La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2023 | FRANCE | N°21VE03235

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 06 juin 2023, 21VE03235


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest (CCIMBO) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération du 9 juillet 2019 par laquelle l'assemblée générale de la Chambre de commerce et d'industrie France (CCI France) a fixé des orientations sur la répartition de la taxe pour frais de chambres entre les chambres de commerce et d'industrie de région en 2020, ensemble la décision par laquelle le président de CCI France a implicitement rejeté le recours

gracieux dirigé contre cette délibération, d'annuler la délibération du 15 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest (CCIMBO) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération du 9 juillet 2019 par laquelle l'assemblée générale de la Chambre de commerce et d'industrie France (CCI France) a fixé des orientations sur la répartition de la taxe pour frais de chambres entre les chambres de commerce et d'industrie de région en 2020, ensemble la décision par laquelle le président de CCI France a implicitement rejeté le recours gracieux dirigé contre cette délibération, d'annuler la délibération du 15 octobre 2019 par laquelle l'assemblée générale de CCI France a réparti la taxe pour frais de chambres en 2020 entre les chambres de commerce et d'industrie de région et d'enjoindre à CCI France de reprendre la procédure de répartition de la taxe pour frais de chambres, sans malus lié au prélèvement exceptionnel prévu à l'article 33 de la loi de finances pour 2015.

Par un jugement n° 1913867 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 15 octobre 2019 par laquelle l'assemblée générale de CCI France a réparti la taxe pour frais de chambres en 2020, a enjoint à CCI France de prendre une nouvelle délibération tendant à répartir la taxe pour frais de chambres en 2020, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la CCIMBO.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 3 décembre 2021, le 20 mai 2022, le 30 juin 2022, le 19 juillet 2022, le 31 août 2022, un mémoire récapitulatif enregistré le 30 septembre 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 29 novembre 2022, CCI France, représentée par Me Vital-Durand, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la CCIMBO ;

3°) de mettre à la charge de la CCIMBO la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la CCIMBO était irrecevable en l'absence de qualité lui donnant intérêt pour agir ; c'est à tort que le tribunal a admis la recevabilité de la demande aux motifs que la requête de la CCIMBO était recevable aux motifs que la CCIMBO est membre du réseau CCI France, que son président est membre de l'assemblée générale de CCI France et, à titre surabondant, que la délibération attaquée a eu une incidence sur son fonctionnement; elle ne justifie pas d'un intérêt légitime ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'assemblée générale ne disposait d'aucune compétence pour édicter la délibération du 15 octobre 2019, alors qu'elle détient une compétence exclusive pour répartir entre les CCI de région le produit de la taxe pour frais de chambres, en vertu du 10° de l'article L. 711-16 du code de commerce ;

- la délibération du 15 octobre 2019 n'a ni pour objet, ni pour effet de procéder à une compensation illégale entre de prétendues obligations réciproques, mais seulement de répartir le produit de la taxe entre les CCI en fonction de leur poids budgétaire et économique et de critères de performance, ainsi que d'effectuer une péréquation, comme elle y est autorisée par la troisième phrase du 10° de l'article L. 711-16 du code de commerce, "notamment pour tenir compte des particularités locales" ; elle pouvait opérer une péréquation entre CCI pour tenir compte du niveau exceptionnel des fonds de roulement de la CCIMBO ; l'assemblée générale de CCI France n'a pas considéré que la dette de 7 314 739 euros de la CCIMBO envers l'Etat serait éteinte ;

- les critères fixés au 10° de l'article L. 711-16 du code de commerce ont été respectés dès lors que la répartition de la ressource fiscale peut prendre en compte les besoins des CCI ; le contrôle juridictionnel est nécessairement restreint dès lors que ces dispositions lui confèrent une grande liberté pour définir les modalités de répartition de la ressource fiscale ; elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la CCIMBO n'est pas fondée à invoquer le principe d'insaisissabilité des deniers publics ;

- à titre subsidiaire, elle avait compétence pour édicter la délibération litigieuse sur le fondement de l'article D. 712-25 du code du commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1317 du 9 décembre 2019, qui prévoit expressément qu'en "cas de non-versement d'une contribution obligatoire, CCI France peut déduire le montant correspondant du montant prévu en faveur de la chambre de commerce et d'industrie de région concernée dans le cadre de la répartition de la taxe pour frais de chambres" ; elle pouvait faire application par anticipation de ces dispositions, dès lors que la délibération contestée concerne l'année 2020, postérieure à l'entrée en vigueur de cet article ; la cour peut au besoin procéder à une substitution de motifs ;

- à titre encore plus subsidiaire, CCI France avait compétence pour édicter la délibération litigieuse sur le fondement du dernier alinéa de l'article R. 712-21 du code de commerce, inséré par le décret n°2019-1317 du 9 décembre 2019, en vertu duquel le montant de la taxe pour frais de chambres peut être modulé en cas de non-respect d'une décision prise par l'assemblée générale de CCI France ;

- à supposer que la délibération en cause soit regardée comme emportant compensation, une telle décision ne saurait pour autant être annulée pour incompétence, dès lors que la CCIMBO était en situation de compétence liée pour payer les sommes dues au titre de l'article 33 de la loi de finances pour 2015.

Par des mémoires en défense enregistrés le 5 avril 2022, le 16 juin 2022, le 5 juillet 2022, le 22 juillet 2022, le 2 septembre 2022 et le 27 octobre 2022, la CCIMBO, représentée par Me Brenot et Me Billery, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de CCI France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par CCI France ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vital-Durand pour CCI France et de Me Billery pour la CCIMBO.

Considérant ce qui suit :

1. Par un titre de perception émis le 12 mars 2015, le directeur département des finances publiques du Finistère a mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) territoriale de Morlaix, aux droits de laquelle vient la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest (CCIMBO), une somme de 7 314 739 euros sur le fondement de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, qui a institué un prélèvement de 500 millions d'euros sur le budget des chambres de commerce et d'industrie. La CCI territoriale de Morlaix a sollicité la décharge de l'obligation de payer cette somme devant le tribunal administratif de Rennes qui a rejeté sa demande par un jugement du 19 octobre 2017, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 8 février 2019 contre lequel le Conseil d'Etat n'a pas admis de pourvoi. Par une délibération du 9 juillet 2019 fixant les orientations de répartition de la taxe pour frais de chambres entre les chambres de commerce et d'industrie de région en 2020, l'assemblée générale de CCI France a décidé que les chambres de commerce et d'industrie de région dans le ressort desquelles les CCI territoriales n'ont pas réglé le prélèvement dû au titre de l'article 33 de la loi de finances pour 2015 se verraient retirer de la répartition de la taxe pour frais de chambres pour 2020 le montant de ce prélèvement. Par un courrier en date du 10 juillet 2019, la CCIMBO a formé un recours gracieux dirigé contre cette délibération. Par une délibération ultérieure du 15 octobre 2019, l'assemblée générale de CCI France a réparti la taxe pour frais de chambres en 2020 en réduisant la quote-part de la CCI Bretagne, dont dépend la CCIMBO, de la somme de 7 314 739 euros demeurée impayée, soit après répartition de ce malus, une diminution de 6 983 057 euros de sa ressource fiscale. La CCIMBO a introduit un recours contentieux tendant à l'annulation de la délibération du 9 juillet 2019, ensemble la décision par laquelle le président de CCI France a implicitement rejeté le recours gracieux dirigé contre cette délibération, ainsi que la délibération du 15 octobre 2019. Par le jugement attaqué du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 15 octobre 2019, a enjoint à CCI France de prendre une nouvelle délibération tendant à répartir la taxe pour frais de chambres en 2020, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la CCIMBO. CCI France relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. D'une part, aux termes de l'article 1600 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I.- Il est pourvu au fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière mentionné à l'article L. 711-16 du code de commerce et à une partie des dépenses des chambres de commerce et d'industrie de région ainsi qu'aux contributions allouées par ces dernières, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, aux chambres de commerce et d'industrie territoriales et à CCI France au moyen d'une taxe pour frais de chambres constituée de deux contributions : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises et une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. La taxe pour frais de chambres est employée, dans le respect des règles de concurrence nationales et communautaires, pour remplir les missions prévues à l'article L. 710-1 du code de commerce, à l'exclusion des activités marchandes. (...) III.- (...) 2.- Le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région, dans la limite du plafond prévu au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 précitée. En 2015, le produit du prélèvement exceptionnel prévu au III de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 est également affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région. / (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 : " I. Par dérogation au 2 du III de l'article 1600 du code général des impôts, une somme de 500 millions d'euros, imputable sur le produit attendu de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, est affectée au budget général de l'Etat. (...) III. Il est opéré, en 2015, au profit du fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région mentionné au 2 du III de l'article 1600 du code général des impôts, un prélèvement de 500 millions d'euros sur les chambres de commerce et d'industrie, à l'exception des régions où il n'existe qu'une seule chambre de commerce et d'industrie territoriale, dénommée chambre de commerce et d'industrie de région. (...) Ce prélèvement est réparti conformément au tableau suivant : (En euros) : CCIT Morlaix ; 7314 739 euros. / (...) Le prélèvement mentionné au présent III est opéré par titre de perception, émis par le ministre chargé de l'industrie au plus tard le 15 mars 2015. / Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ce prélèvement sont régis par les règles applicables en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. ". Selon le B du VI de l'article 83 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie, dans la limite du plafond prévu au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 précitée. Le produit du prélèvement exceptionnel prévu au III de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 est également affecté à ce fonds de financement. Les produits affectés à ce fonds sont attribués à CCI France. / Le montant minimal de la quote-part nécessaire au financement du fonctionnement de CCI France, de ses missions et des projets de portée nationale est fixé à 19 millions d'euros. / Le solde est réparti par CCI France entre les chambres de commerce et d'industrie de région sur le fondement des études économiques de pondération réalisées lors du dernier renouvellement général. / (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 1347 du code civil : " La compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies. "

5. Pour annuler la délibération du 15 octobre 2019, qui a réparti le produit de la taxe pour frais de chambres au titre de l'année 2020, les premiers juges ont considéré qu'en déduisant de la somme allouée à la CCI Bretagne, dont dépend la CCIMBO, la somme de 7 314 739 euros demeurée impayée par cette dernière, l'assemblée générale de CCI France avait procédé à une compensation qui ne relevait pas de sa compétence entre la somme due à l'Etat par la CCIMBO et la taxe pour frais de chambre à laquelle celle-ci pouvait prétendre en 2020. Toutefois, il ressort des termes du III de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 que le prélèvement qui y est mentionné et qui est l'objet du titre de perception délivré à l'encontre de la CCIMBO a pour bénéficiaire, non l'Etat, mais le fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région mentionné au 2 du III de l'article 1600 du code général des impôts. La circonstance que le titre de perception soit émis par l'Etat ne rend pas celui-ci créancier de la somme à recouvrer, dès lors que cette somme n'était pas destinée à abonder le budget de l'Etat. Aucune compensation ne pouvait donc être opérée avec une créance de l'Etat. De plus, la délibération du 15 octobre 2019 se borne à répartir le produit de la taxe pour frais de chambres entre les chambres de commerce et d'industrie de région sans pour autant éteindre la dette de la CCIMBO vis-à-vis du fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région, le titre de perception du 12 mars 2015 demeurant exécutoire. Par suite, cette délibération n'a ni pour objet ni pour effet de procéder par compensation au recouvrement de la dette de la CCIMBO résultant du titre de perception émis à son encontre. C'est par suite à tort que les premiers juges ont considéré que CCI France avait effectué une compensation ne relevant pas de sa compétence.

6. Il résulte de ce qui précède que CCI France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa délibération du 15 octobre 2019 au motif que l'assemblée générale de CCI France avait procédé à une compensation illégale.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par CCI France :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 711-15 du code du commerce : " CCI France est l'établissement public, placé à la tête du réseau défini à l'article L. 710-1, seul établissement du réseau habilité à représenter auprès de l'Etat et de l'Union européenne ainsi qu'au plan international les intérêts nationaux de l'industrie, du commerce et des services. / (...)". Il est constant que la CCIMBO est membre du réseau consulaire, et que la délibération contestée du 15 octobre 2019, en tant qu'elle réduit le montant de la taxe pour frais de chambres alloué à la CCI de Bretagne, qui devra répartir elle-même cette taxe entre les CCI territoriales relevant de son ressort, parmi lesquelles figure la CCIMBO, a une incidence sur le financement de cette dernière. La CCIMBO justifie, de ce seul fait, d'un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la délibération qui la prive, fut-ce indirectement, de ressources fiscales.

9. D'autre part, si CCI France soutient que la CCIMBO ne peut se prévaloir d'un intérêt à agir fondé sur ses propres manquements, le refus de la CCIMBO de payer le prélèvement prévu à l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 n'est pas de nature à la priver d'intérêt à agir pour contester la légalité de la délibération contestée du 15 octobre 2019.

10. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir soulevée par CCI France et tirée du défaut de qualité pour agir de la CCIMBO doit être écartée.

Sur les autres moyens présentés par la CCIMBO à l'encontre de la délibération du 15 octobre 2019 :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 711-16 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération contestée : " CCI France assure l'animation de l'ensemble du réseau des chambres de commerce et d'industrie. / A ce titre : (...) 10° Elle répartit entre les chambres de commerce et d'industrie de région le produit de la taxe prévue à l'article 1600 du code général des impôts, après avoir déduit la quote-part nécessaire au financement de son fonctionnement, de ses missions et des projets de portée nationale. Le montant minimal de cette quote-part est fixé par arrêté du ministre de tutelle. Après détermination et déduction de cette quote-part, la répartition entre les chambres de commerce et d'industrie de région tient compte des objectifs fixés dans le cadre des conventions d'objectifs et de moyens mentionnées à l'article L. 712-2 du présent code et des résultats de leur performance, des décisions prises par l'assemblée générale de CCI France et de leur réalisation, des besoins des chambres pour assurer leurs missions, de leur poids économique tel que défini à l'article L. 713-13 et en assurant la péréquation nécessaire entre les chambres de commerce et d'industrie, notamment pour tenir compte des particularités locales. Cette répartition est adoptée chaque année par l'assemblée générale de CCI France à la majorité simple des membres présents ou représentés (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige présente le refus persistant de la CCIMBO de s'acquitter du prélèvement prévu par la loi de finances pour 2015 comme une " particularité locale " qui " justifie d'assurer une péréquation spécifique pour éviter que la trésorerie de l'ensemble des CCI du réseau pâtisse du non-versement de cette somme " et, à titre surabondant, souligne que le retrait de la quote-part de la CCI de Bretagne d'une somme équivalente à celle due par la CCI de Morlaix au titre de ce prélèvement, dans le cadre de la répartition de la taxe pour frais de chambre pour 2020, avait été prévu par sa délibération du 9 juillet 2019. D'une part, sur ce second motif, CCI France soutient qu'elle pouvait adopter la délibération du 15 octobre 2019, dès lors que celle-ci tient compte de la délibération du 9 juillet 2019, qui avait fixé en 2020 les orientations pour répartir entre les chambres de commerce et d'industrie de région la taxe pour frais de chambres. Toutefois, ainsi qu'il a été relevé par le jugement attaqué dont il n'a pas été relevé appel sur ce point, la délibération du 9 juillet 2019 constitue un simple acte préparatoire de celle du 15 octobre 2019. Elle ne peut donc constituer une décision prise par l'assemblée générale fondant la répartition au sens du 10° de l'article L. 711-16 du code de commerce. D'autre part, CCI France soutient que le 10° de l'article L. 711-16 du code de commerce lui permet d'adopter une péréquation tenant compte notamment des particularités locales. Toutefois, il ressort des dispositions rappelées au point précédent que la péréquation qu'elles prévoient est destinée à compenser les particularités locales tenant à la situation économique défavorable des CCI rurales et d'outre-mer ou de celles qui ont sur leur territoire un fort taux de quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le refus de la CCIMBO de payer le prélèvement de 7 314 739 euros ne peut être regardé comme une particularité locale au sens de ces dispositions. Enfin, si CCI France fait valoir que l'emploi de l'adverbe " notamment " l'autorisait à prendre en considération d'autres éléments que les seules " particularités locales ", notamment la situation de trésorerie particulière dont bénéficiait la CCIMBO du fait d'un fonds de roulement largement excédentaire, il ressort de la délibération contestée que l'application d'un malus à la CCI Bretagne au titre de la répartition de la taxe pour 2020 n'est pas tant liée à la situation de trésorerie excédentaire de la CCIMBO qu'à son refus de s'acquitter du prélèvement dû au titre de la loi de finances pour 2015. En retirant le montant dû de la somme à répartir, la délibération contestée n'a d'ailleurs opéré aucune péréquation, dès lors qu'elle ne s'inscrit pas véritablement dans le cadre d'un rééquilibrage. La CCIMBO est par suite fondée à soutenir que l'assemblée générale de CCI France ne pouvait, à la date de la délibération en litige, pour procéder à la répartition de la taxe pour frais de chambre entre les CCI de région, prendre en compte, dans les critères de répartition, le refus de la CCIMBO d'acquitter le prélèvement dû en application de l'article 33 de la loi de finances pour 2015. Il s'ensuit que la délibération du 15 octobre 2019 méconnaît l'article L. 711-16 du code de commerce et est entachée d'erreur de droit.

13. En deuxième lieu, CCI France soutient, à titre subsidiaire, que les motifs litigieux de la délibération du 15 octobre 2019 sont légalement fondés en application de l'article D. 712-25 du code de commerce, et du dernier alinéa de l'article R. 712-21 du même code, dans leur rédaction issue du décret n° 2019-1317 du 9 décembre 2019. Toutefois, ces deux demandes de substitution de base légale doivent être écartées, dès lors que les dispositions invoquées de l'article D. 712-25 et de l'article R. 712-21 du code de commerce n'étaient pas entrées encore en vigueur à la date de la délibération attaquée et qu'aucune application anticipée de ces dispositions ne pouvait la fonder légalement.

14. Enfin, CCI France ne soutient pas utilement que la CCIMBO aurait été en situation de compétence liée pour payer la somme de 7 314 539 euros, de sorte que l'ensemble de ses moyens contre la délibération du 15 octobre 2019 seraient inopérants, dès lors qu'en tout état de cause cette délibération n'a pas réglé le sort de la dette de la CCIMBO.

15. Il résulte de tout ce qui précède que CCI France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 15 octobre 2019.

Sur les frais liés au litige :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de CCI France la somme exposée par la CCIMBO au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCIMBO, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que CCI France demande au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de CCI France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la CCI métropolitaine Bretagne Ouest tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à CCI France et à la CCI métropolitaine Bretagne Ouest.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.

La rapporteure,

C. PHAM La présidente,

O. DORIONLa greffière,

S. LOUISERELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03235
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-06-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Organisation professionnelle des activités économiques. - Chambres des métiers. - Attributions.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : AARPI GIDE-LOYRETTE-NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-06;21ve03235 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award