Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme J... C..., Mme F... E..., M. I... E..., M. B... H..., Mme O... C..., M. A... M..., Mme L... P... et M. G... P..., ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 février 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par M. K... D... en vue de la coupe et de l'abattage d'arbres sur un terrain situé 16 rue Neuve et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2002537 du 7 octobre 2021 le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 20 février 2020 et mis à la charge de la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée sous le n° 21VE03346 le 10 décembre 2021 et un mémoire enregistré le 20 février 2023, la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin, représentée par Me Tissier-Lotz, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme C... et autres devant le tribunal administratif d'Orléans ;
3°) de mettre à leur charge solidaire la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les requérants justifient d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué était entaché d'inexactitude matérielle des faits, le motif de cet arrêté n'étant pas tiré de l'état malade des arbres dont l'abattage était sollicité ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué avait été pris en méconnaissance des dispositions combinées de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et de l'article U 13 du plan local d'urbanisme ;
- dans l'hypothèse où la cour estimerait que l'arrêté est fondé sur l'état malade des arbres, il y a lieu de neutraliser ce motif, la décision étant suffisamment justifiée par ses autres motifs ;
- les moyens invoqués en première instance par Mme C... et autres sont infondés ;
- les nouveaux moyens invoqués en appel sont infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2023, M. G... P..., Mme L... P..., M. I... E..., Mme F... E..., Mme O... C... et M. A... M..., représentés par Me Massaguer, demandent à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 février 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir ;
- les moyens d'annulation retenus par les premiers juges sont fondés ;
- l'arrêté du 20 février 2020 est illégal pour les autres motifs exposés en première instance ;
- en outre, le défaut d'obtention préalable d'une autorisation de défrichement en application des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme entache l'arrêté attaqué d'illégalité ;
- la déclaration préalable présente un caractère frauduleux ;
- le dossier joint à la déclaration préalable est dépourvu d'étude d'impact ou de décision de l'autorité environnementale l'en dispensant.
II - Par une requête enregistrée sous le n° 21VE03348, le 11 décembre 2021 et un mémoire enregistré le 21 février 2023 M. D..., représenté par Me d'Albert des Essarts, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2002537 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme C... et autres devant le tribunal administratif d'Orléans ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... et autres la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il vise une note en délibéré présentée en son nom alors qu'il n'en a jamais déposé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué était entaché d'inexactitude matérielle des faits, le motif de cet arrêté n'étant pas tiré de l'état malade des arbres dont l'abattage était sollicité ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué avait été pris en méconnaissance des dispositions combinées de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et de l'article U 13 du plan local d'urbanisme ;
- les moyens invoqués en première instance par Mme C... et autres sont infondés pour les mêmes motifs que ceux exposés en première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2023, M. G... P..., Mme L... P..., M. I... E..., Mme F... E..., Mme O... C... et M. A... M..., représentés par Me Massaguer, demandent à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de M. D... ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 février 2020 ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est régulier ;
- les moyens d'annulation retenus par les premiers juges sont fondés ;
- l'arrêté du 20 février 2020 est illégal pour les autres motifs exposés en première instance ;
- en outre, le défaut d'obtention préalable d'une autorisation de défrichement en application des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme entache l'arrêté attaqué d'illégalité ;
- la déclaration préalable présente un caractère frauduleux ;
- le dossier joint à la déclaration préalable est dépourvu d'étude d'impact ou de décision de l'autorité environnementale l'en dispensant.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme N...,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tissier-Lotz, représentant la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin, de Me Reymond, représentant M. D... et de Me Ziemendorf substituant Me Massaguer, représentant Mme C... et autres.
Des notes en délibéré, présentées pour Mme C... et autres, ont été enregistrée les 10 et 14 mars 2023.
Des notes en délibéré, présentées pour la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin ont été enregistrée les 10 et 13 mars 2023.
Une note en délibéré, présentée pour M. D..., a été enregistrée le 13 mars 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a déposé le 30 janvier 2020 une déclaration préalable portant sur la coupe, l'abattage et la replantation d'arbres sur un terrain situé 16 rue Neuve à Saint-Pryvé-Saint-Mesmin. Par un arrêté du 20 février 2020, le maire de cette commune ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable, sous réserve, en particulier, que les arbres replantés soient si possible d'une espèce comparable en hauteur et en port. Par un jugement du 7 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté à la demande de Mme J... C... et d'autres voisins de la parcelle concernée. Par la requête n° 21VE03346, la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin demande l'annulation de ce jugement. Par la requête n° 21VE03348, M. D... formule la même demande.
2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Elles présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par le même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. L'article R. 741-2 du code de justice administrative prévoit que lorsqu'une partie adresse une note en délibéré, sa production est mentionnée dans la décision. L'objet de cette obligation est de permettre à l'auteur de la note en délibéré de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance. Par suite si le jugement attaqué mentionne à tort la production d'une note en délibéré par M. D..., alors que ni ce dernier, ni aucune autre partie n'a produit une telle note dans cette instance, une telle circonstance n'est pas de nature à entacher la régularité de ce jugement dès lors que M. D... n'a pas été privé de la garantie offerte par l'obligation prévue par l'article R. 741-2 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
6. A l'exception de Mme J... C..., qui a indiqué résider " à titre secondaire " chez sa mère, l'ensemble des requérants ayant saisi le tribunal administratif d'Orléans habitent des pavillons avec jardin situés sur des parcelles mitoyennes de celle du projet en litige, sur laquelle ils bénéficient d'une vue directe, et justifient, hormis M. H..., de leur qualité de propriétaires. Ils font valoir que le projet de coupe et d'abattage de l'ensemble des arbres de la parcelle présenté par M. D... est de nature à porter atteinte à la qualité de leur cadre de vie verdoyant. Il ressort des pièces du dossier que le projet, eu égard à sa localisation, à sa nature, et à son ampleur, est ainsi de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien, alors même qu'une replantation d'arbres est prévue. Dans ces conditions, les intéressés, à l'exception de Mme J... C..., justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté du 20 février 2020. Par suite, la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin n'est pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable.
7. En deuxième lieu, pour autoriser l'abattage de l'intégralité des arbres se trouvant sur le terrain situé 16 rue Neuve, le maire de la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin, après avoir indiqué que l'espace boisé avait été identifié par le plan local d'urbanisme comme un élément de paysage à protéger, a fait référence à certaines conclusions de l'étude phytosanitaire jointe à la déclaration préalable, lesquelles relevaient l'affaiblissement d'une partie des arbres et l'état sanitaire relativement dégradé de nombreux sujets. M. D... ainsi que la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin sont ainsi fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur l'inexactitude matérielle des faits qui aurait entaché l'arrêté du 20 février, ce dernier n'étant pas fondé sur la circonstance que l'ensemble des arbres composant le boisement étaient malades.
8. En troisième lieu, le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin, applicable à la date de l'arrêté attaqué a identifié les boisements aux alentours de la rue Neuve comme un élément de paysage, doté du numéro 8, à protéger au sens des dispositions du 7° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, lesquelles, dans leur version en vigueur à la date d'approbation de ce plan, disposent que le règlement du plan peut " identifier et localiser les éléments de paysage (...) à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur protection ". Si l'article 3-2 des dispositions générales du règlement du PLU de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin prévoit que le plan de zonage peut identifier, en application des dispositions précitées du code de l'urbanisme, des éléments de paysage dont la destruction est interdite, le règlement n'a pas prescrit une telle interdiction pour les éléments qu'il a identifiés et en particulier pas pour l'élément n° 8. Néanmoins, d'une part, les dispositions du h) de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme dans leur version en vigueur à la date de l'approbation du PLU de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin subordonnaient la réalisation " de travaux ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément que le plan local d'urbanisme (...) a identifié, en application du 7° de l'article [L. 123-1], comme présentant un intérêt (...) paysager " au dépôt d'une déclaration préalable. D'autre part, les dispositions de l'article U 13 du PLU, applicables tant aux espaces boisés classés qu'aux espaces paysagers identifiés en application du 7° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, prévoyaient que " les arbres existants doivent être préservés au maximum. Le projet doit respecter les plus beaux sujets ".
9. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il appartenait à la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin de statuer sur la déclaration préalable relative à l'abattage d'arbres situés dans l'élément de paysage à protéger n° 8 présentée par M. D... à l'aune de l'objectif général de préservation des arbres composant le boisement objet de la demande, et eu égard aux motifs avancés par le pétitionnaire.
10. En l'espèce, M. D... a présenté une déclaration préalable portant sur l'abattage de l'ensemble des arbres situés sur les parcelles n° 31 et 112, en mentionnant qu'il s'agissait " d'arbres malades ". Toutefois, le rapport de diagnostic phytosanitaire des arbres, qu'il a produit à l'appui de sa déclaration, dont les conclusions ont été reprises, tel qu'indiqué au point 7, dans l'arrêté attaqué, note que 46 % des arbres présentent une bonne vitalité et que 28 % ont une croissance satisfaisante. Ce rapport, qui estime certes que 8 % des arbres sont dépérissants et que 26 % sont affaiblis, ne préconise l'abattage que de treize des cent deux arbres étudiés, pour des motifs de sécurité ou de gestion, et mentionne que 64 % des arbres ne sont pas ou peu altérés par les phénomènes de dégradation observés sur la parcelle. Ainsi, en l'absence de motif avancé par le pétitionnaire pour justifier l'abattage des arbres sains des deux parcelles, en ne s'opposant pas à la déclaration d'abattage de l'ensemble des arbres, parmi lesquels figuraient majoritairement des arbres adultes, le maire de la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin a méconnu l'objectif de préservation de l'élément de paysage n° 8 fixé par les dispositions de l'article U13 du PLU de la commune, alors même que la déclaration préalable prévoyait la replantation du même nombre d'arbres. Dès lors, M. D... et la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 20 février 2020.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin la somme totale de 2 000 euros à verser à Mme C... et autres au titre des frais d'instance. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... et autres la somme que M. D... et la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin demandent au titre des frais d'instance. Il n'y a pas lieu, en outre, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par Mme C... et autres au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 21VE03346 présentée par M. D... est rejetée.
Article 2 : La requête n° 21VE03348 présentée par la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin est rejetée.
Article 3 : La commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin versera la somme totale de 2 000 euros à Mme C... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... et autres est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin, à M. K... D... et à Mme O... C..., pour l'ensemble des défendeurs.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.
La rapporteure,
E. N...Le président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N°s 21VE03346-21VE03348002