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16/05/2023 | FRANCE | N°21VE00301

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 mai 2023, 21VE00301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, la décision du 23 mai 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique, d'autre part, d'annuler la décision implicite née le 28 mars 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 25 septembre 2017, et d'annuler la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 septembre 2017 autorisant son licencieme

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Par un jugement n° 1804990 du 17 décembre 2020, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, la décision du 23 mai 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique, d'autre part, d'annuler la décision implicite née le 28 mars 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 25 septembre 2017, et d'annuler la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 septembre 2017 autorisant son licenciement.

Par un jugement n° 1804990 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 septembre 2017 autorisant le licenciement de M. A..., ensemble la décision du ministre du travail en date du 23 mai 2018 rejetant le recours hiérarchique de M. A... formé contre cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrés les 1er et 15 février 2021, la société Avis - Location de voitures, représentée par Mes Attali et Tomaszewski, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions de la ministre du travail du 28 mars 2018 et de l'inspecteur du travail du 25 septembre 2017 autorisant le licenciement de M. A... ;

3°) de condamner M. A... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, les faits commis le 31 juillet 2017 par M. A... sont suffisamment graves pour justifier le licenciement disciplinaire de son salarié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2021, M. C... A..., représenté par Me Doudet, avocat, conclut au rejet de la requête, à l'annulation des décisions du 23 mai et du 28 mars 2018 de la ministre du travail ainsi que de la décision du 25 septembre 2017 de l'inspecteur du travail, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, ainsi que les dépens.

Il fait valoir que :

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- l'inspecteur n'a pas suffisamment vérifié que le licenciement envisagé était sans rapport avec son activité syndicale.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de la société Avis - Location de voitures.

Elle se réfère à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Avis - Location de voitures a sollicité l'autorisation de licencier pour faute grave M. A..., exerçant des fonctions de " Station manager " au sein de l'agence de l'aéroport de Lille Lesquin, et titulaire des mandats de délégué du personnel, représentant syndical au comité d'établissement et de délégué syndical. Par une décision du 25 septembre 2017, l'inspecteur du travail de la quatrième section de l'unité de contrôle 5 des Hauts-de-Seine a accordé l'autorisation sollicitée. La société Avis - Location de voitures a notifié à M. A... son licenciement le 28 septembre 2017. Le recours hiérarchique formé par M. A... le 21 novembre 2017 ayant été rejeté par la ministre du travail, de manière implicite puis par une décision explicite du 23 mai 2018, M. A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, la décision du 23 mai 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique, d'autre part, d'annuler la décision implicite née le 28 mars 2018 par laquelle la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 25 septembre 2017, et d'annuler la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 septembre 2017 autorisant son licenciement. La société Avis - Location de voitures fait appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 septembre 2017, ensemble la décision du ministre du travail en date du 23 mai 2018 rejetant le recours hiérarchique formé par M. A....

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Il ressort des pièces du dossier que, le 31 juillet 2017 alors qu'il était présent au sein de l'agence Avis de Lille Flandres, en compagnie du responsable de cette agence, M. A..., responsable d'une autre agence de la même société, a tenu à l'encontre d'une employée de l'agence présente sur place des propos grossiers et vexatoires à caractère sexuel. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que, si les propos en cause étaient établis et fautifs, ils ne revêtaient pas un caractère de gravité suffisant justifiant le licenciement de leur auteur du fait de leur caractère totalement isolé et de l'absence de lien hiérarchique entre M. A... et l'agent visée par ses propos. La société Avis - Location de voitures conteste l'appréciation ainsi portée sur la gravité des faits de son salarié.

4. Si l'incident s'est effectivement produit dans le cadre professionnel, le fait qu'il intervienne en réponse à une demande de la salariée adressée à son supérieur hiérarchique est sans incidence sur le fait que M. A... n'était pas le supérieur hiérarchique de la personne à qui il s'adressait, qu'il connaissait déjà et avec laquelle il entretenait jusqu'alors des relations cordiales. Si cette collaboratrice a déposé plainte contre M. A... le 4 août 2017 sur les conseils de son père, il ressort du témoignage du responsable de l'agence qui a assisté à la scène que l'employée a sur le moment réagi en " rigolant ", en insultant de manière vulgaire l'auteur des propos déplacés tout en jetant vers ce dernier le crayon qu'elle avait en main. Le responsable présent a lui-même pensé à une plaisanterie de mauvais goût entre les deux personnes concernées, avec laquelle il a marqué sa désapprobation mais sans réagir davantage au vu de l'ambiance détendue entre les protagonistes. En outre, si la salariée a signalé le soir-même l'incident à la direction de l'établissement, il n'est pas contesté que M. A... lui a dès le lendemain matin adressé un message téléphonique écrit d'excuses, qu'il a réitéré le soir en des termes sincères, après être venu le même jour présenter ses excuses en personne de vive voix à l'intéressée, laquelle a accepté de les recevoir. Par ailleurs, alors que M. A... est salarié au sein de la société depuis le 1er décembre 2012, aucun comportement déplacé ne lui a jamais été reproché, l'intéressé produisant de nombreux témoignages, y compris d'employées placées sous son autorité, attestant d'un comportement professionnel et respectueux. Dans ces conditions, en dépit de son caractère fautif, cette seule phrase prononcée par M. A... à l'égard d'une salariée, fut-elle d'un niveau hiérarchique inférieur au sien, ne revêt pas une gravité suffisante pour justifier le licenciement de son auteur.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Avis - Location de voitures n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 septembre 2017, ensemble la décision du ministre du travail en date du 23 mai 2018 rejetant le recours hiérarchique de M. A... contre la décision autorisant le licenciement de ce dernier.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à verser la somme demandée par la société Avis - Location de voitures au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens. Pour le même motif, il ne peut être fait droit aux conclusions présentées sur le même fondement par M. A..., lesquelles sont seulement dirigées contre l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ni à celles que M. A... présente au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du même code, en l'absence de dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Avis - Location de voitures est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Avis - Location de voitures, à M. C... A... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

La rapporteure

M-G. B...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE00301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00301
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-05-16;21ve00301 ?
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