Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... et Mme D... C..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, B... C..., ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, de désigner avant dire droit un expert médical ayant pour mission de déterminer l'imputabilité et l'étendue des préjudices subis par leur fils et de condamner la commune de Sarcelles à leur verser une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive du dommage corporel de leur fils, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Sarcelles à leur verser une indemnité forfaitaire de 100 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fils et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Sarcelles la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1812885 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 21 mai 2021 et 12 novembre 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Duguey, avocate, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'ordonner une expertise médicale et de condamner la commune de Sarcelles à leur verser une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive du dommage corporel de leur fils ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Sarcelles à leur verser une indemnité forfaitaire de 100 000 euros en réparation des différents préjudices subis par leur fils ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sarcelles la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le lien de causalité entre la chute de leur fils et la présence d'une tige métallique sous l'abribus de l'arrêt " Marcelin Berthelot -Victor Hugo " n'était pas établi alors que les déclarations des témoins, qui sont précises et circonstanciées, et les lésions décrites dans le certificat médical initial concordent avec les faits décrits par Mme C... et permettent d'identifier la cause de la chute ; aucune disposition législative ou réglementaire n'impose qu'une attestation soit établie de manière contemporaine à l'accident ; seule une attestation contient une erreur de date, qui n'est au demeurant qu'une simple coquille, et les photographies prises lors de l'accident établissent que la plaie de l'enfant a été causée par la tige métallique présente sous l'abribus ;
- le lien de causalité entre le dommage et l'ouvrage public étant établi, la responsabilité de la commune est présumée ; or, cette dernière, qui n'a entrepris en neuf ans aucun travaux pour supprimer la tige métallique située aux abords d'un collège mais l'a retirée après l'accident, ne rapporte pas la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage ; le nombre important de collégiens présents à l'abribus a masqué la visibilité de la tige ; la présence de ce piquet métallique sur le trottoir représentait un risque excédant ceux auxquels un piéton normalement attentif peut s'attendre à trouver ; aucune faute ne peut être reprochée à la victime ; le dommage résulte exclusivement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage et non de l'absence de production d'une autorisation de sortie du collège du jeune A... ;
- seule une expertise médicale pourra quantifier les différents préjudices subis par l'enfant en l'absence de consolidation de son état de santé ;
- une première indemnité provisionnelle peut d'ores et déjà lui être allouée dès lors qu'un certain nombre de postes de préjudices, tels que les souffrances endurées, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire et le préjudice esthétique permanent, est acquis.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 octobre 2021 et 23 novembre 2021, la commune de Sarcelles, représentée par Me Phelip, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la condamnation mise à sa charge à la somme de 2 500 euros ;
3°) de mettre à la charge des requérants la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de causalité entre le dommage et l'ouvrage public n'est pas établi ; des attestations établies plus d'un an après les faits et après que l'exposante ait souligné que les circonstances du sinistre n'étaient pas justifiées ne constituent pas une preuve efficace de la matérialité des faits compte tenu de leur caractère tardif ; l'attestation de la mère de la victime fait état d'un accident survenu le 13 octobre 2018 alors que l'accident est survenu le 13 octobre 2017 ; la date de l'accident n'est donc pas certaine pour les requérants ;
- en tout état de cause, le fils des requérants est la seule personne à avoir chuté sur une des tiges métalliques situées près de l'abribus alors qu'elles sont présentes dans le paysage urbain depuis une dizaine d'années ; cette tige qui était située sous le banc de l'abribus ne présentait pas un risque excédant ceux que doivent s'attendre à rencontrer les piétons faisant usage d'un tel abribus ; en outre, la tige était parfaitement visible à l'heure où l'accident est survenu ;
- le fait qu'elle a retiré la tige métallique litigieuse en 2018 n'est pas de nature à caractériser le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;
- le dommage résulte de la faute de la victime ou de celle des agents de son collège dès lors qu'il n'est pas établi qu'Amin disposait d'une attestation de sortie ;
- à titre subsidiaire, l'expertise sollicitée n'est pas utile dès lors que l'examen médico-légal qui a été réalisé permet déjà de chiffrer les préjudices ; elle consent à se reporter à ces conclusions afin de limiter les frais alors même que cet examen n'a pas été établi de manière contradictoire ;
- l'indemnisation ne saurait excéder la somme de 2 500 euros, compte tenu de l'absence d'hospitalisation, du fait que l'enfant a pu retourner au collège dès le lendemain de l'accident et qu'il n'a pas redoublé.
Par un courrier du 12 avril 2023, le magistrat rapporteur a invité M. et Mme C... et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction.
Par un mémoire, enregistré le 26 avril 2023, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise a répondu à cette mesure d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Janicot,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bakhtaroui, substituant Me Duguey, pour M. et Mme C... et celles de Me Dumene, substituant Me Phelip, pour la commune de Sarcelles.
Une note en délibéré, enregistrée le 25 mai 2023, a été présentée par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 octobre 2017, alors qu'il sortait du collège, M. B... C..., né le 21 septembre 2006, a chuté sur une tige métallique située sous l'abribus de l'arrêt " Marcellin Berthelot " rue du docteur F... à Sarcelles (Val-d'Oise), ce qui lui a occasionné une plaie profonde à la jambe gauche. M. et Mme C..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, font appel du jugement du 25 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la désignation avant dire droit d'un expert médical ayant pour mission de déterminer l'imputabilité et l'étendue des préjudices subis par leur fils et à la condamnation de la commune de Sarcelles à leur verser une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive du dommage corporel de leur fils, ou, à titre subsidiaire, à la condamnation de la commune de Sarcelles à leur verser une indemnité forfaitaire de 100 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fils.
Sur la responsabilité de la commune de Sarcelles :
2. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité direct et certain entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage ou que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans pouvoir utilement invoquer le fait du tiers.
3. Il résulte tant des mentions concordantes des attestations établies par deux témoins le 16 novembre 2017 et le 20 novembre 2017, dont l'un des deux a directement assisté la victime le jour de l'accident, que des photographies de l'obstacle présent sur la voie publique et de la blessure de l'enfant, ainsi que de la description de cette blessure par les certificats médicaux versés au dossier, que le fils de H... et Mme C..., alors élève en sixième au collège Victor Hugo à Sarcelles, s'est blessé au niveau du tibia gauche peu après 14 heures le 13 octobre 2017 à l'abribus de l'arrêt " Marcelin Berthelot - Victor Hugo " en trébuchant sur une tige métallique qui dépassait du sol. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la tige métallique ayant provoqué la chute de cet enfant, qui mesurait entre dix et quinze centimètres de hauteur, n'était ni signalée ni protégée et constituait ainsi un risque excédant ceux auxquels doivent normalement s'attendre les usagers de l'ouvrage public. Il est d'ailleurs constant que la commune de Sarcelles a fait procéder à la suppression de cet obstacle après l'accident. Dans ces conditions, la commune de Sarcelles n'établit pas l'entretien normal de l'ouvrage public. Est sans incidence à cet égard la circonstance que le fils des requérants serait le seul à avoir trébuché sur la tige métallique laquelle aurait été présente depuis une dizaine d'années. Par suite, la responsabilité de la commune de Sarcelles est engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage.
4. Toutefois, ainsi que le fait valoir la commune de Sarcelles, l'accident a eu lieu en milieu de journée sans problème de visibilité sur un site connu de la victime, celui-ci l'empruntant quotidiennement pour se rendre de son collège à son domicile. Par suite, alors même que de nombreux collégiens se seraient trouvés sous l'abribus le jour de l'accident, le dommage est également survenu en raison d'une inattention de la victime de nature à exonérer la commune de Sarcelles de sa responsabilité à hauteur de 50 %. En revanche, si la commune de Sarcelles soutient que l'enfant de M. et Mme C... a commis une autre faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité en sortant de son collège en milieu de journée sans autorisation de sortie, il résulte en tout état de cause de l'instruction, et notamment des attestations établies par un parent d'élève le 16 novembre 2017 et d'un professeur le 20 novembre 2017, que le fils des requérants avait terminé ses cours quand il a quitté son établissement scolaire. Par suite, ce moyen doit être écarté.
5. Enfin, la commune de Sarcelles ne peut utilement, afin de s'exonérer de sa responsabilité au titre du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, se prévaloir de la faute qu'auraient commise les agents du collège où était scolarisé l'enfant en le laissant quitter l'établissement sans autorisation parentale de sortie.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Sur les conclusions tendant à la désignation d'un expert :
7. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par la décision. (...) ".
8. Si un rapport d'expertise médicale a été rendu le 7 juin 2018, il résulte de ce rapport que l'état de la victime n'était pas consolidé à cette date, le médecin estimant utile qu'il soit procédé ultérieurement à une nouvelle évaluation de l'état de l'enfant. En outre, ce médecin ne s'est pas prononcé sur les souffrances endurées. Dans ces conditions, l'état du dossier ne permet pas à la cour d'apprécier l'étendue des préjudices corporels subis par M. A... C... du fait de l'accident du 13 octobre 2017. Dès lors, il y a lieu de faire droit aux conclusions des requérants tendant à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation provisionnelle :
9. Compte tenu des éléments médicaux déjà versés au dossier, il y a lieu de condamner la commune de Sarcelles à verser aux requérants la somme 2 000 euros à titre de provision.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sarcelles la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, M. et Mme C... n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune de Sarcelles sur le fondement de ces mêmes dispositions doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1812885 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 25 mars 2021 est annulé.
Article 2 : La commune de Sarcelles est déclarée responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime B... C... le 13 octobre 2017.
Article 3 : La commune de Sarcelles est condamnée à verser à M. et Mme C... la somme de 2 000 euros à titre de provision.
Article 4 : : La commune de Sarcelles versera à M. et Mme C... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de M. et Mme C... relatives à la réparation des préjudices subis par leur fils, procédé à une expertise médicale.
Article 6 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il aura pour mission :
1°) de se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé du fils de H... et Mme C... ; de convoquer et entendre les parties et tous sachants, de procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. A... C... ainsi qu'éventuellement à son examen clinique ;
2°) de décrire l'état de santé de M. C... avant et après l'accident survenu le 13 octobre 2017 ;
3°) d'indiquer à quelle date l'état de santé de M. A... C... peut être considéré comme consolidé ; Le cas échéant, dire si cet état de santé est susceptible de modification en amélioration ou en aggravation ; dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, sur son degré de probabilité et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, mentionner dans quel délai ;
4°) de décrire la nature et l'étendue des préjudices résultant de l'accident survenu le 13 octobre 2017, non imputables à son état antérieur ni aux conséquences prévisibles de l'évolution de celui-ci, en distinguant les préjudices patrimoniaux (en particulier, dépenses de santé déjà engagées, autres dépenses liées au dommage corporel) et les préjudices extrapatrimoniaux (en particulier, déficit fonctionnel temporaire et permanent, souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice sexuel), et pour chaque poste de préjudice, les préjudices temporaires avant consolidation et les préjudices permanents après consolidation.
Article 7 : L'expertise sera réalisée au contradictoire de M. et Mme C..., de la commune de Sarcelles et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.
Article 8 : L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en adressera une copie à chacune des parties dans le délai qui sera fixé par le président de la cour.
Article 9 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statués en fin d'instance.
Article 10 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., Mme D... C..., à la commune de Sarcelles et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Janicot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
M. JanicotLa présidente,
C. Signerin-Icre
La greffière,
M. E...
La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE01457