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13/04/2023 | FRANCE | N°20VE02351

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 13 avril 2023, 20VE02351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 15 mai 2018 par laquelle la commune de Neuilly-Plaisance a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et la décision de réduction de sa rémunération révélée par ses bulletins de paie délivrés à compter du mois de décembre 2017, et, d'autre part, de condamner la commune de Neuilly-Plaisance à lui verser la somme de 109 737,68 euros en réparation des primes indûment supprimées, du préjudice moral

et professionnel et des troubles dans ses conditions d'existence consécutifs aux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 15 mai 2018 par laquelle la commune de Neuilly-Plaisance a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et la décision de réduction de sa rémunération révélée par ses bulletins de paie délivrés à compter du mois de décembre 2017, et, d'autre part, de condamner la commune de Neuilly-Plaisance à lui verser la somme de 109 737,68 euros en réparation des primes indûment supprimées, du préjudice moral et professionnel et des troubles dans ses conditions d'existence consécutifs aux agissements de harcèlement moral et de refus de protection fonctionnelle dont elle a fait l'objet, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018 et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1806488 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 9 septembre 2020 et le 26 octobre 2020, Mme E..., représentée par Me Rea, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de condamner la commune de Neuilly-Plaisance à lui verser la somme totale de 118 728,62 euros en réparation des primes indûment supprimées, du préjudice moral, du préjudice professionnel et des troubles dans ses conditions d'existence consécutifs aux agissements de harcèlement moral et de refus de protection fonctionnelle dont elle a fait l'objet, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018 et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Neuilly-Plaisance la somme de 2 160 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a fait l'objet d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur entre 2014 et 2018 qui ont eu pour objet et pour effet la dégradation de ses conditions de travail et qui ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité ; ces faits de harcèlement moral, constitués d'appréciations défavorables injustifiées, de mesures impactant sa rémunération et d'une diminution drastique de ses fonctions, qui sont matériellement établis par les pièces du dossier et, en particulier, les témoignages qu'elle produit, justifiaient que le maire de la commune de Neuilly-Plaisance lui octroie le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- la suppression d'une prime mensuelle de 642,21 euros est illégale dès lors que cette somme ne correspond pas au paiement d'heures supplémentaires qu'elle n'aurait plus effectuées depuis son arrêt de travail mais à une prime mise en place depuis son affectation dans la commune ; en tout état de cause, cette prime a été supprimée en dehors de toute délibération du conseil municipal ;

- le retrait de ses fonctions de directrice de crèche et son affectation au sein d'une autre crèche en tant qu'éducatrice de jeunes enfants constitue une sanction déguisée ;

- elle demande le versement des sommes de 40 000 euros et de 7 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi à la suite du harcèlement moral dont elle a été victime et qui a été nié par la commune en lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence qu'elle évalue à la somme de 57 600 euros correspondant au montant de l'apport pour l'achat d'une maison qu'elle n'a pu réaliser dès lors que les établissements de crédit ont refusé de lui accorder le bénéfice d'un crédit immobilier à la suite de la diminution substantielle de son salaire.

Par un mémoire, enregistré le 8 avril 2021, la commune de Neuilly-Plaisance, représentée par Me Rouquet, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a été nommée par la commune de Neuilly-Plaisance en qualité de directrice de la " crèche du centre " à compter du 21 décembre 2007. Par un courrier du 26 février 2018, Mme E... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès du maire de la commune ainsi que le versement d'indemnités en réparation des préjudices professionnels et moraux qu'elle estimait avoir subis du fait de faits constitutifs de harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet pendant plusieurs années. Par une décision du 15 mai 2018, le maire de la commune de Neuilly-Plaisance a rejeté ses deux demandes. Mme E... relève appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et de la décision de réduction de ses primes révélée par ses bulletins de paie à compter du mois de décembre 2017 et, d'autre part, de condamner la commune de Neuilly-Plaisance à lui verser la somme totale de 118 728,62 euros en réparation des primes indûment supprimées, du préjudice moral et professionnel et des troubles dans ses conditions d'existence consécutifs aux agissements de harcèlement moral et de refus de protection fonctionnelle dont elle aurait fait l'objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de protection fonctionnelle :

2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".

3. Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa version alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

5. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. En premier lieu, Mme E... soutient avoir fait l'objet de reproches injustifiés et sur un ton méprisant de la part de la maire adjointe déléguée aux affaires sociales et à la petite enfance au motif qu'elle n'avait pas procédé à l'évacuation des enfants de la crèche à la suite d'une fuite de gaz survenue le 21 juin 2013, alors que cette décision était imputable à la directrice générale adjointe des services. Il ressort toutefois des échanges de courriers électroniques intervenus le 24 juin 2013 que la maire adjointe a souhaité obtenir auprès de Mme E... des informations sur les raisons pour lesquelles elle n'avait pas été informée de la fuite de gaz survenue le 21 juin 2013 et sur les mesures que Mme E... avait prises pour faire face à cette " situation de crise ". Mme E... lui a indiqué qu'elle ne l'avait pas informée de cet évènement car " elle en avait perdu l'habitude " et non, comme elle le prétend, en raison des pressions exercées par le maire de la commune pour lui interdire d'évoquer cet incident, et précise, par ailleurs, avoir reçu de sa supérieure hiérarchique des instructions lui demandant de ne pas évacuer les enfants de la crèche en l'absence de danger avéré. Si l'élue lui a répondu qu'elle aurait néanmoins dû évacuer les enfants par mesure de sécurité, ces propos, qui n'ont pas été suivis d'autres mesures notamment de nature disciplinaire prises à l'encontre de Mme E..., ne révèlent pas un comportement excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

7. En deuxième lieu, Mme E... soutient qu'en adoptant, lors de la réunion du 1er décembre 2016, une attitude de remontrances plutôt que d'écoute et de compréhension s'agissant des difficultés rencontrées par son service, sa hiérarchie l'aurait poussée à bout afin de la stigmatiser comme un agent refusant de se soumettre aux instructions de ses supérieures hiérarchiques. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier et, notamment, d'un rapport établi le 11 janvier 2017 par la directrice générale adjointe, que lors d'une réunion qui s'est tenue le 1er décembre 2016 en présence de la maire-adjointe et de la directrice générale adjointe des services, Mme E... a été entendue sur la souffrance au travail du personnel de la crèche qu'elle dirigeait et sur l'absence de motivation suscitée par ses supérieures hiérarchiques. Il ressort également des pièces du dossier qu'une enquête administrative a été diligentée le lendemain de cet entretien par ses supérieures hiérarchiques pour apprécier la réalité des souffrances au travail endurées par le personnel de la crèche, tenant ainsi compte des difficultés signalées par Mme E... sur le fonctionnement de la crèche dont elle assurait la direction. Par ailleurs, si la directrice générale adjointe des services et la maire-adjointe ont confirmé, lors de cette réunion du 1er décembre 2016, d'une part, que la requérante ne pouvait prendre ses congés annuels de noël au même moment que son adjoint dans l'intérêt du bon fonctionnement de la crèche et, d'autre part, qu'elle devait adopter un comportement adéquat à ses fonctions de directrice de crèche et respectueux de l'autorité hiérarchique, ces remarques, qui n'excédaient pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne revêtaient pas le caractère de faits constitutifs de harcèlement moral.

8. En troisième lieu, Mme E... soutient que la commune a versé dans son dossier administratif un rapport établi par la directrice de la crèche Pirouette Cahouette sur la base des propos tenus par un agent de la crèche Abbé B... venu renforcer les effectifs pendant les congés de noël, qui porte un discrédit injustifié sur sa gestion de la crèche en raison notamment d'un manque d'hygiène. Elle ajoute que les difficultés constatées dans la gestion de la crèche qu'elle dirigeait trouvent leur origine dans le recrutement d'un agent d'entretien incompétent et une insuffisance chronique de personnel. Toutefois, s'il n'est pas contesté que de nombreux agents de la crèche se sont mis en arrêt maladie en juin 2017, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des comptes rendus des entretiens des agents de la crèche établis les 16 juin, 19 juin et 26 juin 2017, que les difficultés rencontrées par le personnel de la crèche s'expliquent en partie par la distance et l'absence de disponibilité de Mme E... à leur égard. Par ailleurs, Mme E... ne produit aucun document alertant sa hiérarchie sur le manque de personnel dont souffrait la crèche qu'elle dirigeait et sur les difficultés de fonctionnement qu'elle rencontrait. En outre, s'il ressort des pièces du dossier que le seul agent d'entretien intervenant dans la crèche ne faisait pas son travail et ne maintenait pas les locaux dans l'état de propreté qui était attendu, Mme E... n'a pas signalé ces difficultés à sa hiérarchie, ayant décidé de se substituer à cet agent défaillant et ayant même sollicité le renouvellement de son contrat. Dans ces conditions, Mme E... ne saurait soutenir que les critiques de son employeur à l'égard de sa gestion de la crèche seraient infondées et laisseraient présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

9. En quatrième lieu, Mme E... fait valoir qu'à partir du mois de janvier 2017, elle a assuré, en lien avec la maire-adjointe, l'intérim de la direction de la crèche Abbé B... dont la directrice avait démissionné. Elle soutient que la maire-adjointe lui aurait initialement indiqué qu'elle serait chargée du budget, des commandes et des plannings des congés des agents de cette crèche puis qu'elle aurait finalement modifié l'organisation ainsi prévue, alors même que le personnel de cette crèche avait été informé de cette répartition des tâches. Toutefois, Mme E... n'établit pas, en se bornant à produire le courrier électronique de la maire-adjointe du 17 février 2017, que celle-ci aurait modifié à la dernière minute la répartition des tâches fixées pour assurer l'intérim de la crèche Abbé B.... En tout état de cause, à supposer même que les fonctions confiées à Mme E... dans le cadre de cet intérim aient été réduites, cette circonstance ne suffit pas à établir l'existence de faits de nature à faire présumer une situation de harcèlement moral.

10. En cinquième lieu, Mme E... soutient qu'elle a fait l'objet d'une sanction d'avertissement au motif qu'elle a refusé de prendre en compte les modifications demandées par la directrice générale adjointe des services sur les évaluations des agents placés sous sa responsabilité, alors que ce refus était justifié par les nouvelles directives émises par le service des ressources humaines. Il ressort toutefois d'un rapport établi le 24 août 2016, d'un courrier adressé le 29 août 2016 par le maire à Mme E... et de l'arrêté du maire du 19 septembre 2016, que cette sanction disciplinaire a été prononcée en raison notamment du comportement de la requérante lors d'une réunion avec la directrice des ressources humaines adjointe le 1er juillet 2016, Mme E... ayant quitté son bureau sans motif légitime. Ainsi, l'absence de prise en compte par Mme E... des corrections apportées par la directrice générale adjointe des services aux évaluations de ses agents, si elle est évoquée comme un élément parmi d'autres dans le rapport établi par la directrice générale adjointe des services le 24 août 2016, ne constitue pas le motif justifiant la sanction d'avertissement prise à son encontre par le maire de la commune de Neuilly-Plaisance. Par ailleurs, Mme E... soutient que c'est à tort que sa hiérarchie lui a reproché d'avoir, conformément d'ailleurs à la pratique des autres directrices de crèche, organisé un entretien de recrutement d'une candidate au sein de sa crèche sans la présence du service des ressources humaines, dès lors qu'elle avait souhaité ne pas quitter l'établissement afin d'assurer le respect du taux d'encadrement des enfants accueillis dans la structure. Il ressort toutefois d'une attestation établie par le directeur des ressources humaines le 17 août 2018 que le service des ressources humaines n'organisait aucun entretien de recrutement au sein des crèches dès lors que la configuration des lieux ne le permettait pas. En outre, la circonstance que les enfants accueillis devaient être encadrés par un nombre suffisant d'adultes ne suffit pas à justifier que la requérante n'ait pas respecté les pratiques de recrutement préconisées au sein de la commune. Il ressort enfin des pièces du dossier que si des facilités dans le processus de recrutement avaient été accordées à l'adjoint de Mme E..., ce n'est que parce que ce dernier avait assumé seul la direction de la crèche lors du congé maternité de la requérante et en raison de l'absence de nombreux agents de la crèche. Il suit de là que Mme E... n'établit pas que ces notes et courriers rédigés par sa directrice générale adjointe des services et la maire-adjointe en charge de la petite enfance révèleraient une volonté de sa hiérarchie de la " mettre à l'épreuve " ou traduiraient une différence de traitement injustifiée à l'égard de ses collègues.

11. En sixième lieu, Mme E... soutient que sa hiérarchie a refusé de faire droit à sa demande de dispense de participation aux réunions de chefs de service du mardi matin en 2017 alors qu'elle avait des raisons personnelles légitimes pour ne pas y participer. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en réponse à sa demande, le maire de la commune lui a accordé de manière temporaire cette dispense pendant une durée d'un mois en lui demandant soit de décaler les horaires des rendez-vous médicaux de son fils, soit d'obtenir une attestation du centre d'accueil de l'enfant mentionnant l'impossibilité de trouver une autre date et un autre horaire pour la tenue de ces rendez-vous médicaux. Mme E..., qui se borne à soutenir qu'elle n'aurait pas dû être obligée de justifier de cette impossibilité et que sa hiérarchie aurait dû lui accorder toute sa confiance, ne conteste pas n'avoir produit aucun document émanant du centre de guidance où était suivi son fils pour justifier des difficultés à trouver un autre créneau horaire pour assurer ce suivi. Dans ces conditions, le refus de sa hiérarchie de faire droit à sa demande n'est pas susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

12. En septième lieu, Mme E... soutient qu'elle a fait l'objet d'une différence de traitement par rapport aux autres directrices de crèche dès lors qu'elle est la seule directrice à laquelle la hiérarchie a imposé de réaliser trois ouvertures ou fermetures de l'établissement par semaine. Il ressort toutefois des pièces du dossier et, notamment, des plannings de la directrice de la crèche Pirouette Cahouette que celle-ci a assuré trois ouvertures ou fermetures de sa structure par semaine, conformément aux objectifs fixés aux directrices de crèche par la commune afin de permettre aux parents A... les rencontrer plus facilement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et, notamment, d'un courrier électronique de la requérante adressé à la maire-adjointe le 30 mai 2017, que son adjointe ne souhaitait pas faire les ouvertures car " elle n'est pas du matin ". Par suite, Mme E... n'établit pas qu'elle aurait fait l'objet d'un traitement discriminatoire comparativement aux autres directrices de crèche quant aux plannings d'organisation du service.

13. En huitième lieu, Mme E... soutient que la maire adjointe lui a imputé à tort, dans les notes qu'elle a rédigées en 2017, la responsabilité de l'état de saleté dans lequel se trouvait la lingerie de la crèche alors que cette situation s'expliquait par le manque de personnel d'entretien au sein de la structure et l'obsolescence du matériel ménager mis à sa disposition. Il ressort toutefois des pièces du dossier et, notamment, des rapports établis par la maire-adjointe en juin 2017, d'un courrier de parents d'un enfant inscrit à sa crèche et d'un courrier électronique du 31 mai 2017 échangé entre la maire-adjointe et Mme E..., qu'un manque d'hygiène était constaté depuis 2016 au sein de la crèche et plus particulièrement dans la lingerie qui se trouvait dans un état de saleté avancé. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la machine à laver le linge ne fonctionnait pas en raison d'un problème d'entretien qui a été résolu par la société 3C à la demande de la maire-adjointe dans de brefs délais après sa visite des lieux. S'il n'est pas contesté que le nombre d'agents d'entretien a été réduit sensiblement en passant de trois à un, il ressort des pièces du dossier que ce manque de personnel n'est pas lié à une mesure de suppression des effectifs décidée par la commune mais résulte du placement en congé maladie de l'une des agents de propreté en février 2017 et du départ de l'autre agent en mai 2017. Par ailleurs, le seul agent maintenu pour assurer l'entretien de l'office a été renouvelé à la demande de Mme E..., malgré ses problèmes de comportement à l'égard des autres agents et de ses nombreuses erreurs et négligences pourtant relayées à la directrice. Enfin, si Mme E... soutient que le matériel était obsolète, elle ne produit aucun document signalant à sa hiérarchie les difficultés matérielles qu'elle aurait rencontrées. Dans ces conditions, les reproches adressés à Mme E... par sa hiérarchie sur l'état de propreté de l'établissement ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait été victime.

14. En neuvième lieu, Mme E... fait valoir qu'elle a cessé de percevoir une prime mensuelle de 642,21 euros à compter du mois de décembre 2017 alors que le maire de la commune de Neuilly-Plaisance lui avait indiqué, dans le courrier du 17 juillet 2017 par lequel il a décidé de l'affecter sur un poste d'éducateur de jeunes enfants à la crèche Abbé B..., que cette mutation n'affecterait pas sa rémunération. Elle en conclut que la diminution de son salaire, sans délibération du conseil municipal prévoyant la suppression de cette prime, s'assimile à des faits constitutifs de harcèlement moral visant à porter atteinte à son statut. Toutefois, si Mme E... produit ses bulletins de salaire d'octobre, de novembre et décembre 2017, qui font ressortir qu'elle ne perçoit plus, depuis le 1er décembre 2017, la somme mensuelle de 642,20 euros correspondant au versement d'une somme intitulée " HS P av 14 Tit", il ressort des pièces du dossier qu'elle n'exerce plus ses fonctions de directrice de crèche depuis le 14 mai 2017, date à laquelle elle a été placée en congé maladie reconnue imputable au service par une décision du 20 juillet 2017 du maire de la commune de Neuilly-Plaisance. La commune de Neuilly-Plaisance soutient, sans être sérieusement contredite, que ces sommes correspondent non pas au paiement d'une prime mais au paiement d'heures supplémentaires qu'elle avait effectuées. Par suite, ces sommes constituent un élément de rémunération lié, par sa nature, à l'exercice de ses fonctions par l'intéressée. Il suit de là que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la suppression du paiement de cette somme traduirait un comportement constitutif de harcèlement moral.

15. En dixième lieu, Mme E... soutient que son affectation sur un poste d'éducateur de jeunes enfants au sein de la crèche Abbé B... constitue une sanction déguisée dès lors qu'elle entraîne une diminution de ses responsabilités. Il ressort toutefois des pièces du dossier et, notamment, du courrier précité du 17 juillet 2017 que le maire de la commune de Neuilly-Plaisance a considéré qu'en dépit de ses qualités professionnelles dans le domaine de la petite enfance, Mme E... n'était plus à même d'assurer des fonctions de directrice de crèche en raison de ses carences en matière d'encadrement révélées lors des entretiens effectués les 16, 19 et 26 juin 2017 avec les agents de la crèche, qui se manifestaient notamment par un désintérêt pour les agents et une distance à leur égard, une absence de prise en compte de leurs alertes répétées sur l'incompétence de l'agent d'entretien ayant engendré une situation sanitaire à risque et un refus de communication avec les équipes et les parents. Si Mme E... fait valoir qu'elle n'exerce plus de fonctions d'encadrement, il résulte de ce qui précède que ce changement d'affectation a été décidé dans l'intérêt du service compte tenu des difficultés d'encadrement qu'elle rencontrait. Par suite, nonobstant l'avis défavorable de la commission administrative paritaire qui ne liait pas le maire, ce changement d'affectation ne saurait s'analyser ni comme une sanction déguisée prise à l'encontre de Mme E..., ni comme un fait de nature à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

16. En onzième lieu, Mme E... soutient que le refus persistant de la commune de lui restituer ses objets personnels situés dans son ancien bureau démontre la volonté d'opposition systématique et de nuisance que lui manifeste sa hiérarchie. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier et, notamment, d'un courrier du maire de la commune du 20 octobre 2017 que les objets autres que ceux qu'elle a récupérés sont la propriété de la commune et ne peuvent lui être restitués. Si Mme E... indique avoir déposé plainte contre la commune pour non restitution d'affaires personnelles le 29 janvier 2018, elle n'indique pas les suites qui ont été données par le parquet à cette plainte. Par suite, le refus du maire de lui restituer ces objets ne saurait être regardé comme un fait susceptible de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

17. En douzième lieu, Mme E... soutient que l'entretien professionnel du 11 mai 2017 portant sur ses évaluations des années 2015 et 2016 serait entaché de plusieurs irrégularités dès lors qu'elle n'aurait pas été convoquée régulièrement par courrier mais seulement par téléphone, que cet entretien se serait déroulé sans fiche de poste et sans que la fiche d'entretien professionnel lui ait été communiquée et qu'il aurait été mené par sa supérieure hiérarchique directe ainsi que la maire adjointe. Toutefois, à supposer que ces irrégularités aient été commises, elles ne permettent pas à elles seules de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

18. En dernier lieu, Mme E... soutient que les trois témoignages qu'elle produit attestent du contexte de dénigrement et d'humiliation qu'elle a subi comme l'ensemble des agents de la commune, de la part de la direction générale des services. Toutefois, si ces trois attestations comportent des critiques sur la gestion du personnel municipal par la direction générale des services de la commune, elles ne permettent pas, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, d'établir que Mme E... aurait été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de la part de la directrice générale des services et de l'élue chargée de la petite enfance.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme E... ne fait pas état d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Dans ces conditions, le harcèlement moral n'étant pas constitué, le maire de la commune de Neuilly-Plaisance était fondé à refuser de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

En ce qui concerne la décision de suppression de primes :

20. Pour les motifs retenus au point 14 ci-dessus, Mme E... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait fait l'objet d'une décision illégale de suppression de primes, qui serait révélée par l'absence de paiement de la somme de 642,21 euros à compter du mois de décembre 2017 sur ses bulletins de salaires. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation d'une telle décision ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 20 ci-dessus que Mme E... ne démontre pas que la commune de Neuilly-Plaisance aurait commis des illégalités ou eu un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité à son égard. Par suite, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Neuilly-Plaisance, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 160 euros réclamée par Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... le versement de la somme de 2 500 euros que la commune de Neuilly-Plaisance demande au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Neuilly-Plaisance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... et à la commune de Neuilly-Plaisance.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

M. D... La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE02351 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02351
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Travail et emploi - Conditions de travail - Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : D4 AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-04-13;20ve02351 ?
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