 décembre 2019 dès lors que cet arrêt a été annulé par le Conseil d'Etat dans sa décision du 3 février 2023 ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la commune de Verneuil-sur-Seine était responsable des préjudices dont elle demande réparation au motif que la décision du 10 février 2012 n'avait été ni retirée, ni annulée pour excès de pouvoir ; les juges de première instance ont méconnu la règle selon laquelle si une décision ne peut plus faire l'objet d'un recours en annulation, il n'en demeure pas moins que, lorsque cette décision a causé des préjudices, ceux-ci peuvent toujours être indemnisés par le biais d'un recours indemnitaire ; par ailleurs, si le retrait d'une mutation implique, par son caractère rétroactif, que l'agent soit considéré comme n'ayant jamais cessé d'être au service de la commune d'origine, cette circonstance ne signifie pas que les conséquences dommageables de cette décision ne puissent être imputées à son auteur ; l'exposante n'a pas cherché à obtenir l'indemnisation des conséquences préjudiciables de la décision du 14 décembre 2011 mais de celle du 10 février 2012 ayant prononcé le retrait de sa mutation ;

- la commune de Linas a commis une faute en retirant, par sa décision du 10 février 2012, la décision de mutation, alors que cette dernière était créatrice de droits et légale ; cette commune a donné son accord, par sa décision du 14 décembre 2011, pour la recruter par voie de mutation, la décision de mutation ne nécessitant pas, pour produire des effets aux termes de l'article 51 de la loi du 13 juillet 1983, un arrêté de radiation des cadres pris par la commune de Verneuil-sur-Seine ; la décision de mutation était donc bien acquise à la date à laquelle la décision du 10 février 2012 a été adoptée ; la décision de mutation n'était pas illégale à la date à laquelle elle a été prise ; l'exposante, qui n'avait pas été condamnée par la juridiction pénale, ni même citée devant le tribunal correctionnel, n'était pas tenue de faire état auprès de la commune de Linas des faits à raison desquels elle était poursuivie ; la condition tenant à l'absence de condamnation pénale prévue par l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 était remplie à la date de la décision de mutation ; elle n'a donc pas été l'auteur, à l'égard de la commune de Linas, d'une manœuvre dolosive qui aurait été de nature à vicier son consentement ; la commune de Linas ne peut solliciter du juge du plein contentieux indemnitaire une substitution des motifs de la décision du 10 février 2012 ; la décision du 14 décembre 2011 n'était pas entachée d'une erreur de fait dès lors que l'exposante n'était pas tenue de faire état, auprès de son administration d'accueil, de l'existence de poursuites pénales engagées à son encontre ; la décision de la recruter n'était entachée d'aucune erreur sur ses qualités essentielles malgré l'existence de poursuites pénales ; enfin, seule l'administration d'origine peut invoquer, pour refuser ou retirer son accord à une mutation, les nécessités du service, lesquelles ne permettent pas à l'autorité d'accueil de retirer sa décision de recruter l'agent par voie de mutation ; en tout état de cause, la commune de Linas ne justifie pas des nécessités du service justifiant qu'elle ne soit plus recrutée sur le poste de responsable des finances alors qu'aucun autre agent ne devait y être nommé ;

- le lien de causalité entre ses préjudices et la faute de la commune de Linas est établi ; en s'abstenant de faire état des poursuites pénales dont elle a fait l'objet, elle n'a pas commis de fautes qui seraient de nature à exonérer la commune de Linas de sa responsabilité ;

- à titre subsidiaire, si la décision du 10 février 2012 devait être considérée comme ayant pour objet de la décharger de ses fonctions de responsable financier, la commune de Linas a commis une seconde faute résultant de son refus persistant de l'affecter dans une position administrative régulière et de la rémunérer à compter du 10 février 2012 ;

- elle est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice financier résultant des pertes de rémunération entre le 1er février 2012 et le 1er février 2016, de l'absence d'avancement au septième échelon de son grade de rédacteur principal de 1ère classe ainsi que de l'absence de versement des primes de fin d'année, soit la somme de 66 667,75 euros, de son préjudice moral résultant de la situation de relégation dans laquelle elle a été placée par sa collectivité d'emploi, soit la somme de 10 000 euros, de ses troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'impossibilité d'honorer un crédit immobilier et de la nécessité de contracter des prêts à la consommation, de souscrire des prêts familiaux, de vendre des biens personnels et de réduire son train de vie normal, soit la somme de 20 000 euros, et, enfin, de son préjudice de santé résultant de l'apparition d'un syndrome anxio-dépressif, soit la somme de 5 000 euros.

Par des mémoires, enregistrés le 24 septembre 2018 et le 20 octobre 2022, la commune de Linas, représentée par Me Biville, puis par Me Batôt, avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Mme A... ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner la commune de Verneuil-sur-Seine à la garantir des condamnations mises à sa charge et de mettre à la charge de la commune de Verneuil-sur-Seine le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cour ne peut statuer sur sa responsabilité dès lors que l'arrêt n° 17VE00324 et n°17VE00326 du 19 décembre 2019, qui est revêtu de l'autorité de chose jugée, a définitivement rejeté la demande indemnitaire de Mme A... pour les fautes dont elle se prévaut à son encontre ;

- elle n'a pas commis de faute dès lors que la décision de mutation était bien illégale, étant entachée d'une erreur de fait sur les poursuites pénales engagées à l'encontre de Mme A... et ses qualités pour exercer les fonctions de responsable des finances de la commune ; la décision de mutation était également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des nécessités du service tenant à l'impossibilité d'affecter à des fonctions de responsable des finances un agent faisant l'objet de poursuites pénales ;

- la décision de retrait du 10 février 2012 était également devenue définitive, de sorte que la commune de Verneuil-sur-Seine devait nécessairement réintégrer la requérante dans ses effectifs ; Mme A... le reconnaît d'ailleurs elle-même dans le cadre de l'instance enregistrée sous les n°s 17VE00324 et 17VE00326 du 19 décembre 2019 si bien qu'elle ne saurait rechercher la responsabilité de la commune exposante pour des préjudices qui ont été causés par la commune de Verneuil-sur-Seine en l'absence de réintégration ; la décision de retrait n'est pas entachée d'un vice de procédure tiré de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire en méconnaissance des dispositions de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- elle n'a pas commis de faute, n'ayant pas déchargé Mme A... de ses fonctions ; Mme A... ne faisait pas partie du personnel de la commune, compte tenu de la disparition rétroactive de sa mutation consécutivement à la décision du 10 février 2012 ; seule la commune de Verneuil-sur-Seine, qui demeurait sa collectivité de rattachement, a commis une faute en refusant de la réintégrer dans ses effectifs ;

- sa responsabilité ne peut être engagée pour la réparation de dommages qui découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle Mme A... s'est placée elle-même et à laquelle l'administration aurait pu mettre légalement fin ;

- Mme A... n'est pas fondée à solliciter la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dès lors que les faits reprochés auraient eu pour conséquence sa révocation à l'issue d'une procédure disciplinaire dans les mois suivant sa mutation ; l'indemnité allouée doit être réduite du fait des fautes commises par Mme A... elle-même ; l'agent ayant fait l'objet de promesses non tenues ne peut se prévaloir que des préjudices moraux qui en résultent.

Par des mémoires, enregistrés le 10 mai 2019 et le 6 mars 2023, la commune de Verneuil-sur-Seine, représentée par Me Destarac, avocate, demande à la cour :

1°) de constater l'irrecevabilité des mémoires présentés par la commune de Linas ;

2°) de rejeter l'appel en garantie présentée par la commune de Linas ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... et de la commune de Linas le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les mémoires présentés par la commune de Linas, notamment la requête en intervention forcée, sont irrecevables en l'absence de délibération du conseil municipal autorisant le maire à engager de telles actions contentieuses en vertu de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales ;

- elle n'a pas commis de faute en acceptant la mutation sollicitée par Mme A... et en considérant cette mutation comme effective au 1er février 2012 ; la décision de mutation de Mme A... était légale ; la décision de mutation, qui est une décision créatrice de droits, ne pouvait être remise en cause ;

- la commune de Linas, qui était devenue sa collectivité d'accueil, était responsable de la situation administrative de Mme A... et devait prendre en compte ses arrêts maladie ; la commune exposante n'a commis aucune faute en renvoyant Mme A... vers sa commune d'accueil, dès lors qu'elle n'était plus son employeur depuis le 1er février 2012 ;

- la décision du 10 février 2012 doit s'analyser non comme une décision de retrait de la décision de mutation mais comme une décision de licenciement prise à l'encontre de Mme A... en raison de la condamnation pénale dont elle a fait l'objet ; elle n'était donc pas tenue de réintégrer Mme A... en l'absence de caractère rétroactif de la décision du 10 février 2012 ; le retrait de la décision de mutation n'emportait pas automatiquement la réintégration de Mme A... dans sa collectivité d'origine ; la réintégration de Mme A..., qui avait été radiée de ses effectifs, impliquait son recrutement qui constitue une compétence discrétionnaire de la commune ;

- elle n'a pas commis de faute en s'abstenant de mettre en œuvre une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme A... ; elle n'a eu connaissance des faits reprochés à Mme A... que le 1er février 2012 ; en tout état de cause, elle n'était pas tenue d'engager une procédure disciplinaire ;

- en tout état de cause, à supposer qu'elle s'analyse comme le retrait de la décision de recruter Mme A... en date du 14 décembre 2011, la décision du 10 février 2012 était illégale dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire et qu'elle ne pouvait être retirée en l'absence d'illégalité ; il y a lieu de constater, par voie d'exception, l'illégalité de la décision du 10 février 2012.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Janicot,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bouttier, substituant Me Bâtot, pour la commune de Linas et celles de Me Vaysse, substituant Me Destarac, pour la commune de Verneuil-sur-Seine.

Une note en délibéré, enregistrée le 12 juillet 2023, a été présentée pour la commune de Verneuil-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui occupait depuis le 1er août 2011, les fonctions de gestionnaire des finances municipales de la commune de Verneuil-sur-Seine, a postulé, le 28 novembre 2011, auprès de la commune de Linas afin d'occuper, par voie de mutation, le poste de responsable des finances de cette commune. A la suite d'un entretien qui s'est tenu le 5 décembre 2011, la commune de Linas a donné à Mme A..., par un courrier du 14 décembre 2011, son accord pour la recruter. Par un courrier du 11 janvier 2012, la commune de Verneuil-sur-Seine a donné son accord à cette mutation à compter du 1er février 2012. Par un jugement du tribunal correctionnel de Chartres du 9 janvier 2012, Mme A... a été condamnée pour abus de confiance commis dans l'exercice de précédentes fonctions auprès du comité des œuvres sociales de la commune de Lucé, sans inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Par des courriers du 10 février 2012, la commune de Linas a fait savoir au maire de Verneuil-sur-Seine et à Mme A... qu'en considération de cette condamnation, elle n'entendait plus donner suite au recrutement de Mme A... et leur a indiqué que cette dernière devait reprendre ses fonctions dans les services de la commune de Verneuil-sur-Seine. Par un jugement du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme A... tendant à la condamnation de la commune de Linas à réparer les préjudices causés par l'illégalité de sa décision du retrait du 10 février 2012. Par un arrêt du 12 décembre 2019, la cour a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement. Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur l'appel principal de Mme A... :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a visé l'ensemble des mémoires présentés par les parties à l'instance. Si Mme A... soutient que le tribunal n'a pas analysé les écritures et les moyens qui y sont soulevés, elle n'apporte aucune précision de nature à permettre d'apprécier le bien-fondé de cette affirmation, faute, en particulier, d'indiquer quels mémoires et quels moyens n'auraient pas été visés.

En ce qui concerne l'exception d'autorité de chose jugée opposée par la commune de Linas :

4. La commune de Linas soutient que l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la cour n° 17VE00324 et n° 17VE00326 du 19 décembre 2019 s'oppose à ce que Mme A... puisse introduire une nouvelle action en responsabilité devant la cour à son encontre. Il résulte toutefois de l'instruction que cet arrêt a été annulé par le Conseil d'Etat par une décision n° 441867 du 3 février 2023. Au surplus, il résulte de l'instruction que le litige qui avait donné lieu à cet arrêt concernait la commune de Verneuil-sur-Seine et portait sur la légalité de la décision du maire de cette commune refusant d'attribuer à Mme A... une affectation sur un emploi et des fonctions relevant de son grade, et non sur la légalité de la décision du maire de la commune de Linas du 10 février 2012 retirant sa décision de la recruter. Il suit de là que l'exception d'autorité de chose jugée opposée par la commune de Linas ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne les fautes commises par la commune de Linas :

5. En premier lieu, Mme A... soutient que la commune de Linas a commis une faute en retirant, par la décision du 10 février 2012, la décision de la recruter alors que ce recrutement était créateur de droits et légal.

6. Aux termes de l'article 51 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les mutations sont prononcées par l'autorité territoriale d'accueil. Sauf accord entre cette autorité et l'autorité qui emploie le fonctionnaire, la mutation prend effet à l'expiration du délai de préavis mentionné à l'article 14 bis du titre Ier du statut général. ". Aux termes de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Hormis les cas où le détachement, la mise en disponibilité et le placement en position hors cadres sont de droit, une administration ne peut s'opposer à la demande de l'un de ses fonctionnaires tendant, avec l'accord du service, de l'administration ou de l'organisme public ou privé d'accueil, à être placé dans l'une de ces positions statutaires ou à être intégré directement dans une autre administration qu'en raison des nécessités du service (...). Elle peut exiger de lui qu'il respecte un délai maximal de préavis de trois mois. Son silence gardé pendant deux mois à compter de la réception de la demande du fonctionnaire vaut acceptation de cette demande. Ces dispositions sont également applicables en cas de mutation ou de changement d'établissement sauf lorsque ces mouvements donnent lieu à l'établissement d'un tableau périodique de mutations. ". Il résulte de ces dispositions que la mutation d'un fonctionnaire territorial en dehors de sa collectivité d'origine est subordonnée, d'une part, à l'accord entre le fonctionnaire concerné et la collectivité d'accueil, d'autre part, à l'absence d'opposition de la collectivité d'origine, enfin à l'écoulement d'un délai de trois mois entre la décision de la collectivité d'accueil de recruter ce fonctionnaire et la prise de fonctions de celui-ci, à moins que les deux collectivités ne parviennent à un accord sur une date d'effet anticipée.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le maire de Linas a informé Mme A..., par un courrier du 14 décembre 2011, de son accord pour la recruter à compter du 1er février 2012 et le maire de Verneuil-sur-Seine a, par un courrier du 11 janvier 2012, donné son accord à cette mutation à compter de cette date. Il suit de là que la commune de Linas a décidé, dès le 14 décembre 2011, de recruter Mme A.... Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait seulement fait une promesse d'embauche. Par suite, la décision en litige du 10 février 2012 constitue bien une décision de retrait de la décision du 14 décembre 2011 recrutant Mme A... par voie de mutation.

8. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".

9. Pour établir le caractère illégal de la décision de recruter Mme A... en date du 14 décembre 2011, la commune de Linas soutient que cette décision était entachée d'une erreur de fait sur les poursuites pénales engagées à l'encontre de l'intéressée et d'une erreur manifeste d'appréciation dans le choix du candidat sur le poste de responsable des finances de la commune. Il résulte, toutefois, de l'instruction qu'à la date de l'édiction de sa décision de recruter Mme A... le 14 décembre 2011, la commune de Linas ne pouvait prendre en compte le jugement du tribunal correctionnel de Chartres condamnant la requérante pour abus de confiance résultant du détournement de vingt-et-un chèques pour un montant total de 49 840 euros, qui ne sera rendu que le 9 janvier 2012, ni même les poursuites pénales qui ont été engagées à son encontre par une citation du 30 décembre 2011. En outre, aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation à Mme A... d'informer la commune de Linas auprès de laquelle elle postulait de l'existence de l'enquête pénale dont elle faisait l'objet. Par ailleurs, si l'intérêt du service à ne pas maintenir Mme A... dans ses fonctions pouvait, le cas échéant, conduire la commune de Linas à engager une procédure disciplinaire en vue de mettre fin auxdites fonctions, cette collectivité ne pouvait, en revanche, retirer sa décision de recrutement du seul fait de l'existence de faits antérieurs commis par Mme A.... Il suit de là que la commune de Linas n'établit pas que sa décision de recruter Mme A... était entachée d'illégalité. Mme A... est donc fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen relatif à l'irrégularité de la procédure de retrait, que la commune de Linas a commis une faute en retirant le 10 février 2012 une décision créatrice de droits qui n'était pas illégale, alors même que ce retrait est intervenu dans le délai de quatre mois suivant son édiction.

10. En second lieu, Mme A... soutient que la commune de Linas a commis une faute en refusant de l'affecter dans une position administrative régulière et de la rémunérer à compter du 10 février 2012.

11. Toutefois, il résulte de l'instruction que le retrait de la décision de recrutement de Mme A... par la commune de Linas n'a été ni retiré ni annulé et est d'ailleurs devenu définitif. Dans ces conditions, Mme A... devait être regardée comme n'ayant jamais quitté les effectifs de la commune de Verneuil-sur-Seine. Par suite, seule la commune de Verneuil-sur-Seine était tenue, en sa qualité d'employeur de Mme A..., de l'affecter sur un emploi et de la rémunérer à compter du 10 février 2012. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la commune de Linas aurait commis une faute en s'abstenant de l'affecter dans une position administrative régulière et de la rémunérer à compter du 10 février 2012.

En ce qui concerne les préjudices indemnisables :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que le préjudice financier dont Mme A... demande réparation résulte du refus de la commune de Verneuil-sur-Seine de l'affecter sur un poste et de lui verser sa rémunération à compter du 10 février 2012, alors qu'elle était son employeur. Il en va de même des difficultés financières rencontrées par Mme A... du fait de l'absence de versement de son traitement par son employeur. Par suite, le préjudice matériel et les troubles dans les conditions d'existence subis par Mme A... du fait de l'absence de rémunération trouvent leur origine non dans l'illégalité de la décision de retrait prise par la commune de Linas mais dans le refus de la commune de Verneuil-sur-Seine de la réintégrer sur un emploi correspondant à son grade et de la rémunérer.

13. En revanche, Mme A... est fondée à soutenir que le retrait illégal de la décision de la recruter est à l'origine, compte tenu des conditions brutales dans lesquelles il est intervenu, d'un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant à ce titre la somme de 1 000 euros, tous intérêts compris. Si, afin d'atténuer sa responsabilité, la commune de Linas soutient que Mme A... a commis une faute en s'abstenant de l'informer des poursuites judiciaires dont elle faisait l'objet, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 9, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à un fonctionnaire d'informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d'une procédure de mutation de l'existence d'une enquête pénale le mettant en cause. Dans ces conditions, Mme A... ne peut être regardée comme ayant commis une faute en s'abstenant d'informer la commune de Linas, lors de son recrutement, de l'existence d'une procédure pénale en cours pour des faits d'abus de confiance dont elle faisait l'objet.

Sur les conclusions formées par la commune de Linas à l'encontre la commune de Verneuil-sur-Seine :

14. La commune de Linas demande à ce que la commune de Verneuil-sur-Seine la garantisse des condamnations mises à sa charge. Toutefois, le préjudice moral indemnisé au point 13 trouve son origine dans le seul comportement de la commune de Linas. Par suite, en l'absence de faute commise par la commune de Verneuil-sur-Seine à l'origine de ce préjudice, les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Linas à l'encontre de la commune de Verneuil-sur-Seine doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Verneuil-sur-Seine.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Linas et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Linas le versement de la somme de 2 000 euros au profit de Mme A... au titre de ces dispositions. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la commune de Verneuil-sur-Seine présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Linas est condamnée à verser la somme de 1 000 euros à Mme A....

Article 2 : Le jugement n° 1300793 du tribunal administratif de Versailles du 29 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Linas versera la somme de 2 000 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., la commune de Linas et la commune de Verneuil-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2023.

La rapporteure,

M. Janicot La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00091
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : CABINET ARVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-07-17;22ve00091 ?
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