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22/06/2023 | FRANCE | N°19VE03961

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 22 juin 2023, 19VE03961


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Paris La Défense, venant aux droits de l'établissement public d'aménagement de la défense Seine Arche (EPADESA), a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société Compagnie Allianz Iard à lui verser, à titre principal, la somme de 990 000 euros HT en réparation du préjudice né de son refus de prendre en charge une partie des surcoûts auxquels il a été exposé lors d'une opération d'aménagement et, à titre subsidiaire, la somme de 126 767 euros, m

ajorée des intérêts au taux légal, et de mettre à sa charge la somme de 20 000 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Paris La Défense, venant aux droits de l'établissement public d'aménagement de la défense Seine Arche (EPADESA), a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société Compagnie Allianz Iard à lui verser, à titre principal, la somme de 990 000 euros HT en réparation du préjudice né de son refus de prendre en charge une partie des surcoûts auxquels il a été exposé lors d'une opération d'aménagement et, à titre subsidiaire, la somme de 126 767 euros, majorée des intérêts au taux légal, et de mettre à sa charge la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1608189 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a mis hors de cause la société Marsh, a condamné la société Allianz Iard à verser à l'établissement public Paris La Défense la somme de 198 072 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2016, a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au profit de l'établissement public Paris La Défense sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 29 novembre 2019 et le 11 décembre 2019, l'établissement public Paris La Défense, représenté par Me Palmier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité le montant de la condamnation mise à la charge de la société Allianz Iard à la somme de 198 072 euros hors taxes ;

2°) de condamner la société Allianz Iard à lui verser la somme de 990 000 euros hors taxes, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande indemnitaire préalable ;

3°) de mettre à la charge de la société Allianz Iard la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs dès lors qu'il fait application de l'article 12 du titre 3 du marché public d'assurance qui couvre l'intégralité des surcoûts financiers liés aux vices imprévisibles du sol tout en limitant le montant des sommes garanties prévues par le marché en application du point 3 du titre 1 du même marché ;

- le tribunal administratif a fait une inexacte interprétation des modalités d'application du plafond de garantie en le limitant à 1 000 000 euros ; l'exposant a déclaré le sinistre le 25 juillet 2013, soit au cours de la deuxième année d'assurance de sorte que le plafond de la garantie s'élevait non à la somme d'un million d'euros mais à la somme de deux millions d'euros ;

- le tribunal administratif a également appliqué à tort une garantie annexe complémentaire relatif aux vices imprévisibles du sol, prévue par l'article 11 du marché litigieux avec un plafond de garantie limité à un montant de 1 000 000 d'euros alors qu'il aurait dû appliquer la garantie principale de responsabilité civile, dont le plafond de garantie s'élève à la somme de 10 000 000 d'euros, dès lors que les préjudices en cause n'entrent pas dans le champ de l'exclusion définie à l'article 4.13, ne correspondant ni à des travaux visant à permettre l'ouverture ou la poursuite du chantier, ni à prévenir après sinistre l'aggravation de dommages survenus ou l'apparition de nouveaux dommages.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2020, la compagnie Allianz Iard, représentée par Me Bernert, avocate, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de l'établissement public Paris La Défense ;

2°) de mettre à la charge de l'établissement public Paris La Défense la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de condamnation est irrecevable en ce qu'elle émane de l'EPADESA qui est dépourvu de toute capacité à agir en raison de sa dissolution le 1er juillet 2018 ;

- à supposer que l'EPADESA ait conservé sa personnalité morale, l'établissement public Paris La Défense n'avait pas d'intérêt lui donnant qualité à agir au nom et pour le compte de l'EPADESA, n'ayant pas vocation à le représenter ;

- en soutenant que les préjudices qu'il a subis ne relèvent pas du plafond de garantie complémentaire prévue pour les travaux supplémentaires en cas de vices imprévisibles du sol mais du plafond de responsabilité civile avant réception, l'établissement public Paris La Défense méconnaît, d'une part, le principe dit de l'" estoppel " selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui et, d'autre part, l'interdiction de présenter en appel un moyen relevant d'une cause juridique distincte de celle dont relèvent les moyens que le demandeur a présentés à l'appui de sa demande introductive d'instance ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Janicot,

- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public d'aménagement de la Défense Seine Arche (EPADESA), aux droits duquel est venu l'établissement public Paris La Défense (EPPLD), a engagé, en qualité de maître d'ouvrage, une opération de couverture des voies du RER A de la gare de Nanterre par un cadre béton végétalisé. Il a confié la réalisation de ces travaux à un groupement d'entreprises constitué entre les sociétés Demathieu Bard Construction et Solétanche-Bachy. Par des courriers du 25 juillet 2013 et du 11 mars 2014, l'EPADESA a déclaré à son assureur, la société Compagnie Allianz Iard, avec laquelle il était lié par un marché d'assurances signé le 20 juin 2011, trois sinistres survenus lors de l'exécution des travaux et, notamment, celui résultant de la rencontre, lors des forages à l'hydrofraise réalisés par la société Solétanche-Bachy, de débris métalliques imprévus dans les remblais constitutifs des talus ferroviaires existants. Par un avenant n° 3 conclu le 26 mars 2015, l'EPADESA a indemnisé intégralement le groupement d'entreprises des préjudices subis du fait de ces trois sinistres pour un montant total de 2 888 880,57 euros et a intégré dans le marché un nouveau prix " FG.01.03.04 : Mobilisation des équipes liée à la présence de débris métalliques " pour un montant de 990 000 euros HT. Par un courrier du 17 mars 2016, la société Allianz Iard n'a accepté d'indemniser qu'une partie des coûts liés à la présence des débris métalliques dans les talus à hauteur de la somme de 126 767,14 euros. Par une mise en demeure du 29 juin 2016, l'EPADESA a refusé cette offre et a renouvelé sa demande de réparation intégrale de ces coûts à hauteur de la somme de 990 000 euros HT. L'EPPLD fait appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a condamné la société Allianz Iard à lui verser que la somme de 198 072 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. En premier lieu, l'EPPLD soutient que le jugement attaqué serait entaché de contradiction dans ses motifs dès lors que le tribunal administratif a estimé que le marché public d'assurance couvrait l'intégralité des surcoûts financiers liés aux vices imprévisibles du sol tout en limitant, ensuite, le montant de l'indemnité allouée à la somme de 198 072 euros. Toutefois, la contradiction de motifs affectant le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité, le moyen ainsi soulevé est inopérant. Au demeurant, ce moyen manque également en fait dès lors que le tribunal administratif a pu, sans entacher ses motifs de contradiction, considérer, en son point 3, que l'article 12 du marché public d'assurance couvrait les coûts liés aux préjudices en lien avec les " vices prévisibles du sol " afin de déterminer si les préjudices en litige étaient susceptibles d'être pris en charge par l'assureur à ce titre, et, en son point 6, faire application du plafond de garantie prévu à l'article 3 du titre 1er du contrat d'assurance pour fixer le montant de l'indemnité due à l'établissement public par la société Allianz Iard.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du marché litigieux : " Le présent contrat a pour objet de garantir toutes responsabilités civile et/ou administrative, contractuelle, quasi-contractuelle, délictuelle et quasi-délictuelle, qui pourraient être mises à la charge des Assurés, à l'exception de celles exclues au titre 4 ci-après, quelle que soit la juridiction saisie. ". Aux termes du titre 4 de ce marché, ne sont pas couverts par le marché notamment " 4.13 Le coût des études et/ou travaux nécessaires : / pour permettre l'ouverture ou la poursuite du chantier ; / - pour prévenir avant tout sinistre, la survenance de dommages (par exemple aux ouvrages avoisinants) et après sinistre, l'aggravation des dommages survenus ou l'apparition de nouveaux dommages. ". Enfin, aux termes de l'article 11 relatif au vice imprévisible du sol du titre 3 de ce marché, devenu l'article 12 : " Par dérogation à l'exclusion partielle 4.13, l'Assureur garantit le coût des travaux supplémentaires que vous devez supporter par suite d'un vice imprévisible du sol sur lequel ou à côté duquel est réalisée l'opération de construction. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de présentation de l'avenant n° 3 conclu entre l'établissement public et le groupement d'entreprises de travaux que, lors de la réalisation des forages des panneaux de la paroi, l'hydrofraise a rencontré des débris métalliques dans les remblais (fers à béton, rails ...) qui n'étaient pas prévisibles pour le maître de l'ouvrage et qui ont endommagé les équipements du groupement d'entreprises et nécessité la mobilisation d'une équipe en deux postes pendant vingt-quatre jours pour les extraire dans le respect de la cadence nécessaire au maintien de l'échéancier fixé par la RATP. Il suit de là que le coût de ces travaux supplémentaires, supportés par le maître d'ouvrage en raison d'un vice imprévisible du sol, entrait bien dans le champ d'application de l'article 12 du titre 3 du marché litigieux. En revanche, contrairement à ce que prétend l'EPPLD, ces travaux ne pouvaient donner lieu à indemnisation au titre de la garantie responsabilité civile avant réception prévue par le contrat dès lors que le titre 4 de ce contrat excluait expressément, en dehors de l'hypothèse prévue par l'article 11 devenu l'article 12, toute indemnisation de travaux nécessaires à la poursuite du chantier ou liés à l'apparition de nouveaux dommages dans le cadre de la garantie principale. Par suite, l'EPPLD n'est pas fondé à soutenir que la société Allianz Iard doit l'indemniser en application de la garantie " responsabilité civile avant réception " à laquelle est applicable un plafond de dix millions d'euros par sinistre.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 du titre 1 du marché d'assurances, le plafond de la garantie visant à prendre en charge les coûts liés aux vices imprévisibles du sol est fixé au montant de 1 000 000 euros " par année d'assurance ". L'article A.10 de ce marché définit l'année d'assurance comme " la période comprise entre deux échéances annuelles de prime ". L'article 4.3 du titre 1 prévoyait, pour la première année d'assurance, qu'elle interviendrait entre le 1er juin 2011 et le 31 mai 2012. Ces stipulations ne permettent pas à l'assuré, qui, n'ayant pas subi un préjudice au titre d'une année de référence, n'a pas été indemnisé au cours de cette première année, de solliciter un plafond de deux fois un million au titre de l'année suivante. Il suit de là qu'entre le 1er juin 2013 et le 31 mai 2014, période au cours de laquelle l'EPADESA a déclaré les trois sinistres, le montant maximum de la garantie devait s'élever au montant maximum d'un million d'euros. Il résulte de l'instruction que la société Allianz Iard a versé à l'EPADESA deux indemnités d'un montant de 650 735 et de 151 193 euros au titre de ces sinistres, soit la somme totale de 801 928 euros. Par suite, la société Allianz Iard n'était plus tenue, en vertu du marché d'assurances, qu'au versement de la différence entre le plafond de garantie fixé à un million d'euros et la somme déjà réglée de 801 928 euros, soit la somme de 198 072 euros. Il suit de là que l'EPPLD n'est pas fondé à soutenir que le plafond de la garantie relative aux vices imprévisibles du sol qui lui est opposable atteindrait un montant de deux millions d'euros.

6. Il résulte de tout de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposés par la société Allianz Iard, l'EPPLD n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la société Allianz Iard à ne lui verser que la somme de 198 072 euros.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'EPPLD la somme de 2 000 euros à verser à la société Allianz Iard sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Allianz Iard, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'EPPLD au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'établissement public Paris La Défense est rejetée.

Article 2 : L'établissement public Paris La Défense versera à la société Allianz Iard la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public Paris La Défense et à la société Allianz Iard.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

La rapporteure,

M. Janicot La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 19VE03961 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03961
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

12-02 Assurance et prévoyance. - Contrats d'assurance.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-22;19ve03961 ?
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