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22/06/2023 | FRANCE | N°20VE02177

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 22 juin 2023, 20VE02177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... et Mme F... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à leur verser la somme de 225 360,20 euros en réparation de leurs préjudices résultant de travaux publics de voirie, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802

367 du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... B... et Mme F... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à leur verser la somme de 225 360,20 euros en réparation de leurs préjudices résultant de travaux publics de voirie, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802367 du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 24 août 2020 et le 24 mai 2022, M. et Mme A... B..., représentés par Me Porcherot, avocate, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 260 519,87 euros en réparation de leurs préjudices, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2018 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les travaux de voirie ont endommagé leur mur ; si la responsabilité de l'Etat en matière de dommage de travaux publics est susceptible d'être engagée sans faute, une faute a été commise en lien direct avec leur préjudice ;

- la prescription n'est pas acquise, celle-ci ayant commencé à courir à compter du dépôt du rapport d'expertise judiciaire ; ce n'est que dans le cadre de l'expertise que le dommage s'est révélé dans son ampleur et ses conséquences et qu'il a été connu ;

- ils n'ont pas renoncé à agir à l'encontre de la ville de Champlan et de l'Etat ;

- rien ne permet de remettre en cause les conclusions de l'expert, ce dernier s'étant prononcé au vu de toutes les pièces ;

- ils ont été dans l'incapacité financière de réaliser les travaux pour lever l'arrêté de péril ;

- ils sont contraints de vivre dans une loge de concierge et l'état de santé de l'exposante s'est dégradé ; les retentissements sur leur vie de famille et leur moral ont été ainsi très importants ; leurs préjudices s'élèvent aux sommes de 87 459,60 euros TTC au titre des travaux de reprise du mur selon le devis de la société Setber approuvé par l'expert judiciaire, de 50 000 euros pour le préjudice moral, de 92 184,40 d'emprunt immobilier, de 5 733 euros de taxe foncière et de 123,38 euros d'abonnement à l'eau, au titre du préjudice de jouissance, de 10 000 euros au titre des honoraires d'avocat, de 10 000 euros au titre des honoraires d'expert amiable et de 5 019,42 au titre des frais d'expertise judiciaire.

Par deux mémoires, enregistrés respectivement le 8 décembre 2020 et le 15 juin 2022, la commune de Champlan, représentée par Me Landot, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et, en tout état de cause, de la mettre hors de cause ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme A... C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'action des consorts A... B... est prescrite dès lors que le délai de la prescription quadriennale a commencé à courir le 1er janvier 1994 ou même le 1er janvier 1977 ;

- à titre subsidiaire, aucune réclamation préalable ne lui a été adressée ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que les travaux à l'origine du dommage des requérants ont été réalisés en 1976 par les services de l'Etat ;

- elle ne s'est jamais engagée à prendre à sa charge les travaux de réparation du mur ;

- à titre plus subsidiaire, les requérants ont accepté la situation de risque née de l'état de leur mur ; ils ont également négligé de réaliser les travaux provisoires prescrits au cours de l'expertise ;

- leur préjudice moral et leurs troubles de jouissance ne sont pas justifiés ; les dépenses dont ils demandent réparation au titre des troubles de jouissance ne sont pas liées aux dommages subis par le mur ; la demande au titre des frais d'avocat fait doublon avec l'octroi de frais irrépétibles ; les honoraires d'expertise amiable ne sont pas justifiés ; les frais de la seconde expertise sollicitée par les époux A... C... ont été mis à leur charge par le tribunal administratif.

Par une ordonnance du 25 mai 2022, le clôture de l'instruction a été fixée au 15 juin 2022.

Par un courrier du 1er juin 2023, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que le mur constituant une dépendance de l'ouvrage public constitué par le Chemin de la Butte, les époux A... C... sont sans qualité pour demander réparation des travaux visant à sa reconstruction.

Par un mémoire, enregistré le 7 juin 2023, M. et Mme A... B... ont, d'une part, présenté des observations sur ce moyen et, d'autre part, formé de nouvelles conclusions, ainsi présentées postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- les observations de Me Porcherot, pour M. et Mme A... B... et celles de Me Polubocsko, substituant Me Landot, pour la commune de Champlan.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... B..., qui sont propriétaires depuis 2011 d'une maison située à Champlan (Essonne), relèvent appel du jugement du 9 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices ayant résulté pour eux de travaux publics de voirie effectués par ses services en 1977 et qui ont endommagé le mur de clôture séparant leur propriété de la voirie communale.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du coût des travaux de reconstruction du mur :

2. La circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage. Si tel est le cas, la collectivité propriétaire de l'ouvrage public est responsable des conséquences dommageables causées par cet élément de l'ouvrage public.

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le mur de clôture de la propriété de M. et Mme A... C... soutient l'ouvrage public constitué par la voie communale qui passe en surplomb et constitue, par suite, un accessoire indispensable de cet ouvrage. Ainsi, à supposer même qu'il soit implanté sur un terrain privé appartenant aux requérants, ce mur de soutènement revêt le caractère d'une dépendance d'un ouvrage public. Il suit de là que le coût de reconstruction du mur litigieux, qui est un ouvrage public de la commune, ne constitue pas un préjudice propre dont M. et Mme A... C... seraient fondés à demander réparation.

4. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leurs conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité au titre du coût des travaux de reconstruction du mur.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation des autres préjudices :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". L'article 2 de cette loi dispose par ailleurs que : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ". Enfin, aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

6. Il résulte de la combinaison des dispositions citées ci-dessus que la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de la prescription quadriennale. Le point de départ de cette prescription est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'ancien propriétaire de la maison achetée par les époux A... B... le 10 mai 2011, a adressé, le 8 septembre 1993, au maire de Champlan un courrier dans lequel il indique que le mur de clôture de sa propriété menace de s'effondrer à la suite de divers aménagements effectués sur le Chemin de la Butte depuis le début des années 1970 et dans lequel il demande au maire d'interdire la circulation des poids lourds à cet endroit, d'enlever les terres inconséquemment accumulées dans le fossé et de reprendre les murs et murets avant qu'ils ne s'effondrent. Il résulte également de l'instruction que l'ancien propriétaire a rencontré le maire et l'un de ses collaborateurs le 17 septembre 1993 et qu'il a réitéré sa demande du 8 septembre 1993 par un courrier en date du 22 décembre 1993. Il suit de là que, alors même que la personne morale à l'origine des travaux de voirie ayant gravement fragilisé le mur de clôture en litige n'était pas alors précisément identifiée et que l'imputabilité des désordres aux travaux de voirie réalisés par les services de l'Etat ne sera établie que par le rapport d'expertise judiciaire déposé le 10 février 2017, l'ancien propriétaire disposait, dès cette époque, d'une connaissance suffisante de l'existence et de l'étendue du dommage, ainsi que d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pouvait être imputable au fait de l'administration. Par ailleurs, si les époux A... C... soutiennent que seul le rapport d'expertise judiciaire du 10 février 2017 a permis de connaître la nature exacte et l'étendue du préjudice, au caractère évolutif, il résulte de l'instruction que ce rapport n'a fait que confirmer le risque d'effondrement du mur qui était déjà connu de l'ancien propriétaire dès 1993, ainsi qu'il résulte des mentions du courrier du 8 septembre 1993. Ainsi, le délai de prescription de quatre ans a commencé à courir à compter du 1er janvier 1994 en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968. La prescription quadriennale était ainsi acquise le 31 décembre 1997, sans qu'y fasse obstacle la vente du bien immobilier aux époux A... B... le 10 mai 2011. Au demeurant, l'acte de vente mentionne la " transformation du mur de clôture en un mur de soutènement réalisé par la municipalité " et le " risque d'effondrement " qui en résulte et indique que les époux A... B... ont pris connaissance du courrier du 8 septembre 1993 adressé par le vendeur à la commune de Champlan ainsi que du constat d'huissier du 26 octobre 1995. Ainsi, les époux A... B... ont, en tout état de cause, été informés de l'état du mur et ont entendu en faire leur affaire personnelle.

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions susvisées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Champlan présentées au titre de ces dispositions.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. et Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Champlan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera M. et Mme A... B..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Champlan.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

G. Camenen

La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°20VE02177 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02177
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SELARL LANDOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-22;20ve02177 ?
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