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09/03/2023 | FRANCE | N°22VE00970

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 09 mars 2023, 22VE00970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2110907 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compt

er de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2110907 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, le préfet de l'Essonne demande à la cour d'annuler ce jugement.

Le préfet de l'Essonne soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision portant refus de séjour était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2023, Mme E... A..., représentée par Me Papi, avocate, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour dès notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que le moyen soulevé par le préfet est infondé et reprend, en tout état de cause, les moyens invoqués en première instance contre l'arrêté 26 novembre 2020.

Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 19 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 février 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Papi pour Mme E... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., ressortissante cap-verdienne née le 1er octobre 1991, déclare être entrée en France en décembre 2010. Elle a été mise en possession de titres de séjour pour soins entre le 3 juin 2013 et le 21 décembre 2018. Par un arrêté du 26 novembre 2020, le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler son titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Le préfet de l'Essonne relève appel du jugement du 22 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Sur le bienfondé du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que si Mme A... soutient être entrée en France en 2010, elle ne produit aucune pièce attestant de sa présence en France avant 2013. Les pièces produites témoignent d'un parcours d'insertion professionnelle entre le 11 septembre 2017 et le 6 avril 2018 et d'un emploi comme animatrice entre le 28 mars 2018 et avril 2020. Si la requérante soutenait que son état de santé nécessite un traitement médical et qu'elle présente un taux d'incapacité permanente compris entre 50 et 79 %, elle ne produit aucune pièce de nature à établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine alors que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé ce traitement comme y étant effectivement disponible. En effet, à la date l'arrêté attaqué, Mme A... présentait, après plusieurs chirurgies cardiaques, un état stable nécessitant seulement une surveillance semestrielle. Elle n'était pas fondée à se prévaloir devant les premiers juges de l'aggravation de son état de santé postérieure et non prévisible à la date de cet arrêté. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que si Mme A... est mère d'un enfant en bas-âge, elle ne justifie pas d'autres attaches familiales sur le territoire français, ses parents et ses frères et sœurs résidant au Cap-Vert, et rien ne fait obstacle à la recomposition de sa cellule familiale dans son pays d'origine. Dès lors, le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont jugé que la décision du 26 novembre 2020 par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme A... était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

3. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles et devant la cour.

4. En premier lieu, par un arrêté du 14 septembre 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Essonne le même jour, le préfet de l'Essonne a donné délégation à M. D... B..., sous-préfet de Palaiseau, à l'effet de signer les décisions contenues dans l'arrêté du 26 novembre 2020. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions doit être écartés.

5. En deuxième lieu, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII que le dossier de Mme A... a été soumis au Dr. Yazja, médecin instructeur, et que ce dernier n'a pas siégé au sein de ce collège. Dès lors, le vice de procédure tiré de la composition irrégulière de ce collège doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

7. Il ressort de l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'OFII que l'état de santé de Mme A... et notamment ses pathologies cardiaques nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Mme A... n'a produit aucun document de nature à combattre utilement cet avis. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, son état de santé nécessitait uniquement une surveillance semestrielle. Elle n'était pas fondée à se prévaloir de l'aggravation de son état de santé postérieure à cette date et dont l'évolution n'était alors pas prévisible au vu des pièces du dossier. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit être écartée.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code alors en vigueur : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative est tenue de saisir la commission uniquement avant de refuser de délivrer un titre de séjour à l'étranger qui remplit les conditions légales pour l'obtenir. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

10. En sixième lieu, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. En l'espèce, la décision de refus de séjour prise à l'encontre de Mme A... comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et l'arrêté vise les dispositions du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. En septième lieu, si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

12. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est également loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre serait entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet de l'avoir invitée à présenter des observations spécifiques sur cette mesure.

13. En dernier lieu, il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'était pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son égard par le préfet de l'Essonne le même jour.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 26 novembre 2020 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme A.... Par voie de conséquence, les conclusions de Mme A... aux fins d'annulation de cet arrêté et ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2110907 du 22 mars 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par Mme A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme E... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

La rapporteure,

A. C...Le président,

P.-L. ALBERTINI La greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00970


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00970
Date de la décision : 09/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Anne VILLETTE
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SEPA DUPAIGNE-PAPI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-09;22ve00970 ?
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