Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2107274 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, M. E..., représenté par Me Baouz , avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le même délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me Baouz, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- il méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est fondée sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est illégale ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français est fondée sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est illégale ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Hauts-de-Seine, qui n'a pas produit de mémoire.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Pham, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., ressortissant marocain né en 1988, est entré en France pour la dernière fois en 2018, selon ses déclarations. Par un arrêté du 1er juin 2021, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement n° 2107274 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. E... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. E... relève appel de ce jugement.
Sur les moyens dirigés contre l'arrêté dans son ensemble :
2. En premier lieu, la décision a été signée par Mme A... D..., adjointe au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement de la préfecture des Hauts-de-Seine. Elle disposait, à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, d'une délégation de signature pour signer les décisions d'obligation de quitter le territoire français assorties ou non d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi ainsi que les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français, conférée par l'arrêté n° 2021-003 du 8 janvier 2021, publié au Recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine du 14 janvier 2021. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être rejeté.
3. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressée à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'elle puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressée à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. E... a été auditionné par les services de police dans le cadre de la retenue pour vérification du droit au séjour dont il a fait l'objet et au cours de laquelle il lui a été loisible faire valoir ses observations et de préciser sa situation. Il n'établit, ni même n'allègue, qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services préfectoraux des informations utiles avant que soit prise à son encontre la décision contestée. S'il soutient qu'il a été empêché de produire des documents établissant la réalité de sa situation affective et ses garanties de représentation, les dispositions précitées n'instaurent pas un tel droit, mais seulement celui de pouvoir présenter des observations, ce qu'il a fait. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu garanti par le principe général du droit de l'Union. Ainsi, le moyen soulevé à ce titre ne peut qu'être écarté.
Sur les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire :
5. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté contesté, qui indique que le requérant s'est vu délivrer un visa le 4 septembre 2018 à destination de l'Italie, qu'il se maintient depuis une date récente en France, qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'il a déclaré vivre en concubinage avec une ressortissante française, mais que la preuve d'une éventuelle vie commune avec sa compagne et la réalité de ses liens ne sont pas établis, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. E.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 12 de la même convention : " A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit. ". M. E... fait valoir qu'il vit depuis juin 2020 avec une ressortissante française qui est atteinte d'un lourd handicap et qu'il envisage d'épouser en 2022. Toutefois, les documents qu'il produit, à savoir trois courriers du service aux majeurs protégés adressés à Mme C..., qui est sous curatelle, à une adresse où il réside lui-même, l'un d'entre eux étant postérieur à l'arrêté contesté, deux documents établissant que Mme C... s'est engagée dans un processus de procréation médicalement assistée, où le nom de M. E... ne figure que de manière manuscrite, et sept attestations rédigées pour les besoins de la cause et de manière strictement identique par des membres de sa famille et des connaissances, certifiant laconiquement qu'il vit avec Mme C... depuis juin 2020 et que le mariage est prévu pour 2022, ne suffisent pas à établir la réalité de sa vie commune avec Mme C.... Il n'est pas démontré non plus, ni même allégué, que le handicap dont souffrirait Mme C..., sur lequel aucune précision n'est apportée, nécessiterait la présence du requérant à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne. Par ailleurs, M. E... n'établit pas que, ainsi qu'il le prétend, il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dès lors qu'il ne produit pas l'acte de décès de son père, ni une copie du livret de famille de ses parents. S'il se prévaut de la présence en France d'un frère, il ne justifie pas des liens qu'il entretient avec celui-ci. Il ne soutient pas avoir aucun emploi pérenne, n'avait déclaré un revenu nul au titre de l'année 2020, et a été interpellé alors qu'il conduisait un scooter sous l'emprise de stupéfiants sans assurance, ni permis. Au vu de ces éléments, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation. Par ailleurs, cet arrêté, qui n'a ni pour objet ni pour effet de lui interdire de se marier, n'a pas davantage méconnu son droit au mariage consacré à l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les moyens dirigés contre la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, si M. E... fait valoir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est fondée sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, elle-même illégale, il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. E... s'est maintenu irrégulièrement en France après l'expiration de son visa. Le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est donc justifié, peu important qu'il soit détenteur d'un passeport. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, sa relation avec Mme C... n'est pas de nature à entacher cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les moyens dirigés contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
9. En premier lieu, si M. E... fait valoir que la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français est fondée sur la décision lui refusant un délai de départ volontaire et celle l'obligeant à quitter le territoire français, elles-mêmes illégales, il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612 6 et L. 612 7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il résulte des dispositions précitées que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
11. En l'espèce, le préfet des Hauts-de-Seine a pris à l'encontre de M. E... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Si le requérant se prévaut de sa relation avec Mme C..., celle-ci ne saurait constituer une circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé de l'interdiction de retour sur le territoire français au sens des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point précédent. En raison de son maintien irrégulier sur le territoire français après expiration de son visa, de sa dernière entrée en France en 2018, du caractère récent de sa relation avec Mme C... et de ce que l'existence d'une vie commune n'est pas établie, la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, d'une année, n'est pas disproportionnée. Pour les mêmes motifs, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
M. Tar, premier conseiller,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.
La rapporteure,
C. PHAM La présidente,
O. DORIONLa greffière,
S. LOUISERELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 22VE00615