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27/06/2023 | FRANCE | N°22VE02651

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 27 juin 2023, 22VE02651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2022 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2207047 du 25 octobre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versaille

s a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2022 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2207047 du 25 octobre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, M. A... C..., représenté par Me Qnia, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance attaquée ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français lui a été notifiée sans l'assistance d'un interprète ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors que le préfet a indiqué qu'il serait entré sur le territoire français de manière irrégulière ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation qui découle de cette erreur de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, dès lors qu'il remplit les conditions prévues par cette convention pour se voir attribuer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment du fait de son insertion professionnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il n'existe aucun risque de fuite, l'ensemble de ses intérêts moraux et professionnels se trouvant en France ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement et de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire qui en constituent le fondement ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet d'avoir fait application des critères prévus par cet article.

Des pièces ont été produites par le préfet des Yvelines le 11 janvier 2023.

Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 avril 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 23 mai 2023, les parties ont été informées que la cour était susceptible de substituer d'office, comme base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire attaquée, les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux dispositions du 1° de cet article et, comme base légale de la présomption de risque de fuite instituée par les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions du 2° de cet article à celles du 1° de cet article.

Par un mémoire en réponse au moyen soulevé d'office enregistré le 26 mai 2023, M. A... C... conclut comme précédemment, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique ;

- le rapport de M. Tar,

- et les observations de Me Qnia, pour M. A... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... C..., ressortissant marocain né le 29 mars 1985, entré en France avec un visa de court séjour dont la durée de validité du 26 décembre 2019 au 23 février 2020 a été prolongée jusqu'au 13 avril 2020, a été interpellé le 16 septembre 2022 lors d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du même jour, le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... C... relève appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. M. A... C... soutient que la décision contestée lui a été notifiée en l'absence d'un interprète. Toutefois, les conditions de notification d'une décision administrative sans incidence sur sa légalité. Il en résulte que la circonstance, à la supposer avérée, que l'arrêté litigieux lui aurait été notifié en français et non en arabe et sans l'assistance d'un interprète, alors qu'il " ne maîtrise pas la langue française tant dans son expression que dans son écriture " est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.

3. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que, pour faire obligation à M. A... C... de quitter le territoire français, le préfet des Yvelines s'est fondé sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a retenu que l'intéressé ne justifie pas être rentré régulièrement sur le territoire français, ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Dès lors, l'arrêté en litige mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, ainsi, suffisamment motivé, alors même que ces motifs seraient erronés. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée n'aurait pas été précédée de l'examen de la situation particulière de M. A... C.... Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté contesté, M. A... C... était titulaire d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles en cours de validité à la date de son entrée en France et dont la durée de validité a été prolongée par les autorités françaises. Par suite, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

8. En l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de M. A... C..., trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français après l'expiration de son visa et plus de trois mois après son entrée, sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré, M. A... C... se trouvait dans la situation où, en application de ces dispositions, le préfet pouvait décider de lui faire obligation de quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

9. Si M. A... C... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Yvelines aurait pris la même décision s'il ne s'était pas mépris sur les conditions d'entrée en France de l'intéressé.

10. M. A... C..., qui n'a pas présenté de demande de titre de séjour, ne soutient pas utilement que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi.

11. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

12. Si M. A... C... soutient qu'il réside en France depuis plus de deux ans, qu'il occupe un emploi de carrossier en contrat à durée indéterminée depuis le 3 janvier 2022 et qu'il dispose d'un logement stable, sa présence en France et son intégration professionnelle étaient très récentes à la date de la décision contestée. Par ailleurs, M. A... C..., qui se prévaut pour seules attaches familiales en France de la présence de son frère, n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident ses parents, ainsi que son enfant mineur. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise en méconnaisse des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

13. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

14. Le préfet s'est appuyé sur la présomption légale résultant des dispositions du 1° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'applique lorsque l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Dès lors qu'ainsi qu'il a déjà été dit, M. A... C... justifie de son entrée régulière en France, il y a lieu de substituer à cette base légale celle des dispositions du 2° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa. Par ailleurs, il résulte du procès-verbal d'audition en date du 16 septembre 2022 que M. A... C... n'envisage pas de retourner au Maroc. En se bornant à faire état de son intégration professionnelle en France et de son bail de location, M. A... C... ne justifie pas de circonstances particulières susceptibles de faire obstacle à la présomption légale prévue par les dispositions précitées. Dans ces conditions, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 15 du présent arrêt, que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire seraient illégales. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions, qui en constituent le fondement, doit être écarté.

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas, pour fixer la durée de l'interdiction de retour qu'il a infligé à M. A... C..., tenu compte des critères prévus par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu ces critères doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2023.

Le rapporteur,

G. TARLa présidente,

O. DORIONLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 22VE02651


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02651
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : QNIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-27;22ve02651 ?
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