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20/06/2023 | FRANCE | N°21VE02324

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 20 juin 2023, 21VE02324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes B... et D... F... et M. A... F... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse à leur verser les sommes de 143 274,80 euros en réparation des préjudices subis par H... F..., 282 000 euros en réparation des préjudices de Mme B... F..., 47 000 euros en réparation des préjudices de M. A... F... et 77 000 euros en réparation des préjudices de Mme D... F....

La caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise a sollicité la condamnation du

centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 3 784,60 au titre de se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes B... et D... F... et M. A... F... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse à leur verser les sommes de 143 274,80 euros en réparation des préjudices subis par H... F..., 282 000 euros en réparation des préjudices de Mme B... F..., 47 000 euros en réparation des préjudices de M. A... F... et 77 000 euros en réparation des préjudices de Mme D... F....

La caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise a sollicité la condamnation du centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 3 784,60 au titre de ses débours et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1809593 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes et mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Gonesse.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2021, Mmes B... et D... F... et M. A... F..., représenté par Me Assouad, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Gonesse à leur verser les sommes de 143 274,80 euros en réparation des préjudices subis par M. H... F..., 280 000 euros en réparation des préjudices subis par Mme B... F..., 45 000 euros en réparation des préjudices subis par M. A... F... et 75 000 euros en réparation des préjudices de Mme D... F....

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse le versement de la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Les requérants soutiennent que :

- le centre hospitalier de Gonesse a commis des fautes lors de la prise en charge de M. F... au service des urgences en ne recherchant pas suffisamment la présence d'un infarctus du myocarde, à l'origine de son décès peu après sa sortie de l'hôpital ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le décès de M. F... n'était pas en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier ;

- les préjudices de M. H... F... tiennent en des coûts funéraires, un pretium doloris, un déficit fonctionnel temporaire et une perte de chance de survie ;

- les préjudices de son épouse tiennent en une perte de revenus, un préjudice moral et un préjudice d'incidence professionnelle ;

- les préjudices de ses enfants tiennent en une perte de revenu et un préjudice moral.

Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise, représenté par Me Ginestet-Vasutek, avocate, conclut à l'annulation du jugement, à la condamnation du centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 3 784,60 euros au titre de ses débours et à la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier de Gonesse a commis des fautes lors de la prise en charge de M. F... au service des urgences en ne recherchant pas suffisamment la présence d'un infarctus du myocarde, à l'origine de son décès peu après sa sortie de l'hôpital ;

- ces fautes ont fait perdre une chance de survie à M. G... à hauteur de 70 % et elle doit être indemnisée de ses débours à cette hauteur ;

- elle a droit à une indemnité forfaitaire de gestion en vertu de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 décembre 2021 et 8 mars 2022, le centre hospitalier de Gonesse, représenté par Me Le Prado, avocat, conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.

Il soutient que

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- le taux de perte de chance ne saurait être fixé à plus de 20 % ;

- il y a lieu d'appliquer le principe de priorité de la victime dans le calcul des droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.

Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 30 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance n° 1305289 du 31 mars 2014 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a taxé et liquidé les frais de l'expertise réalisée par le docteur C... à la somme de 1 540 euros.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Villette,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me Assouad pour Mmes B... et D... F... et M. A... F....

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 avril 2013, à la suite d'une perte de connaissance avec chute et amnésie, H... F... s'est présenté au service d'accueil des urgences du centre hospitalier de Gonesse où il a fait l'objet de divers examens et a été pris en charge en unité d'hospitalisation de courte durée durant vingt-quatre heures. Le 9 avril 2013, il a été autorisé à regagner son domicile. Le 10 avril 2013, aux environs de trois heures du matin, M. H... F... est décédé à son domicile. A la demande de Mme B... F..., épouse de la victime, le tribunal a désigné comme expert le professeur C... aux fins de déterminer les conditions de prise en charge de M. F... au centre hospitalier de Gonesse et les causes de son décès. Celui-ci a remis son rapport le 15 janvier 2014. Par la suite, Mme B... F... ainsi que M. A... et Mme D... F..., enfants de la victime, ont formé une réclamation indemnitaire devant la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Ile-de-France. Cette dernière, sur le fondement d'un rapport remis le 20 mai 2015 par le professeur E..., s'est prononcée le 13 décembre 2015 en faveur d'une faute du centre hospitalier, à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès de 25 %. Le centre hospitalier n'a pas donné de suite à cet avis. Mmes B... et D... F... et M. A... F... relèvent appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs conclusions indemnitaires dirigées contre le centre hospitalier de Gonesse en raison des préjudices subis par M. H... F... avant son décès et par les membres de sa famille après celui-ci. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-d'Oise relève également appel de ce jugement qui a rejeté ses conclusions aux fins de remboursement de ses débours.

Sur l'existence d'une faute :

2. M. H... F..., âgé de 55 ans et présentant d'important facteurs de risques cardiovasculaires (hypertension, tabagisme, surpoids, cholestérol et antécédents familiaux) s'est présenté au service des urgences du centre hospitalier de Gonesse après un malaise avec perte de connaissance. Si la recherche des causes de son malaise s'est concentré à la fois sur des causes neurologiques et cardiaques, les docteurs C... et E... ont tous deux relevés que ces dernières n'ont pas été assez approfondies eu égard aux antécédents du patient. Notamment, les praticiens en charge de M. F... ont inexactement interprété son électrocardiogramme et n'ont pas pratiqué un second dosage de troponine, en vue de détecter la présence d'un syndrome coronarien aigu en méconnaissance des bonnes pratiques médicales induites par les facteurs de risques présentés par M. F.... Ainsi, les praticiens du service des urgences du centre hospitalier de Gonesse ont commis des fautes de nature à engager la responsabilité de ce dernier.

3. En revanche, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que M. G... aurait été insuffisamment interrogé sur ses antécédents, lesquels sont retracés dans les comptes rendus d'entretien avec le patient ou que les médecins en charge de M. F... aurait commis une faute en ne suspectant pas la présence d'un infarctus du myocarde du seul fait du taux élevé de myoglobine et de CPK présenté par M. F..., eu égard à la faible spécificité de ces enzymes et au tableau symptomatique atypique présenté par le patient.

Sur le lien de causalité :

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Lorsqu'une pathologie prise en charge dans des conditions fautives a entraîné une détérioration de l'état du patient ou son décès, c'est seulement lorsqu'il peut être affirmé de manière certaine qu'une prise en charge adéquate n'aurait pas permis d'éviter ces conséquences que l'existence d'une perte de chance ouvrant droit à réparation peut être écartée.

6. En l'espèce, d'une part, le docteur C... a considéré qu'en l'absence d'autopsie, la cause du décès était à trouver soit dans un syndrome coronarien aigu, décelable par la réalisation d'un second dosage de troponine le 9 avril 2013, soit dans la rupture brutale d'une plaque coronarienne proximale dans la nuit du 10 avril, non décelable en amont. Le docteur E..., pour sa part, a conclu soit à l'existence d'un syndrome coronarien aigu soit à une dissection aortique intervenue dans la nuit du 10 avril. Dès lors, la présence d'un syndrome coronarien aigu dès le 8 avril 2013 ne peut être exclue et il ne peut être affirmé de manière certaine qu'une prise en charge adéquate de M. F... au service des urgences du centre hospitalier de Gonesse n'aurait pas permis d'éviter son décès.

7. D'autre part, le docteur C... a estimé que, si la présence d'un syndrome coronarien aigu, était avérée, alors les chances de survie du patient devaient être estimées à 70 %. Le docteur E... a lui estimé qu'eu égard tant à la probabilité de l'apparition d'un tel syndrome chez M. F... qu'à ses chances de survie face à celui-ci, la perte de chance de survie imputable à la faute commise par le centre hospitalier devait être estimée à 25 %. Il y a lieu de retenir ce dernier taux représentant la seule fraction du dommage en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier.

Sur les préjudices de M. H... F... :

8. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers.

9. En premier lieu, les souffrances endurées par M. F... avant son décès ont été évaluées par l'expert à hauteur de 3/7. Dès lors, eu égard au taux de perte de chance mentionné au point 7 du présent arrêt, il a lieu de condamner le centre hospitalier à verser à Mme B... F..., ayant-droit, la somme de 875 euros.

10. En deuxième lieu, si Mme F... se prévaut du déficit fonctionnel temporaire induit par l'hospitalisation de son conjoint, celui-ci n'est pas lié aux fautes commises par le centre hospitalier mais à son état préexistant. Ce préjudice ne présente donc pas de lien de causalité avec la faute. Il ne résulte pas de l'instruction que M. F... aurait ultérieurement présenté un tel déficit entre sa sortie du service des urgences et son décès.

11. Le droit à réparation du préjudice résultant pour la victime de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en œuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers. En l'espèce, M. F... a été victime d'un infarctus du myocarde qui n'a pu être utilement pris en charge par les services du SAMU à son domicile. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 5 000 euros. Eu égard au taux de chance mentionné au point 7 du présent arrêt, le centre hospitalier doit être condamné à verser à Mme F..., ayant-droit, la somme de 1 250 euros.

12. En dernier lieu, les frais engagés pour l'inhumation de M. F..., nécessairement postérieur à son décès, ne constituent pas un préjudice subi par l'intéressé.

Sur les préjudices de Mme B... F... :

13. En premier lieu, le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu, le cas échéant, de ses propres revenus et déduction faite des prestations reçues en compensation.

14. En l'espèce, les revenus moyens de M. H... F... étaient de 17 000 euros avant son décès et ceux du couple de 41 000 euros pour l'année 2013. Le taux de consommation personnel de son revenu par M. F..., père de deux enfants, doit être fixé à 20 % soit 8 200 euros. En 2013, Mme F... a perçu la somme de 7 675 euros soit une perte de revenu de 25 125 euros dont 60 % lui auraient bénéficié. Eu égard à la perte de chance mentionné au point 7 du présent jugement, le centre hospitalier doit être condamné à lui verser, au titre de l'année 2013, la somme de 3 768,75 euros.

15. A compter de 2014, Mme F... a conservé un revenu annuel moyen de 26 000 euros, incluant une pension de réversion. Eu égard à la perte de revenus annuelle moyenne ainsi constatée de 6 800 euros, dont 60 % lui auraient bénéficié et à l'espérance de vie réduite de ce dernier constatée par l'expert, ici estimée à 65 ans, la perte de revenus subie par Mme F... sur cette période doit être évaluée, sur la base du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2022, à la somme de 42 392,56 euros. Il convient de déduire de cette somme le capital décès versé à Mme F... par la caisse primaire du Val-d'Oise, secours d'urgence destiné aux personnes à la charge de l'assuré au moment de son décès, soit la somme de 5 406,56 euros. Eu égard au taux de perte de chance mentionné au point 7 du présent arrêt, le centre hospitalier de Gonesse doit, dès lors, être condamné à lui verser la somme de 9 246,50 euros.

16. En deuxième lieu, il sera fait une juste évaluation du préjudice moral subi par Mme F..., victime d'un syndrome dépressif après la perte de son époux, en le fixant à la somme de 25 000 euros. Eu égard, du taux de perte de chance mentionnée au point 7, le centre hospitalier de Gonesse doit, dès lors, être condamné à lui verser la somme de 6 250 euros.

17. En troisième lieu, si la requérante se prévaut de l'incidence négative de ce décès sur l'évolution de sa carrière, elle ne produit aucun élément de nature à étayer une telle incidence. Il résulte au contraire de l'instruction que ses revenus professionnels ont continué à croître après 2014. Dès lors, le préjudice ne peut être regardé comme établi.

18. En quatrième lieu, si Mme F... se prévaut de frais funéraires à hauteur de 8 021,80 euros et 5 253 euros, les factures font état de la construction d'un caveau et d'un monument pour 4 personnes ainsi que d'options décoratives choisies par la famille. Au vu des factures des 16 avril 2013 et 10 juillet 2007, il sera fait une juste appréciation des frais funéraires nécessairement induits par le seul décès de M. G... à hauteur de 8 000 euros. Dès lors, le centre hospitalier doit être condamné à verser la somme de 2 000 euros à Mme F... qui les a exposés.

Sur les préjudices de Mme D... F... :

19. En premier lieu, Mme D... F... était âgée de 15 ans à la date du décès de son père. La part des revenus de la victime revenant normalement à sa fille et qui aurait été consacrée à son entretien jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, âge auquel il peut être estimé qu'elle aurait cessé d'être à la charge de ses parents, peut être évaluée à 20 %.

20. Au titre de l'année 2013, eu égard à la perte de revenu subie par la famille, la perte de revenu subie par Mme D... F... doit être fixé à la somme de 5 025 euros. Compte tenu du taux de perte de chance mentionné au point 7 du présent arrêt, le centre hospitalier de Gonesse doit, dès lors, être condamné à lui verser la somme de 1 256,25 euros.

21. A compter de 2014, eu égard aux revenus de M. F... mentionnés au point 14 du présent arrêt et à son espérance de vie, la perte de revenu subis par Mme D... F... doit être évaluée, sur la base du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2022, à la somme de 12 230,48 euros. Eu égard au taux de perte de chance mentionné au point 7 du présent arrêt, le centre hospitalier de Gonesse doit, dès lors, être condamné à lui verser la somme de 3 057,62 euros.

22. En second lieu, il résulte de l'instruction que Mme D... F... a présenté à la suite du décès de son père des tendances autodestructrices nécessitant un suivi psychologique. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en le fixant à la somme de 25 000 euros. Dès lors, le centre hospitalier doit être condamné à lui verser la somme de 6 250 euros.

Sur les préjudices de M. A... F... :

23. En premier lieu, M. A... F... était âgé de 21 ans à la date du décès de son père. La part des revenus de la victime revenant normalement à son fils et qui aurait été consacrée à son entretien jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, âge auquel il peut être estimé qu'il aurait cessé d'être à la charge de ses parents, peut être évaluée à 20 %.

24. Au titre de l'année 2013, eu égard à la perte de revenu subie par la famille, la perte de revenu subie par M. A... F... doit être fixée à la somme de 5 025 euros. Compte tenu du taux de perte de chance mentionné au point 7 du présent arrêt, le centre hospitalier de Gonesse doit, dès lors, être condamné à lui verser la somme de 1 256,25 euros.

25. A compter de 2014, eu égard aux revenus de M. F... mentionnés au point 14 du présent arrêt et à son espérance de vie, la perte de revenu subis par M. A... F... doit être évaluée, sur la base du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2022, à la somme de 4 074,56 euros. Eu égard au taux de perte de chance mentionné au point 7 du présent arrêt, le centre hospitalier de Gonesse doit, dès lors, être condamné à lui verser la somme de 1 018,64 euros.

26. En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M. A..., majeur à la date des faits, en le fixant à la somme de 20 000 euros. Dès lors, le centre hospitalier doit être condamné à lui verser la somme de 5 000 euros.

Sur les droits de la CPAM :

27. D'une part, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise justifie avoir exposé la somme de 5 406,56 euros au titre du capital décès versé à Mme B... F.... Eu égard au taux de perte de chance mentionné au point 7 du présent arrêt, le centre hospitalier doit, dès lors, être condamné à lui verser la somme de 1 351,64 euros.

28. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2022 : " Les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 115 € et 1 162 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2023 ". Dès lors, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Gonesse à verser à la caisse primaire d'assurance du Val-d'Oise la somme de 450,55 euros.

29. Il résulte de tout ce qui précède que Mmes B... et D... F..., M. A... F... et la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes.

Sur les dépens :

30. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. " Par une ordonnance n° 1305289 du 31 mars 2014, la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a taxé et liquidé les frais d'expertise à la somme de 1 540 euros. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de les mettre à la charge définitive du centre hospitalier de Gonesse.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse le versement de la somme de 1 500 euros au profit des requérants et de la somme de 1 500 euros au profit de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise au titre des dispositions de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1809593 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Gonesse est condamné à verser à Mme B... F... la somme de 23 390,25 euros (vingt-trois mille trois cent quatre-vingt-dix euros et vingt-cinq cents).

Article 3 : Le centre hospitalier de Gonesse est condamné à verser à Mme D... F... la somme de 10 563,87 euros (dix mille cinq cent soixante-trois euros et quatre-vingt-sept cents).

Article 4 : Le centre hospitalier de Gonesse est condamné à verser à M. A... F... la somme de 7 274,89 euros (sept mille deux cent soixante-quatorze euros et quatre-vingt-neuf cents).

Article 5 : Le centre hospitalier de Gonesse versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise la somme de 1 351,64 euros (mille trois cent cinquante-et-un euros et soixante-quatre cents) au titre de ses débours et la somme de 450,55 euros (quatre cent cinquante euros et cinquante-cinq cents) au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 6 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 540 (mille cinq cent quarante) euros, sont mis à la charge du centre hospitalier de Gonesse.

Article 7 : Le centre hospitalier de Gonesse versera à Mme B... et D... F... et à M. A... F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le centre hospitalier de Gonesse versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... F..., Mme D... F..., M. A... F..., au centre hospitalier de Gonesse, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

A. VILLETTELe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 2102324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02324
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Anne VILLETTE
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : ASSOUAD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-20;21ve02324 ?
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