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14/02/2023 | FRANCE | N°20VE02397

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 14 février 2023, 20VE02397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la directrice de l'établissement public de santé (EPS) Barthélemy Durand d'Etampes a prononcé sa révocation, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, à l'établissement public de santé Barthélemy Durand de le réintégrer et de régulariser sa situation, à titre subsidiaire, si la réintégration ne peut être prononcée, de condamner l'établissement public de santé Barth

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la directrice de l'établissement public de santé (EPS) Barthélemy Durand d'Etampes a prononcé sa révocation, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, à l'établissement public de santé Barthélemy Durand de le réintégrer et de régulariser sa situation, à titre subsidiaire, si la réintégration ne peut être prononcée, de condamner l'établissement public de santé Barthélemy Durand à lui verser la somme de 59 710 euros en réparation des préjudices qu'il a subis, assortie des intérêts de droit à compter de la date de sa première demande d'indemnisation et de la capitalisation de ces intérêts à compter de cette même date, et de mettre à la charge de l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1806216 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 4 juillet 2018, enjoint à l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes de procéder à la réintégration juridique de M. C... à compter du 4 juillet 2018, ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à la retraite à compter de cette même date, dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, condamné l'établissement public de santé Barthélemy Durand à verser à M. C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. C... ainsi que les conclusions présentées par l'établissement public de santé Barthélemy Durand sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, l'établissement public de santé Barthélemy Durand, représenté par Me Lesné, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 4 juillet 2018, lui a enjoint de procéder à la réintégration juridique de M. C... à compter du 4 juillet 2018 avec les effets de droits afférents et a mis à sa charge le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... ;

3°) de condamner M. C... à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande indemnitaire présentée par M. C... est irrecevable ;

- les faits reprochés à M. C... sont établis par plusieurs témoignages constants et convergents, et ils constituent une méconnaissance des articles 6 ter et 25 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- leur gravité justifie la révocation de leur auteur ;

- il renvoie à ses écritures de première instance pour contrer les moyens de légalité externe soulevés par M. C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2021, M. C..., représenté par Me Plets Duguet, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à la réformation du jugement en tant que l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes n'a pas été condamné au versement d'une astreinte dans l'attente de sa réintégration sur son poste et de la régularisation financière de sa situation, à titre subsidiaire, d'une part, à l'annulation de la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la directrice de l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes a prononcé sa révocation, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes de le réintégrer et de régulariser sa situation, ou si la réintégration ne peut être prononcée, à la condamnation de l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes à lui verser la somme de 59 710 euros en réparation des préjudices qu'il a subis, assortie des intérêts de droit à compter de la date de sa première demande d'indemnisation et de la capitalisation de ces intérêts à compter de cette même date, et en tout état de cause à ce que l'établissement public de santé Barthélemy Durand soit condamné à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- ses conclusions indemnitaires sont recevables, indépendamment de l'absence de chiffrage de sa demande préalable ;

- la décision en litige a été prise au terme d'une procédure disciplinaire irrégulière du fait de la méconnaissance des droits de la défense ; en effet, il n'a reçu son entier dossier que la veille du conseil de discipline en dépit de sa demande formulée le 28 mai 2018 ; il n'a pas été mis en mesure de récuser deux membres du conseil de discipline ; il n'a pu faire entendre des témoins ; il n'a pas davantage été fait droit à sa demande de report du conseil de discipline ; ses observations écrites et son courrier en défense n'ont pas été lus au début du conseil de discipline ; ni ce courrier, ni les pièces qu'il avaient produites n'ont été communiqués en amont aux membres du conseil de discipline ; des reproches infondés et sans rapport avec les faits pour lesquels il était convoqué ont été formulés à son endroit ;

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- la sanction infligée est fondée sur des faits qui ne sont pas établis et ne constituent pas un manquement à ses obligations de fonctionnaire ;

- elle est disproportionnée ;

- à titre subsidiaire, s'il n'était pas réintégré, il a droit à l'indemnisation des préjudices qu'il a subis à raison d'une sanction de révocation illégale, laquelle engage la responsabilité de l'établissement public de santé Barthélemy Durand ;

- il y a lieu d'assortir l'injonction ordonnée en première instance d'une astreinte dans la mesure où l'établissement public de santé Barthélemy Durand ne l'a pas réintégré à son poste, ni ne lui a versé les sommes dues en l'absence de cette réintégration.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laurent pour l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes et Me Plets Duguet pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., titularisé le 1er avril 2016 en qualité d'agent d'entretien qualifié au sein de l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes, exerçait la fonction de gestionnaire du magasin des produits d'entretien, au sein du service " magasins-dépenses ". A la suite d'une plainte déposée le 12 mars 2018 par deux de ses collègues pour des faits d'agressions et de harcèlement sexuels, M. C... a fait l'objet d'une suspension de fonctions d'une durée de quatre mois et de poursuites disciplinaires qui ont conduit à sa révocation par une décision de la directrice de l'établissement du 4 juillet 2018, prise après un avis favorable du conseil de discipline du 28 juin 2018. L'établissement public de santé Barthélemy Durand interjette appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 4 juillet 2018, lui a enjoint de réintégrer M. C... à compter de cette date en procédant à la reconstitution de la carrière de l'intéressé dans un délai de deux mois et l'a condamné à verser à M. C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : / a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; / b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. (...) Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas. ". L'article 25 de la même loi dispose : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. ". En outre, aux termes de l'article 29 du même texte : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Enfin, l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version alors en vigueur, dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) ".

3. D'une part, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'exactitude matérielle des faits reprochés à son agent. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction infligée est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Pour annuler la décision du 4 juillet 2018 par laquelle la directrice de l'EPS Barthélemy Durand a prononcé la révocation de M. C..., le tribunal administratif a, d'une part, considéré que l'EPS n'établissait pas la réalité des faits de harcèlement sexuel à l'égard de Mme E... et de Mme A... imputés à son agent, et, d'autre part, estimé que si le comportement inapproprié de M. C... sur son lieu de travail, consistant en une utilisation excessive de son téléphone portable sur son lieu de travail, des " gestes de galanterie appuyés " à l'égard d'une collègues, des " blagues salaces " en présence d'une stagiaire, lesquelles étaient courantes dans le service et ont cessé dès lors que leur caractère inapproprié a été souligné auprès de l'intéressé par une collègue, et en l'envoi de messages téléphoniques écrits à caractère sexuel à l'une de ses collègues le 28 février 2018, pouvait légalement conduire l'établissement de santé à infliger à l'intéressé une sanction disciplinaire, M. C... était néanmoins fondé à soutenir que la sanction de révocation prononcée à son encontre est disproportionnée. Pour critiquer l'appréciation ainsi portée par le tribunal administratif de Versailles, tant sur la matérialité des faits de harcèlement sexuel reprochés à M. C... que sur leur gravité et le caractère proportionné de la sanction prise à l'encontre de ce dernier, l'EPS Barthélemy Durand, qui a seulement sanctionné son agent pour un " comportement inapproprié ", reprend à l'identique l'argumentation qu'il a développée en première instance, sans apporter aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Versailles sur celle-ci. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'établissement des faits et de leur suffisante gravité pour justifier la révocation de M. C..., par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 à 6 de leur jugement.

5. Il résulte de ce qui précède que l'EPS Barthélemy Durand n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 4 juillet 2018, lui a enjoint de réintégrer M. C... à compter de cette date en procédant à la reconstitution de la carrière de l'intéressé dans un délai de deux mois et l'a condamné à verser à M. C... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions incidentes présentées par M. C... :

6. En premier lieu, pour demander à la cour de réformer le jugement en litige en tant que celui-ci a refusé d'assortir l'injonction qu'il a prononcée d'une astreinte, ainsi que cela était demandé, M. C... se plaint à la fois de ne pas avoir retrouvé le poste qu'il occupait avant sa révocation et de l'absence de versement des sommes qui lui étaient dues faute que cette réintégration ait eu lieu. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la réintégration prononcée à compter du 21 septembre 2018 par une décision du 27 septembre 2018, la directrice de l'EPS Barthélemy Durand a, par une décision du 26 novembre 2020, prononcé la réintégration de M. C... pour la période intermédiaire du 4 juillet 2018 au 20 septembre 2018, avec reconstitution de carrière à compter du 4 juillet 2018. D'autre part, l'intéressé ne conteste pas devant la cour que le poste sur lequel il a été affecté représente un emploi équivalent à celui qu'il occupait avant sa révocation. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a refusé d'assortir d'une astreinte l'injonction qu'il a prononcée à l'encontre de l'EPS Barthélemy Durand au point 2 de son jugement.

7. Par voie de conséquence de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'EPS Barthélemy Durand, dès lors que la réintégration de M. C... a bien été prononcée, les conclusions indemnitaires présentées à titre subsidiaire ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'EPS Barthélemy Durand demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EPS Barthélemy Durand la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par l'EPS Barthélemy Durand est rejetée.

Article 2 : L'EPS Barthélemy Durand versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à l'établissement public de santé Barthélemy Durand d'Etampes.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

M.-G. B...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE02397 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02397
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SELARL HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-14;20ve02397 ?
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