Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Par une demande enregistrée sous le numéro 1808128, M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 9 juin 2018, et, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
II. Par une demande enregistrée sous le numéro 1812006, M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en premier lieu, d'annuler la décision du 8 novembre 2018 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise l'a affecté à compter du même jour au service de bloc opératoire du bâtiment médico-chirurgical de cet établissement, en deuxième lieu, d'annuler la décision du 8 novembre 2018 du directeur des ressources humaines du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise portant fin d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire à compter de cette même date du fait de sa nouvelle affectation, en troisième lieu, d'enjoindre au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise de le réintégrer dans ses fonctions au service de sécurité incendie de cet établissement, en quatrième lieu, de condamner le centre hospitalier René-Dubos de Pontoise à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral, en cinquième lieu, de condamner le centre hospitalier René-Dubos de Pontoise à lui verser la somme de 1 500 euros par mois à compter du 8 novembre 2018, et cela jusqu'à ce qu'il soit réintégré dans ses fonctions au service de sécurité incendie de cet établissement, au titre de son préjudice financier.
Par un jugement n° 1808128 et 1812006 du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé la décision du 8 novembre 2018 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise a affecté M. C... au service de bloc opératoire du bâtiment médico-chirurgical du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise, d'autre part, enjoint au directeur du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise de réintégrer M. C..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait de la situation de l'intéressé, dans les fonctions qu'il occupait précédemment au service de sécurité incendie de cet établissement, et ce dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, rejeté le surplus des conclusions de la demande enregistrée sous le numéro 1812006, et rejeté les conclusions de la demande enregistrée sous le numéro 1808128.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2021 et 15 mars 2023, M. F... C..., représenté par Me Salvador, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande enregistrée sous le numéro 1808128 ;
2°) d'annuler la décision du 8 juin 2018 du directeur des ressources humaines du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise prononçant sa suspension de fonctions à titre conservatoire, avec traitement, à compter du 9 juin 2018 ;
3°) de condamner le centre hospitalier René-Dubos de Pontoise à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de rejeter les conclusions présentées par le centre hospitalier René-Dubos.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision du 8 juin 2018 est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dès lors qu'il est constant que le conseil de discipline n'a jamais été saisi, contrairement à ce qui lui a été indiqué par son employeur, et aucune sanction disciplinaire n'a été prise dans le délai de quatre mois, aboutissant à une " incompétence temporelle " ;
- la décision est entachée d'un défaut de motivation, en l'absence d'indication des faits retenus à son encontre et d'existence d'une procédure pénale ;
- aucune poursuite pénale n'a été engagée à son encontre, qui aurait permis de justifier l'absence de saisine du conseil de discipline et la prolongation de sa suspension au-delà du délai de quatre mois ;
- la décision est entachée d'erreur de fait en l'absence d'existence des faits qui lui sont reprochés et d'une procédure pénale ; en particulier, elle est fondée sur un compte-rendu non signé et une synthèse non datée et rédigée par une personne non présente lors de l'entretien relaté ;
- cette mesure constitue une sanction disciplinaire déguisée, son poste ayant été mis à la vacance durant sa suspension.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, le centre hospitalier René-Dubos conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. C... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,
- et les observations de Me Miagkoff, pour M. C... et de Me Beaulac, pour le centre hospitalier René-Dubos de Pontoise.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... est agent de service hospitalier qualifié affecté au service de sécurité incendie du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise. Par une décision du 8 juin 2018, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 9 juin 2018. M. C... a été réintégré dans ses fonctions à compter du 9 octobre 2018 et placé en position de congés du 9 octobre au 7 novembre 2018. Par une première décision du 8 novembre 2018, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise a affecté M. C... à compter du même jour au service de bloc opératoire du bâtiment médico-chirurgical de cet établissement. Il a également pris le même jour une seconde décision portant fin d'attribution par M. C... de la nouvelle bonification indiciaire de 10 points majorés à compter de cette même date du fait de sa nouvelle affectation. M. C... fait appel du jugement du 26 avril 2021 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 juin 2018 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier René-Dubos de Pontoise l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 9 juin 2018, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
2. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version applicable au litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. (...) / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. ".
Sur la légalité externe de la décision en litige :
3. En premier lieu, la circonstance que le centre hospitalier René-Dubos n'a pas saisi le conseil de discipline après l'intervention de la mesure de suspension en litige est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, la mesure de suspension n'ayant pas être suivie de l'engagement d'une procédure disciplinaire, ainsi que le prévoient d'ailleurs les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions pour ce motif doit être écarté.
4. En second lieu, la mesure suspendant un fonctionnaire de ses fonctions est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et non une sanction disciplinaire. Elle ne figure donc pas au nombre des décisions qui doivent être motivées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait dû être motivée doit être rejeté.
Sur la légalité interne de la décision en litige :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été réintégré dans le service à compter du 9 octobre 2018, date à laquelle il a été placé en congés annuels jusqu'au 7 novembre 2018 inclus, puis affecté, à compter du 8 novembre 2018, au service de bloc BMC en qualité de brancardier. Par suite, nonobstant les conditions dans lesquelles il a repris le service et qui ont donné lieu au dépôt d'une main courante de sa part, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure de suspension dont il a fait l'objet aurait excédé la durée maximale de quatre mois prévue par les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 précité. Au surplus, contrairement à ce que soutient l'intéressé, il est établi par les pièces du dossier que M. C... a fait l'objet, ainsi que vingt-sept autres personnes, d'une enquête de police pour malversations, laquelle a été transmise à un magistrat instructeur qui demeurait saisi de son dossier en janvier 2019. Dans ces conditions, le moyen tiré de la durée illégale de la mesure de suspension en litige doit être écarté.
6. En deuxième lieu, la suspension d'un fonctionnaire peut légalement intervenir, dans l'intérêt du service, dès lors que les faits relevés à l'encontre de l'agent présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier une telle mesure. Cette mesure conservatoire, sans caractère disciplinaire, a pour objet d'écarter l'agent du service pendant la durée nécessaire à l'administration pour tirer les conséquences de ce dont il est fait grief à l'agent.
7. Il ressort de la décision du 8 juin 2018, qui vise un rapport du 6 juin 2018 établi par M. E..., directeur technique, et M. A..., directeur des ressources humaines, que M. C... a fait l'objet d'une mesure de suspension de ses fonctions avec traitement au motif que son maintien en poste générait un trouble au bon fonctionnement du service et ne permettait pas de garantir la sécurité des biens et des personnes. Le rapport ainsi visé, s'il n'est pas signé, fait bien état de la présence de MM. E... et A... lors de l'entretien avec M. C..., le secrétariat étant assuré par une troisième personne dont le nom figure également ès qualité sur le compte-rendu d'entretien. S'il ne ressort pas de ce document que Mme D..., qui a également rédigé une note sur les mêmes faits, aurait assisté à l'entretien de M. C..., ce dernier ne conteste pas sérieusement les constatations relatées dans cette note de l'adjointe au directeur synthétisant l'ensemble des auditions auxquelles il a été procédé en interne. Il résulte de ces deux documents qu'à l'instar de plusieurs autres de ses collègues affectés au service de sécurité incendie, le requérant se serait trouvé impliqué dans " un système de délivrance de diplômes [de service de sécurité incendie et d'assistance à personnes] SSIAP à une dimension quasi-industrielle au regard du nombre de diplômes produits chaque année ". Il est précisé par l'adjointe au directeur que dans l'attente de déterminer précisément la nature des fautes professionnelles commises, le maintien en poste des agents impliqués s'avère impossible dès lors notamment que " des entretiens, ressortent clairement des rancœurs interpersonnelles " ou que " certains ont eu des propos menaçants envers d'autres collègues ". Dans ces conditions, nonobstant l'absence d'existence avérée d'une procédure pénale dès le 8 juin 2018, de tels agissements, qui sont de nature à avoir d'importantes répercussions sur le fonctionnement du service chargé d'assurer la sécurité de l'établissement de santé, présentaient, à la date de la décision litigieuse, un caractère de gravité et de vraisemblance suffisants et étaient de nature à justifier la mesure conservatoire attaquée, sans préjudice des suites données à la procédure disciplinaire. A cet égard, la circonstance que l'agent n'a pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour les faits qui lui sont reprochés est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
8. En dernier lieu, une mesure prise à l'encontre d'un agent revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.
9. Les éléments exposés au point 7, alors par ailleurs que rien n'indique que la vacance d'emploi publiée le 12 juin 2018 correspondrait au poste de M. C..., ne permettent pas d'établir qu'en prenant la mesure de suspension de M. C..., l'administration aurait eu l'intention de sanctionner cet agent et non pas, seulement, d'assurer la sécurité de l'établissement de santé dans l'intérêt du service.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de sa demande enregistrée sous le numéro 1808128. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier René-Dubos, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. C... une somme au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 1 500 euros au centre hospitalier René-Dubos sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera au centre hospitalier René-Dubos la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.
La rapporteure,
M.-G. B...Le président,
S. BROTONS
La greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 21VE01847 2