Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ineo Tertiaire IDF a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris à lui verser la somme de 405 715, 83 euros hors taxe, ou, à titre subsidiaire, la somme de 134 907,05 euros hors taxe, augmentée des intérêts moratoires à compter du 20 janvier 2017 et avec capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1704801 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a arrêté le décompte général et définitif du lot n° 5 du marché conclu entre la société Inéo Tertiaire IDF et l'établissement public territorial à la somme de 641 712 euros toutes taxes comprises et rejeté la demande de la société Inéo.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 septembre 2009 et 11 mai 2020, la société Ineo Tertiaire IDF, représentée par Me Forte, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris à lui verser la somme de 406 475, 83 euros hors taxe, augmentée des intérêts moratoires à compter du 20 janvier 2017 avec capitalisation à compter du 24 mai 2017 ;
3°) à titre subsidiaire, d'homologuer le protocole d'accord transactionnel conclu entre la societé Ineo Tertiaire IDF et l'établissement public territorial et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 147 888,46 euros toutes taxes comprises en application de ce protocole.
4°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.
La société Ineo Tertiaire IDF soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- elle a réalisé des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et demandés par le maître d'œuvre consistant dans le déplacement d'un transformateur électrique et des travaux d'éclairage et de désenfumage nécessaires au passage de la commission de sécurité ;
- le maître d'ouvrage a commis des fautes dans la conception et la direction du marché à l'origine d'un allongement de la durée de chantier qui lui a été préjudiciable ;
- l'envoi par le maître d'ouvrage d'un projet d'avenant et son retour signé témoignent d'une rencontre de volontés ayant fait naître un protocole transactionnel entre les parties qu'il appartient désormais à l'établissement public territorial d'exécuter.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 mars 2020 et 19 mai 2021, l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris, représenté par Me Josselin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Ineo Tertiaire IDF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Ineo tertiaire IDF ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dailly, pour Ineo tertiaire Ile-de-France
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement en date du 20 mars 2014, la communauté d'agglomération Sud de Seine a confié à la société Ineo le lot n° 5 " courant forts - courants faibles " du marché relatif à l'implantation de la maison de la musique et de la danse sur le site du château La Boissière à Fontenay aux Roses pour un montant global et forfaitaire de 534 000 euros hors taxe. Le 7 janvier 2016, un projet d'avenant augmentant le prix du marché a été transmis à la société Ineo Tertiaire IDF, qui l'a retourné signé à la communauté d'agglomération. La réception des travaux a été prononcée le 12 avril 2016 avec réserves, levées le 24 octobre 2016. Par un courrier du 3 janvier 2017, la société Ineo Tertiaire IDF a mis en demeure l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris, venu aux droits de la communauté d'agglomération Sud de Seine, d'établir le décompte général du marché, en vain. La société Ineo relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy Pontoise a rejeté sa demande de rémunération complémentaire au titre du marché.
Sur les travaux supplémentaires :
2. Le prestataire a le droit d'être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art, sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le transformateur électrique a dû être déplacé en cours de marché et que ce déplacement était justifié par l'insuffisante puissance du transformateur à son emplacement initial pour alimenter la maison de la musique et de la danse, objet du marché. Dès lors, la société Ineo Tertiaire IDF est fondé à soutenir que l'EPT Vallée Sud Grand Paris doit être condamné à lui verser la somme de 56 168,78 euros hors taxe correspondant à l'adaptation des plans d'implantation de ce transformateur et à l'établissement du bilan de puissance recalé, travaux indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3.1 du cahier des clauses techniques particulières tous corps d'état " Toutes les observations émises par les services de sécurité incendie doivent être prises en compte et incorporées dans les travaux dans le cadre du montant de marché forfaitaire des entreprises ", l'ensemble des lots devant collaborer aux travaux de désenfumage des locaux. Le cahier des clauses techniques particulières propre au lot n° 5 prévoyait, à l'article 4.11.4, les conditions minimum d'éclairement des salles, à l'article 4.13 le principe d'un éclairage de sécurité conforme à la réglementation incendie et le positionnement des blocs de secours, à l'article 5.1.4, à la charge du prestataire, l'ensemble de la sonorisation de l'auditorium, à l'article 5.4.3.5, la contribution du lot n° 5 aux travaux de désenfumage (asservissements utiles au titulaire du lot " chauffage/ventilation ") et enfin, à l'article 5.2.3.3 les principes devant guider l'installation de l'alarme incendie.
5. La société Ineo demande le paiement de travaux réalisés en vue du passage de la commission de sécurité, relatifs à l'ajout de luminaires et de blocs d'éclairage de secours, au déplacement d'un diffuseur sonore dans l'auditorium et à sa présence lors des passages de cette commission. Il n'est pas établi par la société Ineo Tertiaire IDF que ses travaux, qui comprenaient contractuellement des prestations liées au désenfumage, étaient, à la date du passage de cette commission, conformes aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières de telle sorte que le maître d'œuvre ou cette commission devraient être regardés comme ayant ajouté de nouvelles prescriptions à celui-ci en sollicitant les travaux précités. Dès lors, la société Ineo Tertiaire IDF n'est pas fondée à demander le paiement de la somme de 8 738,27 euros hors taxe correspondant à ces travaux.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a demandé à la société Ineo Tertiaire IDF, en sus des prévisions contractuelles, d'assurer une astreinte le jour de l'inauguration de la maison de la musique et de la danse pour un montant de 912 euros. Néanmoins, cette somme lui a déjà été réglée par le maître d'ouvrage.
Sur la faute du maître d'ouvrage :
7. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
8. La société Ineo Tertiaire IDF soutient en premier lieu que le maître d'ouvrage aurait commis une faute en ne respectant pas ses obligations de repérage de l'amiante dans les locaux avant le démarrage des travaux, entraînant ainsi un décalage du calendrier d'exécution des travaux. Cependant, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la requérante, qui produit elle-même ce document à l'instance, le maître d'ouvrage avait bien réalisé, préalablement aux travaux, un repérage de l'amiante dans le château Laboissière. Il n'est pas établi ni même allégué que ce repérage n'aurait pas été établi dans le respect des dispositions législatives et réglementaires alors en vigueur et dans les règles de l'art applicables à la date de conclusion du marché. Dès lors, aucune faute du maître d'ouvrage ne saurait être caractérisée en l'espèce.
9. La société Ineo Tertiaire IDF soutient en second lieu que le maître d'ouvrage aurait commis une faute dans la direction du chantier eu égard au retard pris dans la création d'un poste de transformation alimentant le château Laboissière. Cependant, il résulte de l'instruction que ce retard est à mettre au débit de la société ERDF et qu'aucune faute ne peut être reprochée au maître d'ouvrage qui, appuyé par le maître d'œuvre, a entrepris les démarches pour assurer la pose de ce poste de transformation dans les meilleurs délais.
10. La société Ineo Tertiaire IDF soutient en dernier lieu que le maître d'ouvrage aurait commis une faute dans la direction du chantier eu égard au retard pris dans la mise en place d'une centrale de désenfumage. Néanmoins, il résulte des comptes rendus de chantier que ce retard doit être exclusivement imputé aux sociétés TBI et à la société requérante elle-même qui a stoppé ses prestations dans l'attente d'une promesse de paiement des travaux supplémentaires.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ineo Tertiaire IDF n'est pas fondée à soutenir que le maître d'ouvrage aurait commis une faute de nature à lui ouvrir droit au paiement d'une indemnité pour la prolongation du délai de chantier.
Sur l'existence d'une transaction :
12. Aux termes de l'article 2044 du code civil : " La transaction est un contrat par lequel, par des concessions réciproques, les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit ".
13. La société Ineo Tertiaire IDF soutient qu'en renvoyant signé le projet d'avenant qui lui avait été envoyé par l'établissement public territorial, elle a conclu avec ce dernier un protocole transactionnel portant sur le versement à son profit de la somme de 147 888,46 euros toutes taxes comprises. Néanmoins, il résulte de l'instruction que ce projet d'avenant a été envoyé à la requérante non par la personne responsable du marché, mais par plusieurs agents du service des achats et que les échanges intervenus entre les protagonistes font état de négociations non achevées. Dès lors, la société Ineo n'est pas fondée à soutenir que ce projet constituerait une transaction, ni même un contrat qu'il reviendrait à l'établissement public territorial d'exécuter. De la même manière, les échanges entre les parties concernant la conclusion d'un protocole transactionnel en février 2017 sont restés au stade de la négociation. Il s'ensuit que la société Ineo Tertiaire IDF n'est pas fondée à demander le versement de la somme de 147 888,46 euros sur ces seuls fondements.
Sur le solde du marché :
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ineo est fondée à demander que le solde du marché soit établi à la somme de 709 114,54 euros toutes taxes comprises. Dès lors la société Ineo Tertiaire IDF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande et à demander la condamnation de l'EPT Vallée Sud Grand Paris à lui verser la somme de 56 168,78 euros hors taxe, soit 67 402,54 euros toutes taxes comprises, correspondant au solde du marché qui ne lui a pas été réglé.
Sur les intérêts et la capitalisation
15. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 2013 : " Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " 2° Pour le paiement du solde des marchés de travaux soumis au code des marchés publics, le délai de paiement court à compter de la date de réception par le maître de l'ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (...) La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par les services du pouvoir adjudicateur ou, le cas échéant, par le maître d'œuvre ou la personne habilitée à cet effet. A défaut, c'est la date de la demande de paiement augmentée de deux jours qui fait foi ". Aux termes de l'article 8 de ce décret : " le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage ".
16. D'autre part, en l'absence d'établissement d'un décompte général par le maître d'ouvrage et dès lors que la société Ineo n'a pas fait application des dispositions de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicable, le point de départ des intérêts doit être à l'expiration du délai de paiement suivant la date à laquelle ce décompte général aurait dû être établi. Aux termes de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales : " Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ".
17. En l'espèce, le projet de décompte final de la société Ineo Tertiaire IDF, daté du 10 novembre 2016, doit être regardé comme ayant été reçu par le maître d'ouvrage le 12 novembre suivant. Ce dernier disposait d'un délai de trente jours à compter de cette date pour établir le décompte général du marché. Eu égard au délai de paiement de trente jours imparti au maître d'ouvrage pour régler le solde du marché, il y a lieu de faire courir les intérêts sur la somme de 67 402,54 euros à compter du 12 janvier 2017 au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au 1er janvier 2017, majoré de huit points de pourcentage.
18. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 24 mai 2017. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 12 janvier 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur l'application des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :
19. La présente instance n'a donné lieu au versement d'aucun frais visé à l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions de la société Ineo tertiaire IDF sur ce fondement doivent être rejetées.
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Ineo Tertiaire IDF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'établissement public territorial demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris une somme de 2 000 euros à verser à la société Ineo Tertiaire IDF sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1704801 du 18 juillet 2019 est annulé.
Article 2 : L'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris est condamné à verser à la société Ineo Tertiaire IDF la somme de 56 168,78 euros (cinquante-six mille cent soixante-huit euros et soixante-dix-huit cents) hors taxes, soit 67 402,54 euros (soixante-sept mille quatre cent deux euros et cinquante-quatre cents) toutes taxes comprises, avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au 1er janvier 2017, majoré de huit points de pourcentage, à compter du 12 janvier 2017. Les intérêts échus à la date du 12 janvier 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris versera à la société Ineo Tertiaire IDF une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ineo Tertiaire IDF et à l'établissement public territorial Vallée Sud Grand Paris.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.
La rapporteure,
A. A...Le président,
P.-L. ALBERTINI La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 19VE03215