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20/06/2023 | FRANCE | N°21VE02855

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 juin 2023, 21VE02855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 avril 2021 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Yvelines de procéder au réexamen de

sa demande.

Par un jugement n° 2103666 du 28 septembre 2021, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 avril 2021 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Yvelines de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n° 2103666 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 21 et 25 octobre, le 8 novembre 2021 et le 6 mars 2022, M. C... B..., représenté par Me Bisalu, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Yvelines du 14 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bisalu renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen ;

- il méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où lui-même établit avoir été victime de violences conjugales ;

- il méconnaît également les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a justifié de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français dont il est le père ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cet arrêté sur sa situation ;

- cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2023, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonfils a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant béninois né le 17 novembre 1985 à Ekpe (Bénin), est entré en France sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " vie privée et familiale " délivré par les autorités françaises le 12 avril 2019 et valable jusqu'au 12 avril 2020 à la suite de son mariage au Bénin le 5 avril 2018 avec Mme D... A..., née le 1er avril 1982 à Allada (Bénin) et de nationalité française. Le 8 juin 2020, M. B... a demandé le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 avril 2021, le préfet des Yvelines a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 28 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité externe de l'arrêté en litige :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que celui-ci vise les textes dont il fait application, notamment le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou encore les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, le préfet, qui n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, a énoncé les considérations de fait le conduisant à refuser le renouvellement du titre de séjour de M. B... sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 précité, notamment l'absence de justificatifs de communauté de vie avec son épouse et ce, malgré plusieurs relances, ou encore sa domiciliation au centre communal d'action social (CCAS) de Versailles. Par ailleurs, il a déduit de ces considérations qu'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne porterait pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant né en France, ni à la vie privée et familiale du requérant, eu égard à la présence de deux autres enfants mineurs et des parents de l'intéressé dans le pays d'origine de ce dernier. Enfin, il a estimé que M. B... n'établissait pas le risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.

4. En second lieu, M. B... soutient que le préfet des Yvelines n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et familiale au regard, notamment, des violences conjugales qu'il allègue et de sa qualité de père d'un enfant français. Toutefois, et à supposer que M. B... ait bien produit devant le préfet des Yvelines les deux mains courantes qu'il a déposées les 5 juin et 7 décembre 2020, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir la réalité des violences conjugales dont il se prévaut. Par ailleurs, et alors en tout état de cause que l'arrêté en litige fait état de la naissance de l'enfant né de l'union de M. B... avec une ressortissante française, le requérant ne conteste pas avoir seulement présenté une demande de renouvellement de titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines aurait entaché son arrêté d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. B....

Sur la légalité interne de l'arrêté en litige :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". L'article L. 313-12 du même code, alors en vigueur, précise : " (...) / Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre. (...) ".

6. Pour établir la réalité des violences conjugales dont il soutient avoir été victime, M. B..., qui ne conteste pas l'absence de communauté de vie avec son épouse dès lors qu'il déclare à la fois avoir été chassé du domicile conjugal, ne plus vouloir reprendre la vie commune malgré les demandes de son épouse ou encore que cette dernière vit désormais au Bénin avec leur fils, produit trois mains courantes déposées les 5 juin, 1er octobre et 7 décembre 2020 selon lesquelles il aurait subi des violences physiques et psychologiques de la part de son épouse, de nationalité française. Toutefois, la réalité des faits de violence n'est pas suffisamment établie par ces seuls documents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui a seulement sollicité le renouvellement du titre de séjour qu'il avait obtenu sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait déposé une demande de délivrance de titre de séjour sur le fondement du 6° du même article, ce qu'au demeurant l'intéressé ne soutient pas. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code précité. Au surplus, les quelques photographies, factures d'achat et chèques de banque adressés à son épouse, dont la plupart sont postérieurs à l'arrêté en litige, ne suffisent pas à établir la réalité de la contribution de l'intéressé à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit en tout état de cause être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. B... ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, lequel vit avec sa mère dont l'intéressé est séparé. En outre, le requérant a déclaré que son fils vit désormais au Bénin avec sa mère, pays dont lui-même est originaire et où vivent par ailleurs ses deux autres enfants mineurs. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et le moyen doit, par suite, être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). ".

11. Si M. B... soutient être arrivé en France pour la dernière fois le 15 mai 2019, il ne l'établit pas. Ainsi qu'il a été dit, il a déclaré que son fils vit désormais au Bénin avec sa mère, pays dont il est lui-même originaire, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 33 ans, et où vivent ses deux autres enfants mineurs ainsi que ses parents. Les trois bulletins de salaire que le requérant produit au titre des mois de décembre 2019, février et août 2020 ainsi qu'un avis d'imposition avec un revenu fiscal de référence de 1 140 euros au titre de l'année 2019, ne permettent pas de justifier d'une insertion professionnelle, l'intéressé ne se prévalant par ailleurs d'aucune insertion particulière au sein de la société française. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 6, 7, 9 et 11 de l'arrêt, et nonobstant le certificat médical établi pour les besoins de la cause et produit pour la première fois en appel, le préfet des Yvelines n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté au regard de la situation de M. B....

13. En dernier lieu, M. B... reprend en appel, en des termes identiques et sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 9 du jugement contesté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

M-G. BONFILS

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02855
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : BISALU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-20;21ve02855 ?
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