Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel le préfet des Hauts de Seine l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou à défaut, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2210869 du 5 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Gonidec, avocate, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire,
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet des Hauts de Seine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car entaché d'une erreur de fait révélant un défaut d'examen sérieux ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le droit d'être entendu a été méconnu ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire de 30 jours :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- il reprend les mêmes moyens que ceux dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée de 1 an :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car l'arrêté ne comporte aucune décision fixant le pays de destination et l'obligation de quitter le territoire français ne peut donc pas être exécutée ; il a de solides attaches en France.
Par un mémoire enregistré le 10 janvier 2023, le préfet des Hauts de Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mauny, rapporteur,
- et les observations de Me David, substituant Me Gonidec, représentant M. A...
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né le 20 octobre 1997, qui déclare être entré en France en 2020, a demandé le bénéfice de l'asile, lequel lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 13 janvier 2021 puis la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 septembre 2021. Il a sollicité le réexamen de sa demande et l'OFPRA a rendu une décision d'irrecevabilité le 14 mars 2022, décision qu'il a contesté devant la CNDA le 14 avril 2022. Par un arrêté du 22 juillet 2022, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 5 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ".
3. Il y a lieu, eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de M. A..., de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité du jugement :
4. Si le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a indiqué dans le paragraphe 1 du jugement que M. A... était de nationalité pakistanaise, cette erreur matérielle est en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement et ne saurait à elle seule révéler un défaut d'examen de sa demande au regard des éléments circonstanciés relatifs à la situation de M. A... mentionnés notamment au point 8 du jugement et de l'absence de fixation du pays de destination dans l'arrêté en litige.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. L'arrêté du 22 juillet 2022 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il précise en particulier, ainsi que le requérant le rappelle lui-même, qu'il est entré sur le territoire le 14 août 2020, qu'il déclare être célibataire et sans enfant et que ses attaches sur le territoire ne sont pas intenses. Il comporte en outre un rappel des démarches accomplies par l'intéressé pour être admis au bénéfice de l'asile ainsi que les décisions qui lui ont été opposées. Il est donc suffisamment motivé et n'est pas stéréotypé s'agissant de la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants (...)4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; ".
7. Le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union Européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
8. Dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice du droit de se maintenir sur le territoire. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.
9. M. A..., qui entre dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été mis à même de présenter ses observations lors de la procédure d'asile le concernant. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été empêché, lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile comme pendant la durée de son instruction, de formuler toute remarque utile susceptible d'influer sur la décision préfectorale. De même, l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de faire valoir les éléments relatifs aux risques encourus en Afghanistan et à l'étendue des liens tissés en France. Dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui se déclare lui-même célibataire et sans enfant, ne fait état d'aucune attache familiale sur le territoire et a indiqué n'être entré sur le territoire qu'en août 2020, à l'âge de 22 ans. Il ne justifie en outre d'aucun effort particulier d'intégration, ni de liens personnels d'une particulière intensité tissé sur le territoire. Au regard de ces éléments, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 précité.
12. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'égard de la décision d'éloignement prise à l'encontre de M. A..., cette décision n'ayant pas pour objet de le renvoyer dans son pays d'origine.
En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire de 30 jours :
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre serait illégale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de 30 jours devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
14. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 8 à 9 qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été empêché, lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile comme pendant la durée de son instruction, de formuler toute remarque utile susceptible d'influer sur la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français et sur celle fixant le délai de départ volontaire de 30 jours qui l'assortit. De même, l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de faire valoir les éléments relatifs à l'étendue des liens tissés en France. Dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu.
15. Si la décision fixant un délai de départ volontaire doit être motivée au titre des mesures de police, les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile accordent, de façon générale, un délai de trente jours pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et cette motivation peut se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français qu'elle assortit. M. A..., qui ne soutient pas qu'il aurait sollicité ou même dû bénéficier d'un délai supérieur au délai de trente jours, n'est donc pas fondé à soutenir, dès lors que l'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée ainsi qu'il a été exposé au point 5, que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de 30 jours serait insuffisamment motivée.
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'égard de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours, cette décision n'ayant pas pour objet de le renvoyer dans son pays d'origine.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre serait illégale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision l'interdisant de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
19. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".
20. La circonstance que l'obligation de quitter le territoire français ne pourra pas faire l'objet d'une exécution d'office en l'absence de fixation du pays de destination par l'arrêté en litige, et en tout état de cause du fait que l'arrêté ne prévoit pas cette exécution d'office, n'entache pas d'illégalité la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, laquelle a vocation à s'appliquer même en cas de départ volontaire de l'intéressé dans le délai qui lui a été prescrit. Par ailleurs, si le requérant se prévaut des attaches dont il dispose sur le territoire pour contester cette interdiction, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant, ne fait état d'aucune attache familiale ou personnelle sur le territoire, sur lequel il n'est entré qu'en août 2020 à l'âge de 22 ans, et ne justifie pas d'un effort particulier d'intégration. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation en l'interdisant de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts de Seine du 22 juillet 2022. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation dudit arrêté ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : M. A... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts de Seine.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président-assesseur,
Mme Troalen, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.
Le rapporteur,
O. MAUNYLe président,
P.-L. ALBERTINI
La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme
La greffière,
22VE02502002