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11/07/2023 | FRANCE | N°21VE02153

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 11 juillet 2023, 21VE02153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Mercure Finances a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1813192 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés

les 21 juillet et 20 décembre 2021, la SAS Mercure Finances, représentée par Me Canis, avocat, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Mercure Finances a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1813192 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juillet et 20 décembre 2021, la SAS Mercure Finances, représentée par Me Canis, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'administration fiscale a engagé une vérification de comptabilité de la société luxembourgeoise Rosh Development sans l'en informer et ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, le principe d'indépendance des procédures et les droits de la défense, la privant de garanties substantielles ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en motivant la proposition de rectifications par des allégations non établies ;

- à titre subsidiaire, sur le fond, en se fondant sur une prétendue communauté d'intérêts entre les sociétés Rosh Development et Mercure Finances, le tribunal a inversé la charge de la preuve ; l'administration fiscale n'établit pas que les prestations facturées par la société luxembourgeoise Rosh Development n'avaient pas d'intérêt commercial pour la SAS Mercure Development ; il est établi que cette société est intervenue pour réaliser des études de marché, la conseiller et l'accompagner sur la réflexion d'une stratégie internationale, apporter de nouveaux clients et identifier des partenaires et relais locaux pour traiter les dossiers de la société ;

- la majoration n'est pas justifiée ; en se bornant à affirmer que M. A... était le dirigeant commun de deux sociétés, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de son intention d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Mercure Finances ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 janvier 2022, l'instruction a été close le 28 janvier 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tar,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Mercure Finances, qui exerce une activité de recouvrement de créances, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses exercices clos en 2013 et 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale lui a proposé, selon la procédure de rectification contradictoire, des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés, au titre de ces deux exercices, portant sur des charges de prestations de services de la société de droit luxembourgeois Rosh Development SA. La SAS Mercure Finances relève appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, le service vérificateur a régulièrement obtenu des informations sur la société Rosh Development dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale adressée aux autorités fiscales luxembourgeoises. Les moyens tirés de ce que, ce faisant, l'administration fiscale aurait irrégulièrement engagé une procédure de vérification de comptabilité de la société de droit luxembourgeois Rosh Development ne peuvent qu'être écartés.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

4. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée par l'administration fiscale à la SAS Mercure Finances en date du 22 décembre 2016 comporte la désignation de l'impôt sur les sociétés, les exercices rectifiés, cite les dispositions de l'article 39 du code général des impôts, comporte la liste des versements de la société Rosh Development que l'administration fiscale considère comme dépourvues d'intérêt pour la SAS Mercure Finances et la qualification de ces transactions comme acte anormal de gestion. Cette motivation a permis à la SAS Mercure Finances de formuler utilement ses observations et de contester les rectifications proposées. Cette proposition de rectifications est suffisamment motivée au vu des exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Si la société requérante fait valoir que l'administration n'apporte pas la preuve des faits qu'elle avance, ce moyen relève de l'appréciation du bien-fondé des impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...). ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

6. Pour justifier de la réalité des prestations réalisées par la société Rosh Development, la SAS Mercure Finances fait valoir qu'elle a conclu avec la société de droit luxembourgeois Rosh Development un contrat de prestation de services par lequel cette société s'est engagée à réaliser pour son compte des prestations d'études de marché sur le recouvrement dans chaque pays européen, la conseiller et l'accompagner sur la réflexion d'une stratégie internationale, lui apporter de nouveaux clients et identifier des relais et partenaires locaux. Elle produit une liste de clients basés à l'étranger, ainsi que quelques échanges de courriels, extraits de comptabilité et factures, relatifs essentiellement au client Mercedes Benz. En se bornant à produire ces pièces, alors que la société Rosh Development, constituée à une adresse de domiciliation, n'a ni locaux, ni salariés, que M. A..., également dirigeant majoritaire de la SAS Mercure Finances, en est l'administrateur délégué, en charge de la direction opérationnelle, que l'activité d'apporteur d'affaires de M. A... exercée pour la société Mercure Finances n'est pas dissociable de celle de la société luxembourgeoise, que le contrat de prestation de services destiné à " s'associer à une structure présente sur les marchés internationaux " a été conclu dès la création de la société Rosh Development, et que l'activité de recouvrement de créances de la SA Mercure Finances est réalisée en France pour la filiale française du client allemand Mercedes Benz, la SAS Mercure Finances ne justifie pas de la réalité de la prestation fournie, ni par suite du principe ni du montant des charges figurant dans sa comptabilité dont la déductibilité a été refusée par l'administration fiscale. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale en a refusé la déductibilité.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressée d'éluder l'impôt.

8. En relevant que, M. A... étant à la fois dirigeant de la SAS Mercure Finances et de la société Rosh Development, la SAS Mercure Finances ne pouvait ignorer que la société Rosh Development ne disposait pas des moyens matériels pour réaliser les prestations facturées, que ces prestations étaient en réalité réalisées en France par son propre dirigeant et qu'elle n'avait dès lors aucun intérêt à supporter ces charges, l'administration fiscale établit, comme elle en a la charge, l'intention délibérée de la SAS Mercure Finances d'éluder l'impôt.

9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Mercure Finances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Mercure Finances est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Mercure Finances et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.

Le rapporteur,

G. TARLa présidente,

O. DORIONLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE02153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02153
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : CABINET SCP CANIS LE VAILLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-07-11;21ve02153 ?
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