Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, de condamner la communauté d'agglomération Grand Paris Sud à lui verser la somme de 45 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de ce licenciement et des agissements de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1708957 du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juillet 2019, des mémoires enregistrés les 29 juillet 2019, 30 avril 2020 et 14 mai 2020 et un mémoire récapitulatif présenté en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 8 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Netry, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 16 octobre 2017 ;
3°) de condamner la communauté d'agglomération Grand Paris Sud à lui verser la somme de 45 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement et des agissements de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 16 octobre 2017 est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;
- ses conclusions indemnitaires sont recevables, dès lors notamment que le courrier lui notifiant la décision attaquée ne mentionnait pas l'exigence de former un recours préalable et qu'elle a adressé à la communauté d'agglomération, par l'intermédiaire de son avocat, un courrier le 11 octobre 2017 ;
- l'illégalité de la décision du 16 octobre 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de communauté d'agglomération Grand Paris Sud ; elle a en outre été victime d'agissements de harcèlement moral constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud ;
- elle demande réparation des préjudices en résultant à hauteur de 45 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2020, la communauté d'agglomération Grand Paris Sud, représentée par Me Tabone, avocate, demande à la cour de rejeter la requête de Mme A... et de mettre à sa charge la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens de la requête sont infondés ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande indemnitaire préalable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Troalen,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Netry, représentant Mme A... et de Me Tabone, représentant la communauté d'agglomération Grand Paris Sud.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du 20 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud l'a licenciée pour insuffisance professionnelle et à l'indemnisation du préjudice subi du fait de cette décision et des agissements de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime.
Sur la légalité de la décision du 16 octobre 2017 :
2. Mme A... a été recrutée, par un contrat à durée déterminée, pour exercer les fonctions de directrice du réseau des conservatoires de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud (CAGPS) à compter du 26 août 2015. Par un courrier daté du 22 septembre 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement le 4 octobre 2017. Par une décision du 16 octobre 2017, le président de la communauté d'agglomération a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Son auteur précise que sa décision est justifiée par les nombreux manquements relevés dans l'exercice de ses missions, qui ont un caractère préjudiciable à la bonne marche du réseau des conservatoires et à la mise en œuvre de ses projets, et par la faiblesse de ses compétences managériales. Il ajoute que, de manière générale, l'intéressée n'a pas su se hisser au niveau des enjeux du poste, et relève en particulier que Mme A... a entretenu des relations conflictuelles au sein du réseau ainsi qu'avec son encadrement et a manifesté une incapacité répétée de compréhension des dispositions adoptées par la communauté d'agglomération pour sortir des difficultés générées par la tentative de suicide d'un des agents du réseau. A l'égard de ce dernier grief, la décision précise que Mme A... n'a pas non plus souhaité se saisir des propositions d'accompagnement personnel qui lui ont été faites.
S'agissant du grief relatif aux relations conflictuelles entretenues par Mme A... :
3. En l'espèce, pour établir la nature conflictuelle des relations entretenues par Mme A... " au sein du réseau ", la communauté d'agglomération Grand Paris Sud produit les courriels émanant de deux enseignants de musique exerçant dans l'un des conservatoires du réseau, dans lesquels ces derniers contestent la remise en cause, dans un bilan élaboré par la direction du réseau, de l'intérêt d'un stage ainsi que le grief, formulé à l'encontre de l'un d'entre eux, consistant en un " manque de conscience logistique " relevé à l'occasion de ce stage. Elle produit également le courrier d'une autre enseignante adressée à la directrice des ressources humaines de la communauté d'agglomération faisant part de son intention de ne pas renouveler son contrat de travail tant pour des raisons personnelles que pour l'insatisfaction éprouvée face à une gestion vécue comme excessivement administrative au détriment des considérations artistiques et des relations dépourvues de confiance avec la direction du réseau. La communauté d'agglomération produit enfin le courriel d'un enseignant, qui signale une difficulté de rémunération faisant suite à une décision de gestion prise unilatéralement par Mme A... et fait état du mépris ressenti par l'intéressé à l'occasion de la gestion de cet incident. Alors qu'il est constant que le réseau des conservatoires de la communauté d'agglomération est traversé par un désaccord profond exprimé par les enseignants quant aux orientations stratégiques adoptées par la communauté d'agglomération, antérieurement à la prise de poste de Mme A..., ces documents mettent surtout en évidence cette opposition sous-jacente entre de nombreux enseignants, certains organisés en un collectif, et la direction du réseau, quant aux orientations choisies et aux décisions des gestion mises en œuvre. Si ces documents relèvent également une difficulté de communication de part et d'autre, ils ne font état d'aucune attitude personnelle de Mme A... qui s'avérerait elle-même de nature à entraîner des conflits.
4. Par ailleurs, la communauté d'agglomération ne fournit aucun document pour étayer le grief formulé à l'encontre de Mme A... quant aux relations conflictuelles qu'elle entretiendrait avec sa propre hiérarchie. S'il ressort des pièces du dossier qu'à compter de l'enquête réalisée à la suite de la tentative de suicide d'un agent, l'intéressée a manifesté son désaccord sur certaines conclusions de cette enquête et sur le choix de la direction des ressources humaines et de la direction de la culture de la communauté d'agglomération de ne pas l'associer pleinement à la définition de la stratégie à mettre en place par la suite, les courriels qu'elle a elle-même produits à l'instance sont rédigés en des termes mesurés et font état d'un ressenti légitime, au demeurant partagé par un autre agent de la direction du réseau.
5. Ainsi, dans l'ensemble, bien qu'il ait existé au sein du réseau des conservatoires un climat de tension avant l'arrivée de Mme A..., qui a persisté du fait notamment de la remise en cause des décisions de gestion prises dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée tenant à la mise en œuvre du projet d'établissement 2013-2017 établi auparavant, et en dépit de la crispation de ses relations avec sa propre hiérarchie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement personnel de cette dernière ait lui-même été à l'origine de situations conflictuelles et qu'il puisse être de nature à caractériser une incapacité à exercer sa mission managériale.
S'agissant du grief relatif à l'incompréhension de la stratégie adoptée à la suite de la tentative de suicide d'un agent :
6. A la suite du malaise dont a été victime un agent administratif le 6 octobre 2016, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la communauté Grand Paris Sud a confié à un cabinet externe la mission de comprendre les facteurs à l'origine de cette tentative de suicide et d'identifier les risques inhérents à la situation de travail, en vue de pouvoir élaborer un plan de prévention des risques professionnels. Ce cabinet a élaboré un rapport présenté aux agents le 27 février 2017, en l'absence de Mme A.... La communauté d'agglomération s'est ensuite donnée pour mission d'élaborer un plan de prévention des risques, de procéder à la refonte du projet d'établissement, et de définir un plan d'action à court terme pour sécuriser la rentrée 2017.
7. Or, il ressort des éléments joints au dossier par Mme A... que celle-ci a, dans des termes mesurés et de façon argumentée, cherché à ce que soit prise en compte sa perception de la situation. Elle a également manifesté, de façon légitime, son incompréhension face aux choix de sa hiérarchie de ne pas l'associer à la présentation du rapport à ses équipes, le 27 février 2017, puis de lui retirer la direction de certaines réunions de pilotage et aussi de ne pas l'associer pleinement au travail confié à un intervenant extérieur au sujet du nouveau projet d'établissement. Si elle a en outre exprimé ses doutes quant à l'opportunité d'élaborer un nouveau projet d'établissement, elle a indiqué que ce doute tenait à la période dans laquelle ce projet était prévu, dans un contexte de manque de personnel.
8. Enfin, alors que Mme A... atteste avoir accueilli favorablement le principe d'un accompagnement personnel, par un courriel du 30 mars 2017, la communauté d'agglomération Grand Paris Sud ne fournit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait ensuite effectivement décliné les différentes propositions concrètes qui ont pu lui être adressées pour mettre en œuvre un tel accompagnement.
9. Ainsi, alors qu'il n'est pas établi que Mme A... se soit opposée à la mise en œuvre de décisions précises concernant la stratégie adoptée après la tentative de suicide d'un agent, la seule circonstance qu'elle ait manifesté ses doutes et son incompréhension sur la méthode employée par sa hiérarchie ne saurait caractériser une incapacité à exercer ses fonctions.
S'agissant du grief général relatif à l'insuffisante compétence managériale :
10. La communauté d'agglomération Grand Paris Sud fait aussi valoir que Mme A... n'a pas su rationnaliser son service et rétablir l'ordre, et s'appuie à cet égard sur les conclusions du rapport remis le 27 février 2017 par le cabinet SECAFI. Toutefois, d'une part, si ce rapport, dont l'objet n'était pas de faire un audit de la gouvernance du réseau, a relevé des difficultés dans le fonctionnement du service et noté qu'une amélioration passerait notamment par des évolutions du fonctionnement managérial, il a également rappelé que la situation du service était détériorée depuis plusieurs années, soit depuis le choix d'élaborer un projet d'établissement, et a mis en évidence des dysfonctionnements à d'autres niveaux. Dans la mesure où Mme A... a en outre été recrutée pour mettre en œuvre un tel projet, dont la version 2013-2017 avait été élaborée par ses prédécesseurs, les difficultés résultant de la mise en œuvre de ce projet ne sauraient ni lui être entièrement imputables, ni caractériser en elles-mêmes une incapacité à exercer sa mission managériale. Si la communauté d'agglomération soutient que de telles difficultés avaient déjà été soulignées dans son compte rendu d'évaluation de l'année 2016, ce compte rendu, qui relève certes la nécessité de " parfaire sa façon de communiquer ", et l'invite à se positionner " davantage en tant que directrice de réseau ", mais indique néanmoins qu'elle " garde toute la confiance de la direction de la culture " ne saurait être regardé comme faisant le constat de difficultés managériales telles qu'elles traduiraient une incapacité de l'intéressée à exercer ses fonctions.
11. Dans l'ensemble, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments reprochés à Mme A... dans la décision du 16 octobre 2017 soient de nature à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2017, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué à l'encontre de cette décision.
Sur les conclusions indemnitaires :
12. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. "
13. Si le conseil de Mme A... a adressé à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud un courrier daté du 11 octobre 2017, après l'entretien préalable à son licenciement du 4 octobre 2017, dans lequel il indiquait avoir été chargé par l'intéressée de s'occuper de " toutes les éventuelles suites judiciaires de ce dossier et de contribuer à un éventuel cadre de résolution amiable de cette affaire ", ce courrier, antérieur au licenciement qui a été prononcé le 16 octobre 2017, ne formule aucune demande de réparation des préjudices qui résultent de cette décision ou des agissements de harcèlement moral dont Mme A... estime être victime. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette dernière aurait adressé à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud une demande préalable indemnitaire, en particulier après s'être vue notifier la décision du 16 octobre 2017. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires en raison de leur irrecevabilité.
Sur les frais d'instance :
14. Il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la communauté d'agglomération Grand Paris Sud demande au même titre soit mise à la charge de Mme A....
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 16 octobre 2017 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud a licencié Mme A... pour insuffisance professionnelle est annulée.
Article 2 : Le jugement n°1708957 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La communauté d'agglomération Grand Paris Sud versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
La rapporteure,
E. TROALENLe président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
No 19VE02464002