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27/01/2023 | FRANCE | N°19VE00690

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 janvier 2023, 19VE00690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cobatec Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Aubergenville à lui verser la somme de 94 544,70 euros au titre du solde de son marché et de mettre à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1608090 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cobatec Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Aubergenville à lui verser la somme de 94 544,70 euros au titre du solde de son marché et de mettre à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1608090 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 21 février 2019 et le 23 octobre 2019, la société par actions simplifiée (SAS) Cobatec Ile-de-France, représentée dans le dernier état de ses écritures par la société Sehili-Franceschini-Segalen, société d'avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Aubergenville à lui verser la somme de 94 544,70 euros au titre du solde de son marché ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aubergenville le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision de résiliation du marché à ses frais et risques est irrégulière dès lors que la notification du marché de substitution est intervenue tardivement, soit plus de deux mois après sa passation avec la société la remplaçant, la privant ainsi de la possibilité d'assurer le suivi effectif de ce marché ; en outre, elle n'a pas été informée clairement du report de la date de démarrage du marché de substitution et a disposé d'un délai insuffisant de deux semaines entre la date de communication des constats d'huissier et le début des travaux ; elle n'a également eu aucun droit de regard sur la société choisie ; le moyen tiré de la méconnaissance de son droit de suivi des travaux n'est pas inopérant dès lors que le solde non réglé de son décompte de résiliation correspond au montant du marché de substitution ;

- la décision de résiliation est infondée dès lors que les manquements qui lui sont reprochés ne présentent pas un degré de gravité suffisante ; les travaux auraient pu faire l'objet d'une réception dès le 2 novembre 2015 ; les travaux faisant l'objet de réserves ne constituaient que des travaux de finition relevant de la garantie de parfait achèvement ; le tribunal administratif n'a retenu la situation d'avancement du chantier que sur la base des propos qu'elle avait tenus dans des courriers bien antérieurs à la résiliation, sans tenir compte des travaux qu'elle a effectivement réalisés ente les opérations de réception des travaux intervenues le 31 décembre 2015 et le constat d'huissier dressé le 15 avril 2016 ; le maître d'ouvrage ne justifie d'aucune urgence à mettre en régie les travaux de finition, ceux-ci n'ayant d'ailleurs été réalisés par la société Sarmates qu'à partir du 6 juillet 2016 ; le maître d'ouvrage a pris effectivement possession de l'ouvrage ; le délai pour lever les réserves ne pouvait se calculer sur la base des jours calendaires mais seulement sur la base des jours d'intervention possibles pendant les vacances scolaires, les travaux de reprise devant être réalisés sur un site occupé ;

- elle est recevable à solliciter la liquidation du marché dès lors que la décision de résiliation était irrégulière et non fondée ; la circonstance que le règlement définitif du nouveau marché soit ou non intervenu est sans incidence sur les conclusions indemnitaires qu'elle a présentées ; en tout état de cause, elle a adressé un mémoire de réclamation le 6 juillet 2016 qui a lié le contentieux sans qu'importe qu'il n'ait pas été transmis au maître d'œuvre ; au surplus, la commune a lié le contentieux en soulevant, seulement à titre subsidiaire, l'irrecevabilité de sa demande d'établissement du décompte ; le décompte notifié le 10 février 2017 ne présente pas de caractère définitif et n'avait pas à être contesté ;

- les pénalités de retard ne pouvaient lui être appliquées sur le fondement de l'article 13.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) dès lors que son retard n'a pas eu d'impact sur le commencement des travaux des autres corps d'état ; seules les pénalités de retard, au taux de 100 euros par jour de retard, prévues par l'article 13.1 et applicables après la réception des travaux auraient pu lui être appliquées par la commune si elle n'avait pas refusé la réception ; les pénalités ne peuvent être calculées sur le fondement de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux dès lors que l'article 13 du CCAP y déroge expressément ;

- elle demande à être déchargée du paiement des frais inhérents à l'intervention de la société Sarmates compte tenu du caractère irrégulier et infondé de la décision de résiliation ; il y a bien lieu de statuer sur ces conclusions dès lors que la commune a compensé le coût du nouveau marché avec celui qu'elle devait à l'exposante ;

- le solde de son marché doit être fixé à la somme de 94 544,70 euros, qui correspond au montant des pénalités qui ont été appliquées à tort.

Par deux mémoires, enregistrés le 23 septembre 2019 et le 18 novembre 2019, la commune d'Aubergenville, représentée par Me Toihiri, avocat, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la SAS Cobatec Ile-de-France à lui verser la somme de 77 065,53 euros au titre du décompte général et définitif du marché et, à titre plus subsidiaire, d'établir ce décompte à la somme de 46 875,66 euros toutes taxes comprises au profit de la SAS Cobatec Ile-de-France ;

3°) de mettre à la charge de la société requérante la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la requérante tendant à ce que les frais inhérents à l'intervention de l'entreprise de substitution ne soient pas mis à sa charge sont dépourvues d'objet dès lors qu'aucune somme n'a été portée au solde de son marché correspondant aux frais occasionnés par le marché de substitution ;

- en application de l'article 48-4 du CCAG, les conclusions de la requérante tendant à l'établissement du décompte de son marché avant que le règlement du marché de substitution soit intervenu n'étaient pas recevables dès lors que la résiliation est régulière et fondée ;

- la procédure de résiliation a été régulière ; le moyen tiré de la méconnaissance du droit de la SAS Cobatec Ile-de-France de suivre l'exécution du marché de substitution est inopérant dès lors que le décompte général n'inclut aucune somme correspondant à ce marché ; en tout état de cause, la décision de résiliation aux frais et risques n'est pas intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où la notification du marché conclu avec l'entreprise de substitution a permis au titulaire défaillant de suivre la totalité des travaux exécutés dans le cadre du nouveau marché ; la société requérante ne s'est d'ailleurs jamais plainte de difficultés de suivi du marché de substitution auprès de la commune ;

- la décision de résiliation est fondée dès lors que la société Cobatec Ile-de-France n'a pas respecté le délai contractuel d'exécution des travaux et son obligation contractuelle de sécurité ; le tribunal administratif pouvait prendre en compte les propos qu'elle a tenus dès lors qu'ils ressortent d'un courrier du 13 avril 2016 intervenu postérieurement à l'expiration du délai contractuel d'exécution des travaux et à la décision de résiliation intervenue le 30 mars 2016 ; le tribunal a, contrairement à ce que prétend la société requérante, pris en compte le constat d'huissier dressé le 15 avril 2016 ; si la société requérante a effectué certains travaux entre le 2 novembre 2015 et le 15 avril 2016, elle ne les avait, à cette dernière date, toujours pas achevés et les travaux qu'elle a réalisés pendant cette période ne l'ont pas été dans les règles de l'art ; la circonstance que le maître d'ouvrage ait pris possession de l'ouvrage est sans incidence sur l'appréciation de la gravité des manquements qu'elle a commis, les travaux ayant été réalisés dans un établissement scolaire qui n'a jamais cessé d'être exploité ; aucune disposition n'exige que les travaux de reprise soient réalisés en urgence ; en tout état de cause, il y avait urgence pour la commune à ce que les travaux soient achevés rapidement dès lors qu'ils étaient réalisés dans un groupe scolaire en cours d'exploitation dont la sécurité devait être assurée ; les travaux n'ont pas été réalisés par la société Sarmates pendant les congés de printemps car ils nécessitaient une durée d'intervention supérieure à la durée des vacances et qu'elle ne souhaitait pas mobiliser sur deux périodes différentes l'entreprise de substitution afin de réduire les surcoûts générés par la mise en régie ; les conditions de réalisation des travaux par l'entreprise de substitution ont d'ailleurs préservé les intérêts financiers de la société requérante ;

- à titre subsidiaire, les conclusions de la société requérante tendant à l'établissement du décompte du marché sont irrecevables faute pour la société d'avoir présenté un projet de décompte final à la commune exposante préalablement à la saisine du juge et d'avoir adressé au maître d'œuvre une copie de son mémoire de réclamation en méconnaissance des articles 13 et 50.1.1 du CCAG Travaux ; elle a opposé en première instance comme en appel l'irrecevabilité de ces conclusions ; en tout état de cause, ces conclusions doivent être rejetées dès lors que le montant sollicité correspond à celui des pénalités de retard qui lui ont été appliquées, lesquelles étaient justifiées ; l'article 13.1 du CCAP prévoyait l'application de pénalités en cas de dépassement des délais d'exécution des travaux, y compris dans l'hypothèse où ce retard n'emporte aucune conséquence sur les délais de réalisation des travaux confiés aux autres entrepreneurs titulaires d'autres lots ; la date contractuellement prévue de fin des travaux était fixée au 31 août 2015 et les travaux n'étaient toujours pas terminés le 4 avril 2016, jour de la notification de la décision de résiliation ;

- à titre reconventionnel, le montant des pénalités de retard doit être actualisé et fixé en conséquence à la somme de 171 610,55 euros et le décompte général du marché arrêté à la somme de 77 065,85 euros au débit de la SAS Cobatec Ile-de-France ; subsidiairement, dans l'hypothèse où l'application de pénalités serait considérée comme injustifiée au regard de l'article 13.1 du CCAP, le montant des pénalités de retard doit être fixé à la somme de 47 669,04 euros sur le fondement de l'article 20.1 du CCAG Travaux et le décompte général du marché arrêté à la somme de 46 875,66 euros au crédit de la SAS Cobatec Ile-de-France.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Janicot,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Toihiri, pour la commune d'Aubergenville.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 5 août 2014, la commune d'Aubergenville a attribué à la société par actions simplifiée (SAS) Cobatec Ile-de-France la réalisation de travaux de fourniture, de pose de bardage composite et d'étanchéité dans le cadre des travaux de réhabilitation des façades du groupe scolaire Paul Fort - Jean Moulin. La durée initiale d'exécution de ces travaux était fixée à douze mois, les travaux devant être achevés le 31 août 2015. Ce délai d'exécution des travaux a toutefois été repoussé à deux reprises au 31 octobre 2015, puis au 30 décembre 2015. Estimant que la société Cobatec Ile-de-France était à l'origine d'importants retards et malfaçons dans l'exécution de ses travaux, le maire de la commune d'Aubergenville, par un courrier du 12 février 2016, l'a mise en demeure de satisfaire à ses obligations contractuelles dans un délai de trente jours. Par une décision du 30 mars 2016, le maire a prononcé la résiliation du marché aux frais et risques de la société puis a conclu, le 20 avril 2016, un marché de substitution avec la société Sarmates. La SAS Cobatec Ile-de-France relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aubergenville à lui verser la somme de 94 544,70 euros au titre du solde de son marché, montant qui correspond à la décharge des pénalités de retard qui lui ont été appliquées.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Aubergenville à la demande de la SAS Cobatec Ile-de-France :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'article 48-4 du CCAG Travaux :

2. La commune d'Aubergenville soutient que les conclusions de la société Cobatec Ile-de-France, qui tendaient à l'établissement du décompte général de son marché avant que le règlement définitif du marché passé avec la société Sarmates ne soit intervenu, sont irrecevables au regard des stipulations de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux dès lors que la résiliation du marché a été régulièrement prononcée et est bien fondée.

3. Aux termes de l'article 48.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux issu de l'arrêté du 8 septembre 2009, applicable au marché litigieux en vertu de l'article 5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " (...) lorsque le titulaire ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, le représentant du pouvoir adjudicateur le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. (...) ". Aux termes de l'article 48.2 : " Si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée. ". Aux termes de l'article 48.4 de ce cahier : " (...) Pour l'achèvement des travaux conformément à la réglementation en vigueur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur (...). Par exception aux dispositions de l'article 13.4.2, le décompte général du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux ". Enfin, aux termes de l'article 48.6 de ce cahier : " Les excédents de dépenses qui résultent du nouveau marché (...) sont à la charge du titulaire (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le cocontractant de l'administration dont le marché a été résilié à ses frais et risques ne peut obtenir le décompte général de ce marché, en vue du règlement des sommes dues au titre des travaux exécutés, qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Les conclusions présentées au juge du contrat en vue d'obtenir le règlement des sommes contractuellement dues avant le règlement définitif du nouveau marché sont ainsi irrecevables. Ces dispositions, applicables lorsque le marché a été régulièrement résilié, ne font cependant pas obstacle à ce que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques saisisse le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché après, le cas échéant, que le juge du contrat a obtenu des parties les éléments permettant d'établir le décompte général du marché résilié. La circonstance qu'un décompte général tenant compte du règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux soit notifié par l'administration avant que le juge statue sur le litige qui lui a été soumis par l'entreprise dont le marché a été résilié ne prive pas ce litige de son objet. Enfin, ce décompte général ne peut acquérir un caractère définitif et faire obstacle à ce qu'il soit statué sur les conclusions du cocontractant dont le marché a été résilié dès lors que le juge du contrat est précisément saisi d'une demande contestant la régularité ou le bien-fondé de la résiliation et tendant au règlement des sommes dues.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la commune d'Aubergenville a notifié à la société Cobatec Ile-de-France le 15 février 2017, soit au cours de la première instance, le décompte général tenant compte du règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Par suite, quand bien même la résiliation du marché serait régulière et bien fondée, les dispositions précitées de l'article 48.4 du CCAG ne faisaient pas obstacle à ce que le juge du contrat statue sur les conclusions de la société Cobatec Ile-de-France tendant au règlement des sommes qu'elle estimait lui être dues en règlement de son marché dès lors que le règlement définitif du marché de substitution était intervenu à la date à laquelle le tribunal administratif a statué. Il suit de là que la commune d'Aubergenville n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de la société Cobatec Ile-de-France, formées avant que le règlement définitif du marché de substitution soit intervenu, n'étaient pas recevables dès lors que la résiliation de son marché était régulière et fondée.

En ce qui concerne les fins de non-recevoir tirées de la méconnaissance des articles 13 et 50 du CCAG Travaux :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 50.1.1 du CCAG Travaux applicable au marché en litige : " (...) Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, il expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justificatifs nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que la société Cobatec Ile-de-France a notifié le 15 juillet 2016 à la commune d'Aubergenville un mémoire en réclamation. La commune d'Aubergenville soutient que les conclusions de la société requérante sont irrecevables faute pour la société d'avoir adressé au maître d'œuvre une copie de ce mémoire de réclamation, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 50.1.1 du CCAG Travaux.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte des dispositions des articles 48.2 et 48.4 du CCAG Travaux que le cocontractant de l'administration qui, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux, saisit le juge du contrat, doit avoir préalablement lié le contentieux, dans les conditions prévues par les stipulations applicables du CCAG. Toutefois, la notification, en cours d'instance, par l'administration du décompte général tenant compte du règlement définitif du nouveau marché, prive de portée l'irrégularité commise antérieurement par le cocontractant en ne respectant pas les formalités prévues par ces stipulations et fait obstacle à ce que la personne responsable du marché puisse utilement s'en prévaloir. Par suite, la commune d'Aubergenville ne peut, pour soutenir que les conclusions de la requérante sont irrecevables, utilement faire valoir qu'en méconnaissance de l'article 50.1.1 du CCAG Travaux, la société Cobatec Ile-de-France n'a pas adressé au maître d'œuvre une copie de son mémoire de réclamation du 6 juillet 2016.

9. En second lieu, aux termes de l'article 13.3. du CCAG Travaux : " 13.3.1. Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. (...) /. 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d'œuvre, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux (...) ". L'article 13.4 prévoit que le projet de décompte général comprend notamment le décompte final et que le projet de décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur devient le décompte général. Enfin, aux termes de l'article 47.2.1. : " En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire ".

10. La commune d'Aubergenville soutient que les conclusions de la société requérante sont irrecevables faute pour la société d'avoir présenté un projet de décompte final conformément aux stipulations de l'article 13. 3. 1. du CCAG Travaux.

11. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions du mémoire en réclamation du 6 juillet 2016, que la société Cobatec Ile-de-France avait joint à son mémoire en réclamation un décompte des sommes qu'elle estimait lui être dues. D'autre part, et en tout état de cause, la notification, en cours d'instance, par la commune d'Aubergenville du décompte de liquidation du marché fait obstacle à ce qu'elle se prévale utilement d'une méconnaissance par la société requérante des règles prévues pour l'élaboration du projet de décompte final par les dispositions précitées des articles 13. 3. 1. et 13.3.2. du CCAG Travaux. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune doit être écartée.

Sur le bien-fondé des conclusions de la société Cobatec Ile-de-France :

S'agissant des sommes résultant du marché de substitution :

12. La société Cobatec Ile-de-France soutient qu'elle n'est pas redevable des frais inhérents au marché de substitution dès lors que la résiliation de son marché a été irrégulièrement prononcée et qu'elle est, en outre, mal fondée. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du décompte de liquidation notifié le 15 février 2017, que la commune d'Aubergenville n'a pas mis à sa charge des sommes engagées au titre des travaux réalisés dans le cadre du marché de substitution, n'ayant supporté aucun supplément de dépenses du fait de la passation de ce marché. Par suite, la contestation soulevée sur ce point par la société requérante est sans objet.

S'agissant des pénalités de retard :

13. L'article 13.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) prévoit l'application d'une pénalité de 1/1000è du montant du marché TTC par jour de retard en cas de : " Retard du délai de commencement des travaux ou de dépassement des délais d'exécution fixé dans le calendrier prévisionnel des travaux et mettant en cause les délais de commencement des travaux des autres corps d'état ".

14. Il résulte de ces stipulations que l'application de pénalités de retard n'est prévue que lorsque le titulaire du marché a pris du retard lors du commencement des travaux et lorsque le délai d'exécution des travaux, fixé par le calendrier prévisionnel, a été dépassé et a mis en cause les délais de commencement des travaux des autres corps d'état. Par suite, l'article 13.1 ne permettait pas au maître d'ouvrage d'appliquer des pénalités de retard en cas de dépassement, par l'entrepreneur, des délais d'exécution prévus par le calendrier prévisionnel des travaux, sans incidence sur les délais de commencement des travaux des autres constructeurs. Il suit de là, d'une part, que la société requérante est fondée à soutenir qu'en l'absence de tout impact du retard pris par elle dans l'exécution de ses travaux sur les délais de commencement des travaux des autres corps d'état, la commune d'Aubergenville ne pouvait lui appliquer des pénalités sur le fondement des stipulations de l'article 13.1 du CCAP et, d'autre part, que la commune n'est pas fondée à demander, à titre incident, l'actualisation du montant de ces pénalités.

15. La commune d'Aubergenville soutient cependant que les pénalités de retard mises à la charge de la société Cobatec Ile-de-France pouvaient être fondées, à hauteur de 47 669,04 euros, sur les stipulations de l'article 20.1 du CCAG Travaux, qui prévoit l'application de pénalités " en cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux ". Toutefois, l'article 23 du CCAP, relatif aux " Dérogations au CCAG Travaux ", qui prévaut dans la hiérarchie des pièces contractuelles sur le CCAG Travaux, prévoit que son article 13 déroge à l'article 20 du CCAG. Par suite, la commune d'Aubergenville n'est pas fondée à soutenir que les pénalités en litige pourraient être maintenues sur le fondement de l'article 20.1 du CCAG Travaux.

16. Enfin, il résulte de l'instruction que le montant des pénalités mises à la charge de la société Cobatec Ile-de-France s'élève à la somme de 171 610, 55 euros. Par suite, le solde du marché fixé par l'administration à la somme de 77 065, 85 euros au débit de la société, doit être fixé à la somme de 94 544,70 euros au crédit de la requérante.

17. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Cobatec Ile-de-France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aubergenville à lui verser la somme de 94 544,70 euros au titre du solde de son marché et, d'autre part, que les conclusions d'appel incident de la commune d'Aubergenville tendant à ce que la société Cobatec Ile-de-France soit condamnée à lui verser la somme de 77 065,85 euros au titre du solde de ce marché doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Cobatec Ile-de-France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que la commune d'Aubergenville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aubergenville le paiement d'une somme de 2 000 euros à la SAS Cobatec Ile-de-France en application de ces mêmes dispositions. En l'absence de dépens engagés, les conclusions présentées par la société Cobatec Ile-de-France sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1608090 du tribunal administratif de Versailles du 20 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : Le solde du marché de la SAS Cobatec Ile-de-France est fixé à la somme de 94 544,70 euros au crédit de la SAS Cobatec Ile-de-France.

Article 3 : La commune d'Aubergenville versera à la SAS Cobatec Ile-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Cobatec Ile-de-France est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune d'Aubergenville au titre de son appel incident et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Cobatec Ile-de-France et à la commune d'Aubergenville.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2023.

La rapporteure,

M. Janicot La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 19VE00690 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00690
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS SEHILI - FRANCESCHINI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-01-27;19ve00690 ?
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