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22/06/2023 | FRANCE | N°20VE01206

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 22 juin 2023, 20VE01206


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Divercities a demandé au tribunal administratif de Montreuil, sous le n° 1803993, d'annuler l'accord-cadre portant sur une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage dans la mise en œuvre de l'agenda d'accessibilité programmée pour l'ensemble du patrimoine commercial de Plaine Commune Habitat conclu le 1er mars 2018 entre l'office public Plaine Commune Habitat et la société Acceo et, sous le n° 1806364, d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation indemnitaire préalable du 26

avril 2018 tendant à obtenir la réparation du préjudice résultant de son évic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Divercities a demandé au tribunal administratif de Montreuil, sous le n° 1803993, d'annuler l'accord-cadre portant sur une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage dans la mise en œuvre de l'agenda d'accessibilité programmée pour l'ensemble du patrimoine commercial de Plaine Commune Habitat conclu le 1er mars 2018 entre l'office public Plaine Commune Habitat et la société Acceo et, sous le n° 1806364, d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation indemnitaire préalable du 26 avril 2018 tendant à obtenir la réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière de cette consultation, et de condamner l'office à lui verser la somme de 133 668 euros en réparation de son éviction irrégulière, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1803993 et n° 1806364 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes et a mis à la charge de la société Divercities le versement de la somme de 1 500 euros à l'office public Plaine commune Habitat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2020, la société Divercities, représentée par Me Bouhalassa, avocat, demande à la cour :

1°) d'ordonner, avant dire droit, à l'office public Plaine Commune Habitat de produire le rapport d'analyse des offres notamment les parties de ce rapport relatives à la cohérence des prix de la société Acceo ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet accord-cadre ;

4°) de condamner l'office public Plaine Commune Habitat à lui verser la somme de 133 668 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de son recours indemnitaire et capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'office public Plaine Commune Habitat le versement de la somme de 1 500 euros, au titre de la première instance, et de la somme de 3 000 euros au titre de l'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire qui n'inclut pas la réalisation des plans de l'existant ; les erreurs d'appréciation commises par le tribunal entachent le jugement attaqué d'irrégularité ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'insuffisante définition de ses besoins par le pouvoir adjudicateur, entachant son jugement d'erreur d'appréciation et d'irrégularité ;

- l'offre de la société Acceo était irrégulière car incomplète dès lors qu'elle ne comportait pas la réalisation des plans des existants, prestation incombant pourtant au titulaire du marché selon les pièces de la consultation et la réponse donnée par l'office à la question posée sur ce point par l'exposante ; l'office public a également méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats dès lors que la société attributaire a nécessairement pu présenter une offre de prix inférieure à la sienne en s'abstenant d'inclure dans le prix du marché la réalisation de ces plans ; classée deuxième, elle aurait emporté le marché si l'offre de la société Acceo avait été écartée comme elle aurait dû l'être ;

- l'office public n'avait pas défini, de manière suffisamment précise, l'étendue de ses besoins en informant les candidats seulement sur le classement des locaux inclus dans la programmation Ad'Ap en 4ème ou 5ème catégorie d'établissements recevant du public ; les candidats auraient dû disposer d'informations sur la nature des activités, la surface en m² et la localisation des établissements recevant du public pour lesquels une demande d'autorisation de travaux serait adressée ; l'exposante a d'ailleurs interrogé l'office public sur le listing du patrimoine concerné ; l'insuffisante définition des besoins du pouvoir adjudicateur l'a contrainte à déposer une offre ne reflétant pas la réalité des prix qu'elle propose habituellement ; cette irrégularité, qui l'a nécessairement lésée, justifie l'annulation du marché ;

- elle avait des chances sérieuses d'emporter le marché si le pouvoir adjudicateur n'avait pas commis ces irrégularités ; elle doit être indemnisée du préjudice subi qu'elle évalue à la somme de 133 668 euros correspondant à la marge nette bénéficiaire qu'elle aurait réalisée sur le marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2021, l'office public Plaine Commune Habitat, représenté par Me Cayla-Destrem, avocate, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la société Divercities le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier du 6 avril 2023, le magistrat rapporteur a invité la société Divercities à produire tout élément permettant d'établir son taux de marge nette et tous éléments permettant d'établir le taux de marge nette habituel pour ce type de marché.

Par un mémoire, enregistré le 21 avril 2023, la société Divercities a répondu à cette mesure d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Janicot,

- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 20 décembre 2017, l'office public Plaine Commune Habitat a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un accord-cadre ayant pour objet l'assistance à maîtrise d'ouvrage dans la mise en œuvre de l'agenda d'accessibilité programmée pour l'ensemble du patrimoine commercial de l'office. Par un courrier du 9 février 2018, l'office public Plaine Commune Habitat a informé la société Divercities du rejet de son offre, de son classement en deuxième position et de l'attribution du marché à la société Acceo. La société Divercities fait appel du jugement du 27 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'accord-cadre conclu le 1er mars 2018 et à la condamnation de l'office public Plaine Commune Habitat à lui verser la somme de 133 668 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction, qu'elle estime irrégulière, de cette procédure.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la société Divercities soutient que les motifs pour lesquels le tribunal administratif a écarté ses moyens tirés de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire et de l'insuffisante définition des besoins par le pouvoir adjudicateur sont entachés d'erreurs d'appréciation, de tels moyens sont relatifs au bien-fondé du jugement attaqué et sont sans incidence sur sa régularité. Par suite, ils doivent être écartés comme inopérants.

Sur les conclusions tendant à contester la validité de l'accord-cadre litigieux :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.

4. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ". Aux termes de l'article R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation, alors applicable : " Les établissements sont, en outre, quel que soit leur type, classés en catégories, d'après l'effectif du public et du personnel. L'effectif du public est déterminé, suivant le cas, d'après le nombre de places assises, la surface réservée au public, la déclaration contrôlée du chef de l'établissement ou d'après l'ensemble de ces indications. (...). Les catégories sont les suivantes : (...) 4e catégorie : 300 personnes et au-dessous, à l'exception des établissements compris dans la 5è catégorie ; / 5e catégorie : établissements faisant l'objet de l'article R. 123-14 dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre minimum fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d'exploitation. ".

6. Il résulte de l'instruction que l'office public Plaine Commune Habitat a informé les candidats dans l'avis d'appel public à la concurrence, le cahier des clauses administratives particulières et le cahier des clauses techniques particulières, du nombre d'établissements recevant du public faisant l'objet de l'accord-cadre, à savoir cent cinquante-huit locaux, et de la périodicité selon laquelle ces établissements devraient être mis en conformité pendant les quatre années d'exécution de l'accord-cadre. Par ailleurs, les pièces de la consultation indiquaient précisément les différentes missions attendues de l'assistant à maîtrise d'ouvrage. Enfin, le bordereau des prix unitaires, annexé à l'acte d'engagement, demandait aux candidats de préciser le prix unitaire proposé pour les demandes d'autorisation de travaux, avec ou sans demandes de dérogations, pour des locaux de quatrième et cinquième catégories. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 123-19 du code de la construction de l'habitation que les catégories d'établissements recevant du public sont définies en fonction du nombre de personnes susceptibles d'être accueillies dans les locaux et leur surface, sans considération pour la nature des locaux. Par suite, l'office public Plaine Commune Habitat a défini de manière suffisamment précise ses besoins en se référant aux catégories d'établissements recevant du public, telles que visées par l'article R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation, dans lesquels le titulaire serait conduit à exercer ses missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Par ailleurs, la circonstance que d'autres personnes publiques, ayant lancé des procédures en vue de passer des contrats ayant le même objet, aient mentionné, dans le dossier de consultation, la superficie des locaux, leur nature et la liste des établissements, n'est pas de nature à établir que les besoins auraient été définis de manière imprécise par le pouvoir adjudicateur dans la procédure en litige. Par suite, le manquement tiré de l'insuffisante définition de ses besoins par le pouvoir adjudicateur doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. - L'acheteur vérifie que les offres qui n'ont pas été éliminées en application du IV de l'article 43 sont régulières, acceptables et appropriées. Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu'elle est incomplète ou qui méconnaît la législation applicable (...). II. - Dans les procédures d'appel d'offres et les procédures adaptées sans négociation, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. ". Est notamment irrégulière une offre qui ne respecte pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation.

8. Il résulte de l'instruction et, notamment, des termes de l'article 2.4 du cahier des clauses techniques particulières de la consultation, que les candidats devaient réaliser une mission de maîtrise d'œuvre qui incluait en particulier la réalisation des dossiers de demandes d'autorisations de travaux (ACAM) sur des locaux faisant l'objet d'une programmation de mise en conformité au titre de l'Ad'Ap. En vue de constituer ces dossiers, le futur titulaire du marché devait notamment élaborer un dossier projet comprenant les plans des existants, les plans côtés du projet, la notice descriptive du projet et le coût estimatif des travaux. Cette stipulation indiquait expressément que les plans des existants avant travaux devaient être réalisés par le titulaire du marché. Ce dernier devait, aux termes des livrables, remettre au maître d'ouvrage, " un dossier strictement conforme à la réglementation " prêt à être déposé " auprès des administrations concernées. Le formulaire Cerfa 13824*03 prévoyait notamment au titre des pièces jointes au formulaire de demande la production d'un plan de situation. Il résulte, en outre, de l'instruction que l'office public Plaine Commune Habitat a précisé, en réponse à la question posée par la requérante, que les plans des existants étaient " à produire en totalité " par le titulaire. Or, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'analyse des offres que la société Acceo n'avait pas inclus dans son offre la réalisation des plans existants, indiquant qu'elle ferait l'objet " d'une prestation supplémentaire ". Par ailleurs, l'offre de la société Acceo prévoyait, selon les écritures de l'office public Plaine Commune Habitat, que les " plans des bâtiments devaient impérativement être fournis par la maîtrise d'ouvrage " et qu'à " défaut, la réalisation de ceux-ci pourra faire l'objet d'une mission complémentaire ". Il suit de là que l'offre de la société Acceo ne prévoyait pas de réaliser les plans des existants dans le dossier projet des demandes d'autorisations de travaux, prestation pourtant obligatoire aux termes du dossier de consultation. La circonstance que le bordereau de prix unitaires ait été intégralement renseigné par la société Acceo ne suffit pas à établir, au vu des mentions contraires figurant dans son offre et dans le rapport d'analyse des offres, que son offre incluait cette mission sans coûts supplémentaires et, par suite, répondait aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières. En conséquence, en attribuant le marché litigieux à la société Acceo, dont l'offre était irrégulière, l'office public Plaine Commune Habitat a méconnu les exigences de l'article 59 du décret du 25 mars 2006. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre à Plaine Commune Habitat la production du rapport d'analyse des offres, la société Divercities est fondée à soutenir que la procédure d'attribution du marché est irrégulière.

9. Toutefois, si le marché litigieux a été attribué à une société dont l'offre devait être écartée, ce vice, en l'absence de circonstances particulières, et notamment d'éléments révélant une volonté de la commune de favoriser cette société, n'est pas d'une gravité telle qu'elle implique que soit prononcée l'annulation du contrat. Par ailleurs, si la validité de ce marché est affectée par les conditions de sa passation, sa résiliation n'a, en tout état de cause, plus d'objet dès lors qu'il a été entièrement exécuté. Il en résulte que les conclusions de la société Divercities tendant à son annulation doivent être rejetées.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Divercities n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'accord-cadre signé entre l'office public Plaine Commune Habitat et la société Acceo.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

12. Lorsqu'il est saisi par une entreprise qui a droit à l'indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l'attribution d'un marché, il appartient au juge d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain. Dans le cas où le marché est susceptible de faire l'objet d'une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d'éventuelles reconductions.

13. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que l'offre de la société Acceo aurait dû être écartée en raison de son irrégularité et que l'offre de la société Divercities, qui était classée en deuxième position, a été irrégulièrement évincée du marché. Eu égard à la note de 30,92 sur 60 qu'elle a obtenue sur le critère du prix des prestations et la note de 40 sur 40 qu'elle a obtenue sur la valeur technique, la société Divercities avait des chances sérieuses d'emporter le marché. Elle peut donc prétendre à être indemnisée de son manque à gagner, lequel est déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu'aurait procuré ce marché à l'entreprise. A cet égard, la société requérante soutient, sans être contredite par l'office public Plaine Commune Habitat, que la marge nette moyenne des entreprises intervenant dans le conseil en ingénierie, selon les données de l'INSEE publiées en 2020, s'élève à 7,2 %. En revanche, si elle allègue que ce taux de marge s'élève à 20 % dans le domaine de l'accessibilité où les compétences sont rares, elle ne produit aucune pièce permettant de l'établir. Par ailleurs, la société Divercities calcule le montant de l'indemnisation qui lui est due sur la base de son chiffre d'affaires de 445 560 euros correspondant aux prestations de conseil demandées sur les cent cinquante-huit établissements recevant du public concernés qu'elle aurait réalisées sur la durée totale du marché, soit quatre ans. Il résulte toutefois de l'instruction que l'accord-cadre faisant l'objet de la procédure de passation litigieuse était conclu pour une période d'exécution initiale de douze mois, renouvelable trois fois. Le manque à gagner susceptible de donner lieu à indemnisation pour la société Divercities ne pouvait revêtir de caractère certain que pour la période initiale d'un an. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner subi par la société Divercities sur une année en l'évaluant sur le fondement d'un taux de marge nette de 15 %, tenant compte de la spécificité des prestations objet du marché, appliqué à une année de commandes, soit 75 000 euros selon le montant prévisionnel figurant sur l'acte d'engagement, soit à la somme de 11 250 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Divercities, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens demandés par l'office public Plaine Commune Habitat. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'office public Plaine Commune Habitat au profit de la société Divercities la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1803993 et n° 1806364 du tribunal administratif de Montreuil du 27 février 2020 est annulé.

Article 2 : L'office public Plaine Commune Habitat est condamné à verser la somme de 11 250 euros à la société Divercities.

Article 3 : L'office public Plaine Commune Habitat versera la somme de 2 000 euros à la société Divercities au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la société Divercities et les conclusions présentées par l'office public Plaine Commune Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Divercities, à l'office public Plaine Commune Habitat et à la société Acceo.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

M. Janicot La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE01206


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01206
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : BOUHALASSA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-22;20ve01206 ?
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