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21/03/2023 | FRANCE | N°20VE03237

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 21 mars 2023, 20VE03237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu d'annuler la décision du 20 décembre 2018 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Trianon a accepté sa démission et l'a radiée des effectifs, ensemble le rejet de son recours gracieux, en deuxième lieu d'annuler la décision du 16 novembre 2018 par laquelle cette autorité a refusé, d'une part, de la placer en disponibilité pour convenances personnelles

et, d'autre part, de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu d'annuler la décision du 20 décembre 2018 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Trianon a accepté sa démission et l'a radiée des effectifs, ensemble le rejet de son recours gracieux, en deuxième lieu d'annuler la décision du 16 novembre 2018 par laquelle cette autorité a refusé, d'une part, de la placer en disponibilité pour convenances personnelles et, d'autre part, de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis de ce fait, en troisième lieu de condamner l'EHPAD Résidence Trianon à lui verser une somme de 11 699,28 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait des fautes qu'il a commises, en quatrième lieu d'enjoindre à l'EHPAD Résidence Trianon de la placer rétroactivement en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er janvier 2019 et de reconstituer sa carrière et ses droits à retraite ou, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1902110 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 16 novembre 2018 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 décembre 2020 et le 10 février 2023, Mme C... B..., représentée par Me Batôt, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler la décision du 15 avril 2019 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Trianon a rejeté son recours gracieux et indemnitaire formé le 20 février 2019, ensemble la décision du 20 décembre 2018 portant acceptation de sa démission et la décision du 16 novembre 2018 portant rejet de sa demande de disponibilité d'office pour convenances personnelles ;

3°) d'enjoindre à l'EHPAD Résidence Trianon de la réintégrer dans les cadres de la fonction publique et dans les effectifs de l'établissement à compter du 1er janvier 2019, de la placer en disponibilité pour convenances personnelles à compter de la même date, de reconstituer sa carrière, notamment en matière d'avancement, et ses droits à retraite, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;

4°) de condamner l'EHPAD Résidence Trianon à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par l'établissement ;

5°) de condamner l'EHPAD Résidence Trianon à lui verser la somme de 3 316,05 euros, au titre des frais liés à la première instance, et la somme de 2 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ; d'une part en raison de l'absence de réponse au moyen tiré du détournement de pouvoir dirigé contre la décision du 16 novembre 2018, lequel n'était pas inopérant ; d'autre part, en ce qu'il est insuffisamment motivé quant aux raisons pour lesquelles les juges ont écarté le moyen tiré du détournement de pouvoir ; enfin, le tribunal a omis de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées au titre de l'illégalité de la décision du 16 novembre 2018 ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit, d'erreur de qualification des faits et d'erreurs d'appréciation des faits ;

- la décision du 20 décembre 2018 est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de disponibilité puisque ces deux décisions sont étroitement liées, la seconde étant la conséquence directe de la première ainsi que l'enchainement des faits le démontre ; l'injonction d'accorder le placement en disponibilité pour convenances personnelles aurait rendu sans objet la demande de démission ;

- elle est également illégale au regard des dispositions de la loi du 9 janvier 1986, sa demande de démission ne présentant pas le caractère non-équivoque requis puisqu'elle est intervenue sous la contrainte de l'EHPAD, dans un contexte de travail très dégradé, et en raison du refus de mise en disponibilité fautif qui lui a été opposé ;

- la responsabilité de l'EHPAD Résidence Trianon est engagée en raison de l'illégalité fautive de la décision du 16 novembre 2018 dont il résulte un préjudice direct et certain de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de démissionner ;

- le préjudice doit s'apprécier au regard de l'importance de la faute, laquelle résulte d'un détournement de pouvoir consistant à éviter d'avoir à la licencier pour invalidité ;

- la responsabilité de l'EHPAD Résidence Trianon est également engagée en raison du harcèlement moral qu'elle a subi durant son congé de maladie, afin d'obtenir sa démission ;

- elle a droit à l'octroi d'une somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral ;

- l'indemnisation des frais liés à la première instance qui lui a été accordée a été largement sous-évaluée au regard des frais dont elle justifie ;

- l'annulation de la décision du 20 décembre 2018 emporte nécessairement sa réintégration rétroactive dans la fonction publique, au titre des effectifs de l'EHPAD, ainsi que sa reconstitution de carrière avec droits à avancement et à retraite, son placement en disponibilité à compter du 1er janvier 2019 résultant de l'annulation de la décision du 16 novembre 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2022, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Trianon, représenté par Me Cayla-Destrem, avocate, conclut au rejet de la requête, par des conclusions incidentes à l'infirmation du jugement en tant qu'il a annulé la décision du 16 novembre 2018 et qu'il l'a condamné à verser à Mme B... la somme de 1 200 euros au titre des frais liés à l'instance, et à ce que Mme B... soit condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement est régulier ;

- la décision du 16 novembre 2018 n'est pas entachée d'un vice de procédure ;

- il était fondé à opposer le congé de longue durée comme motif de refus d'une disponibilité pour convenances personnelles ;

- en tout état de cause, il a entendu refuser cette mise en disponibilité pour nécessité de service ;

- les moyens soulevés en première instance sont inopérants ou non fondés, comme ceux d'appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Batôt, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., infirmière titulaire de la fonction publique hospitalière depuis 2014, a été recrutée au sein de l'EHPAD Résidence Trianon de Patay le 1er juin 2017. Placée en congé de maladie du 19 septembre 2017 au 2 mars 2018, puis en congé de longue maladie du 13 avril 2018 au 12 avril 2019, Mme B... a sollicité une disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er janvier 2019, afin de travailler dans un laboratoire d'analyses privé. Cette demande a été refusée par une décision du 16 novembre 2018. Mme B... a alors présenté sa démission par un courrier du 12 décembre 2018, laquelle a été acceptée par une décision du 20 décembre 2018. Mme B... a été radiée des effectifs de l'EHPAD Résidence Trianon à compter du 1er janvier 2019. Par un recours gracieux et indemnitaire du 20 février 2019, Mme B... a sollicité l'annulation des décisions des 16 novembre et 20 décembre 2018, son placement rétroactif en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er janvier 2019, la reconstitution de sa carrière et de ses droits à retraite, ainsi que le versement de la somme de 14 819,28 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité des deux décisions dont elle demandait l'annulation. Ce recours a été rejeté par la directrice de l'EHPAD Résidence Trianon le 15 avril 2019. Par un jugement du 13 octobre 2020, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir annulé la décision du 16 novembre 2018, a rejeté le surplus de la demande de Mme B.... Par la requête susvisée, Mme B... doit être regardée comme demandant à la cour, d'une part, d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et d'annuler la décision du 20 décembre 2018, ensemble la décision du 15 avril 2019 rejetant son recours gracieux et indemnitaire formé le 20 février 2019, et d'autre part de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'ensemble des fautes commises par l'EHPAD Résidence Trianon, y compris au titre de l'illégalité de la décision du 16 novembre 2018.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, d'une part, il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui a visé un moyen tiré du détournement de pouvoir affectant la décision du 16 novembre 2018, n'avait pas à se prononcer explicitement sur ce moyen dès lors qu'il a prononcé l'annulation au fond de la décision en litige. D'autre part, si la requérante soutient qu'en ne statuant pas sur ce moyen de fond, les juges de première instance n'ont pas correctement apprécié la gravité de la faute commise ni, par suite, l'importance de ses préjudices, l'indemnisation d'un préjudice de congés payés et d'un préjudice moral ne dépend pas de la nature de l'illégalité fautive retenue par le tribunal administratif, dès lors que ce dernier a par ailleurs écarté l'existence d'un harcèlement moral à l'égard de Mme B.... Dans ces conditions, en indiquant " sur la légalité de la décision du 16 novembre 2018 et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens dirigés contre cette décision ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision en réponse à ce moyen. Par suite, les moyens tirés de l'omission de répondre à un moyen qui n'était pas inopérant, et celui tiré de l'insuffisante motivation du jugement, doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis de statuer sur les conclusions de la demande tendant à l'indemnisation du préjudice moral subi par Mme B... à raison de l'illégalité de la décision du 16 novembre 2018 par laquelle l'EHPAD Résidence Trianon a refusé à l'intéressée l'octroi d'une mise à disposition pour convenances personnelles. Par suite, le jugement attaqué est, sur ce point, entaché d'irrégularité et doit être annulé dans cette mesure.

4. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que le jugement serait entaché d'erreurs de droit, d'erreur de qualification des faits et d'erreurs d'appréciation des faits ont trait au bien-fondé de l'appréciation portée par les premiers juges et sont, par suite, sans incidence sur la régularité de celui-ci.

Sur les conclusions incidentes présentées par l'EHPAD Résidence Trianon :

5. En premier lieu, les articles 31 et 38 du décret du 13 octobre 1988 disposent respectivement : " La mise en disponibilité peut être accordée, sur demande du fonctionnaire et sous réserve des nécessités du service, dans les cas suivants : / (...) / 2° Pour convenances personnelles : la durée de la disponibilité ne peut, dans ce cas, excéder trois ans ; la disponibilité est renouvelable, mais ne peut dépasser au total dix années pour l'ensemble de la carrière. " et " Dans les cas prévus aux articles 2, 12, 13 (à l'exception des détachements accordés de plein droit), au troisième alinéa de l'article 17 et aux articles 24-1, 31, 32 et 33, la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination ne peut intervenir qu'après avis de la commission ou des commissions administratives paritaires compétentes. ".

6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressée d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

7. En l'espèce, il est constant que la commission administrative paritaire compétente ne s'est pas prononcée sur la demande de disponibilité pour convenances personnelles présentée par Mme B... préalablement à l'édiction de la décision du 16 novembre 2018, annulée par le tribunal administratif. L'EHPAD Résidence Trianon fait valoir que cette omission n'a pas exercé une influence sur le sens sur la décision qu'il a prise, l'avis de la commission administrative paritaire ne liant pas l'administration, et qu'elle n'a pas eu pour effet d'affecter la compétence de son auteur. Toutefois, et nonobstant l'absence de demande de saisine de cette commission par Mme B... dès lors que cette consultation était obligatoire, ce défaut de consultation de la commission administrative paritaire a privé la requérante de la garantie de voir sa situation examinée par une instance paritaire et, par suite, entache d'irrégularité le refus opposé à l'intéressée le 16 novembre 2018.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 dans sa version applicable au présent litige : " Hormis les cas où le détachement et la mise en disponibilité sont de droit, une administration ne peut s'opposer à la demande de l'un de ses fonctionnaires tendant, avec l'accord (...) de l'organisme (...) privé d'accueil, à être placé dans l'une de ces positions statutaires (...) qu'en raison des nécessités du service ou, le cas échéant, d'un avis rendu par la commission de déontologie mentionnée à l'article 25 octies. (...) ". Aux termes de l'article 12 bis de cette même loi, alors en vigueur : " I.- Le fonctionnaire est placé dans une des positions suivantes : / 1° Activité ; / 2° Détachement ; / 3° Disponibilité ; /4° Congé parental. (...) ". Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 27 du décret du 19 avril 1988 : " Le fonctionnaire en congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, sauf les activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation. ".

9. Il résulte des dispositions citées au point précédent, dont il ne ressort aucune interdiction faite à l'administration d'octroyer une disponibilité pour convenances personnelles à un agent placé en congé de longue maladie, que si Mme B... n'aurait pu être placée simultanément en position d'activité et en position de disponibilité, la circonstance que la requérante bénéficiait d'un congé de longue maladie n'était de nature ni à priver l'intéressée de la possibilité de solliciter un changement de position statutaire, ni à contraindre son employeur à lui refuser un tel changement au bénéfice du placement en disponibilité pour convenances personnelles qu'elle sollicitait. Par suite, contrairement à ce que l'EHPAD Résidence Trianon soutient, il n'était pas fondé à refuser à Mme B... un placement en disponibilité pour convenances personnelles au seul motif que l'agent bénéficiait à la date de sa demande d'un congé de longue maladie courant jusqu'au 12 avril 2019.

10. En dernier lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation a été demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 9, la décision en litige a refusé à Mme B... son placement en disponibilité pour convenances personnelles au motif qu'elle bénéficiait d'un congé de longue maladie valable jusqu'au 12 avril 2019. Cette circonstance ne pouvait pas, à elle seule, en application des dispositions de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires citées au point 8, justifier cette décision. Ainsi, le motif fondant la décision qui a été annulée est entaché d'erreur de droit. Pour établir la légalité de sa décision, l'EHPAD Résidence Trianon invoque, dans son mémoire en défense communiqué à Mme B..., le motif tiré de sa volonté de maintenir cet agent dans ses effectifs afin de garantir la continuité du service une fois le congé de longue maladie de l'intéressée expiré, soit à compter du 12 avril 2019. Un tel motif, lié aux nécessités du service, serait de nature à fonder légalement la décision en litige.

12. Toutefois, si, pour justifier du bien-fondé de ce motif, l'EHPAD Résidence Trianon produit pour la première fois en cause d'appel, les plannings de travail des six infirmières qu'il a employées au cours de l'année 2008, lesquels font apparaitre un absentéisme cumulé de ses personnels équivalent à 1 an, 2 mois et 26 jours de travail, ce qui n'est pas contesté, il ressort de la décision du 16 novembre 2018 que l'employeur a indiqué à Mme B... que la situation de cette dernière allait " probablement aboutir à une incapacité d'exercice puis à une invalidité ". Dans ces conditions, l'EHPAD Résidence Trianon, qui ne justifie pas de difficultés de recrutement, et a dès le 20 décembre 2018 accepté la démission de son agent, ne démontre pas qu'il envisageait le maintien de cette dernière dans ses effectifs au-delà du terme du congé de longue durée dont bénéficiait cet agent. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que l'EHPAD Résidence Trianon aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif. Il n'y a donc pas lieu de procéder à la substitution demandée.

13. Il résulte de ce qui précède que l'EHPAD Résidence Trianon n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 16 novembre 2018, par laquelle il a refusé d'accorder à Mme B... une disponibilité pour convenances personnelles. Par suite, les conclusions incidentes présentées par l'EHPAD Résidence Trianon doivent être rejetées.

Sur les conclusions de l'appel principal :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 décembre 2018 :

14. En premier lieu, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

15. Si la demande de démission formée par Mme B... le 12 décembre 2018 est consécutive au refus de placement en disponibilité pour convenances personnelles qui lui a été opposé le 16 novembre 2018, en revanche, la décision acceptant cette décision et la radiant des cadres ne peut être regardée comme étant intervenue en raison du refus antérieurement opposé, l'intéressée pouvant à la suite de ce refus choisir son maintien en congé de longue maladie, voire contester cette première décision avant d'envisager de démissionner, ce qu'elle n'a pas fait. De même, le refus du tribunal administratif d'enjoindre à l'EHPAD Résidence Trianon de placer Mme B... en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er janvier 2019 est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, intervenue en réponse à la demande présentée par l'agent d'être radiée des cadres de la fonction publique à compter de la même date. Dans ces conditions, l'annulation de la décision du 16 novembre 2018 n'implique pas l'annulation, par voie de conséquence, de la décision du 20 décembre suivant.

16. En deuxième lieu, l'article 87 de la loi du 9 janvier 1986 dispose : " La démission ne peut résulter que d'une demande écrite du fonctionnaire marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions. (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a déposé une demande de démission le 12 décembre 2018 en raison du refus opposé à sa demande précédente de disponibilité pour convenances personnelles le 16 novembre 2018, par laquelle l'intéressée a précisément voulu obtenir sa radiation des cadres de la fonction publique à compter du 1er janvier 2019. Si la requérante soutient avoir voulu éviter un licenciement pour inaptitude physique, ne pas manquer l'opportunité d'un poste compatible avec son état de santé et lui permettant de maintenir son niveau de rémunération, ces circonstances, de même que le caractère illégal de la décision du 16 novembre 2018, que l'agent n'a pas contestée avant d'envoyer son courrier de démission, et le délai de réponse très bref dans lequel l'employeur a accepté sa démission, sont sans incidence sur le caractère non-équivoque des termes de sa demande. En outre, si Mme B... soutient qu'elle a démissionné sous la pression exercée par son employeur, il ressort des pièces du dossier qu'elle a formulé sa demande par écrit près d'un mois après que l'EHPAD Résidence Trianon ait refusé sa demande de disponibilité le 16 novembre 2018, alors qu'elle se trouvait en congé de longue maladie, et en vue d'exercer des fonctions dans un laboratoire d'analyses privé. A cet égard, la formule " contrainte de démissionner " ne peut être regardée, en l'espèce, comme traduisant une pression de la part de l'employeur. De même, il ne ressort pas du procès-verbal, établi par un huissier le 3 juin 2019, que le message téléphonique vocal retranscrit dans ce constat aurait eu pour intention de nuire à l'intéressée, l'auteur du message y exprimant sa perplexité et ses craintes face à l'absence de nouvelles de la part de Mme B..., alors au demeurant qu'il a été émis le 13 décembre 2018, soit le lendemain du dépôt de la demande de démission qu'il n'a, par suite, pu influencer. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas établi par la pièce produite en dernier lieu par Mme B... que l'ambiance de travail au sein de l'établissement aurait été particulièrement dégradée, la démission de la requérante ne peut être regardée comme ayant été donnée sous la contrainte. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait illégale au regard de l'article 87 de la loi du 9 janvier 1986 en raison du caractère équivoque de sa demande de démission.

18. Enfin et pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

En ce qui concerne la responsabilité de l'EHPAD Résidence Trianon :

19. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que l'illégalité de la décision du 16 novembre 2018 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'EHPAD Résidence Trianon à l'égard de Mme B... à raison des préjudices certains et directs qu'elle a causés et qu'il appartient à l'intéressée d'établir.

20. Par suite de ce qui a été dit au point 3, il y a lieu de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... au titre du préjudice moral résultant de l'illégalité de la décision précitée par voie d'évocation.

21. Mme B... se prévaut de l'existence d'un grave préjudice moral résultant de la perte de repères, de la contrainte dans laquelle elle s'est trouvée de devoir démissionner et des menaces émises à son endroit. Indépendamment du motif retenu comme entachant d'illégalité la décision du 16 novembre 2018, et dans les circonstances particulières de l'espèce, les conditions dans lesquelles l'intéressée a été amenée à démissionner et a ainsi été privée de la possibilité de réintégrer ultérieurement la fonction publique hospitalière, ont causé à la requérante un préjudice moral en raison de la perte des garanties professionnelles attachées à son statut de fonctionnaire. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à la requérante la somme de 2 000 euros.

22. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 17 du présent arrêt que Mme B... n'établit pas l'existence d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral qu'elle prétend avoir subi de la part de son employeur. Par suite, les conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice moral à ce titre ne peuvent qu'être écartées.

Sur les frais liés à la première instance :

23. Le tribunal administratif n'ayant que partiellement fait droit aux conclusions de la demande de Mme B..., il n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'EHPAD Résidence Trianon la somme de 1 200 euros à verser à la demanderesse.

24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à obtenir le versement de la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'illégalité de la décision du 16 novembre 2018. En revanche, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les autres conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressée aux fins d'annulation, d'injonction et d'octroi de frais supplémentaires au titre de la première instance ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EHPAD Résidence Trianon demande à ce titre. En revanche, il y a lieu de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de l'EHPAD Résidence Trianon la somme de 1 500 euros à verser à Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902110 du tribunal administratif d'Orléans du 13 octobre 2020 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... au titre du préjudice moral résultant de l'illégalité de la décision du 16 novembre 2018.

Article 2 : L'EHPAD Résidence Trianon versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral subi par cette dernière.

Article 3 : L'EHPAD Résidence Trianon versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions incidentes présentées par l'EHPAD Résidence Trianon sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Trianon.

Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Olson, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.

La rapporteure,

M-G. A...Le président,

T. OLSONLa greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE03237 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03237
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : CAYLA-DESTREM

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-21;20ve03237 ?
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