Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel la préfète du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours, d'enjoindre à la préfète, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 300 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2200707 du 4 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté, enjoint à la préfète du Loiret de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois et mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2022, la préfète du Loiret demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par Mme A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'arrêté attaqué était entaché d'une erreur de fait, dès lors, d'une part, qu'il ne saurait être tenu compte d'éléments qui n'avaient pas été soumis à l'administration avant l'arrêté attaqué, d'autre part, que les autres motifs suffisent à justifier l'arrêté attaqué ;
- cet arrêté ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Duplantier, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, à ce qu'il soit enjoint au préfet territorialement compétent, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 300 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 199.
Elle soutient que :
- le moyen retenu par le jugement attaqué pour annuler l'arrêté du 7 février 2022 est fondé ;
- cet arrêté méconnaît en outre son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par une décision du 10 janvier 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles a admis Mme C... B... épouse A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La demande d'asile de Mme B... épouse A..., ressortissante mauritanienne née le 27 octobre 1998, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides par une décision du 6 novembre 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 octobre 2021. Par un arrêté du 7 février 2022 la préfète du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète du Loiret relève appel du jugement du 4 mai 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour décider d'obliger Mme A... à quitter le territoire français, la préfète du Loiret s'est fondée sur la circonstance, prévue par les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'intéressée s'était définitivement vue refuser la reconnaissance de la qualité de réfugiée. Si elle a également relevé qu'elle était célibataire, certes à tort, dès lors que l'intéressée a justifié en première instance s'être mariée le 27 novembre 2021 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident, pour en déduire que la mesure d'éloignement ainsi prise ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, elle n'a pas ainsi entendu justifier sa décision par un motif distinct. Dans ces conditions, la préfète du Loiret est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur de fait pour annuler l'arrêté du 7 février 2022.
3. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans à l'encontre de l'arrêté du 7 février 2022.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 février 2022 :
4. En premier lieu, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Or, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, ce dernier ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient ainsi, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.
5. En l'espèce, si Mme A... soutient qu'elle n'a pas été entendue depuis la décision de la cour nationale du droit d'asile du 27 octobre 2021 rejetant définitivement sa demande d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été empêchée de présenter elle-même les éléments relatifs à sa situation personnelle, en particulier ceux concernant son mariage. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit d'être entendu qu'elle tient du principe général du droit de l'Union.
6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Loiret n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A..., au vu des éléments que cette dernière lui avait soumis, avant de prendre l'arrêté attaqué.
7. En troisième lieu, Mme A..., qui soutient résider en France depuis le 30 août 2019, est mariée depuis le 27 novembre 2021 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié. Toutefois, l'intéressée ne fournit aucune précision ni justification quant à l'ancienneté de la relation qu'elle a pu entretenir auparavant avec ce dernier. Ainsi, eu égard à la durée de sa présence en France et au caractère très récent de ce mariage, l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En quatrième lieu, si Mme A... soutient, outre les éléments évoqués au point précédent, qu'elle poursuivait à la date de l'arrêté attaqué des études à l'université de Bordeaux, sans fournir d'autre précision, l'ensemble de ces éléments n'est pas de nature à démontrer que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance doivent être rejetées. Il en va de même s'agissant de ses conclusions à fin d'injonction et de celles relatives aux frais d'instance présentées en appel.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2200707 du tribunal administratif d'Orléans du 4 mai 2022 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... devant la cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... B... épouse A....
Copie en sera adressée à la préfète du Loiret.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre
M. Mauny, président assesseur,
Mme Troalen, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.
La rapporteure,
E. D...Le président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 22VE01205 002